Deux de ses patientes l’ont poursuivi pour des faits remontant à octobre 2023 pour la première et mai 2024 pour la seconde, au sein de son cabinet, implanté dans un village situé à l’ouest de Montpellier. Il a été reconnu coupable.
Les propos sexistes et sexuels polluent malheureusement trop souvent le quotidien de nombreuses femmes. Mais ils prennent une dimension autrement plus grave lorsqu’ils sont prononcés par un professionnel de santé, censé soigner, écouter et protéger. Tout simplement parce que la relation entre un patient et son soignant doit reposer sur la confiance et le respect.
À l’audience du tribunal judiciaire de Montpellier, c’est précisément cette frontière que les magistrats ont estimée franchie par un kinésithérapeute ostéopathe, reconnu coupable de paroles d’une extrême vulgarité adressées à deux patientes lors de séances à son cabinet, en octobre 2023 puis en mai 2024. Autant avertir que les propos rapportés à la barre ont sidéré le tribunal dans son entièreté.
Encore baisable !
L’affaire éclate à la suite d’une plainte déposée par une trentenaire envoyée par son médecin traitant dans ce cabinet, implanté dans un village situé à l’ouest de Montpellier. « Je suis habituée à consulter des ostéos, mais là la séance a dépassé tout entendement », a expliqué à la barre cette Héraultaise âgée de 39 ans. « D’entrée, quand je suis arrivée, il avait un produit sur les mains et il m’a dit : “avec ce produit dans les mains, j’ai perdu tout mon sex-appeal” ». Le ton était donné.
« Puis il a enchaîné la séance avec un vocabulaire ordurier, des propos graveleux. Il m’a traité de “patiente poubelle”. M’a dit que j’étais encore “baisable”. Puis il s’est attardé sur mon ventre. Selon lui mon nombril penchait à gauche. “Ça vient du côté droit de la foune, ça me donne envie”, m’a-t-il dit. Il a enchaîné en lâchant : “c’est excitant”. Puis il a conclu en m’invitant à reprendre un rendez-vous entre le 13e et le 16e jour de mon cycle pour qu’il y “mette les doigts”. Il a répété cela trois fois. »
Un outil de posture émotionnelle
Interrogé à son tour, le prévenu, directeur de mémoire depuis quatre ans et kinésithérapeute ostéopathe depuis trente ans, marié et père de trois enfants, a reconnu une partie de ces propos déplacés mais assuré qu’ils n’avaient pas de visée sexuelle. « C’était un outil de posture émotionnelle que j’utilisais à l’époque, pour combattre des troubles psychosomatiques. C’est pour pousser les patients dans leurs retranchements. Voir comment ils réagissent. Mais je n’utilise plus cette méthode », a confié ce quinquagénaire.
Avant de renchérir : « “Patient poubelle”, on le dit entre professionnels quand on se refile les patients qu’on n’arrive pas à soigner. “Baisable”, j’ai dû le dire car je suis outré que la Sécurité sociale ne rembourse pas les PMA (Ndlr, procréation médicalement assistée) au-delà de 42 ans et demi. “Excitant” ou “Je vais y mettre les doigts”, c’est ce qu’elle déclare mais je ne l’ai pas dit. D’ailleurs, pour couper court, je n’ai jamais eu de rapports sexuels au cabinet. »
Et la présidente du tribunal, Ilana Lachkar de lui rétorquer : “Mais vous n’êtes pas jugé pour ça. Ni sur vos compétences professionnelles. Mais sur des propos sexistes et sexuels à l’encontre de vos patientes. »
Un mouvement d’humeur
Et que dire alors des propos on ne peut plus grivois adressés à la seconde plaignante, âgée elle de 29 ans, lorsqu’elle s’est adressée à lui, ordonnance à la main, pour un problème de colon. « Et qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Que je vous prenne par le cul et que j’éjacule dedans pour vous déboucher le colon ? », lui aurait-il lancé.
« C’est un mouvement d’humeur », a expliqué son avocat Maître Mickaël Poilpré. « Il venait de perdre son père, c’était une période douloureuse. Il n’a pas apprécié qu’elle lui coupe la parole alors qu’il était avec une autre patiente. Il regrette. Mais au-delà de ça, c’est un professionnel de grand talent. Une sorte de “Docteur House”. »
De leur côté, Maîtres Fanny Dissac et Asmâa Taleb ont regretté une « enquête bâclée, étayée sur trop peu de patientes ». Et de rappeler que « les ostéos n’ont pas le droit de faire de toucher pelvien contrairement aux kinés, mais uniquement sur prescription médicale ». Avant de confier, en aparté : « On va saisir le conseil de l’ordre. On se pose la question de savoir s’il n’y a pas d’autres victimes. »
Condamné à une amende de 2 000 euros
Reconnu coupable de propos sexistes et sexuels aggravés (car proférés par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions), le prévenu a été condamné à 2 000 euros d’amende dont 1 000 euros assortis d’un sursis.
Il devra aussi se soumettre à un stage de prévention sur les violences sexistes. Enfin, le tribunal a prononcé à son encontre des dommages et intérêts pour chacune des victimes à hauteur de 500 euros pour leur préjudice moral et 800 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.