Ancien joueur et entraîneur de Montpellier, passé par l’OM, le PSG ou la Côte-d’Ivoire, Jean-Louis Gasset s’est éteint à 72 ans, vendredi 26 décembre. Emportant avec lui une passion dévorante et communicative pour le ballon rond et l’humain.

Il était une voix, éraillée, consumée par le tabac. Il était un visage, buriné par le temps et la vie au grand air, au plus près des terrains. Il était une casquette, aussi, vissée invariablement sur ce crâne transpercé par deux petits yeux bleus. Mais surtout, Jean-Louis Gasset était beaucoup de ce jeu, amoureux boulimique de ce ballon rond qui a tout ou presque construit de sa vie. Celle-ci, comme le ballon, a arrêté soudainement de rouler, vendredi.

L’ancien joueur, éducateur ou entraîneur du Montpellier Hérault SC, passé par l’Olympique de Marseille, le Paris Saint-Germain, Saint-Étienne ou la Côte-d’Ivoire, a tiré sa révérence à 72 ans, au lendemain du réveillon de Noël. Un ultime pied de nez d’un homme à part, tombé dans la marmite de la Paillade dès son plus jeune âge, dans les pas de son père Bernard, co-fondateur du club et immense ami de Louis Nicollin.

Après la retraite, l’improbable retour

“Louis et ton père peuvent être fiers. Repose-toi bien”, lui avait écrit en substance Colette Nicollin en avril dernier, au moment où Gasset raccrochait une toute dernière fois ses habits de coach pailladin. Il avait vu dans ces mots « le début de sa thérapie » après avoir bouclé la boucle là où tout avait commencé, à Montpellier.

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De ces racines, de cette loyauté qu’il chérissait, était né son improbable retour, en octobre 2024. Après cinquante ans d’une carrière étirée « jusqu’au bout de la bougie », pour reprendre une métaphore qui lui était chère, Gasset était sorti de sa retraite. La mission avait beau être périlleuse, à la tête d’une équipe moribonde minée par les résultats et les finances, cet amoureux de pétanque avait lancé la boule, une dernière fois.

Milieu rugueux, Jean-Louis Gasset (en rouge) a disputé 263 matches sous les couleurs de la Paillade.

Milieu rugueux, Jean-Louis Gasset (en rouge) a disputé 263 matches sous les couleurs de la Paillade.
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« Si je n’y étais pas allé, j’aurais eu du mal à me regarder en me rasant. Mon père m’aurait dit de tout si je n’y étais pas allé. Je n’ai pas réussi cette mission pour différentes raisons, mais j’ai tout tenté », confiait-il à Midi Libre en mai dernier, après avoir raccroché définitivement le tablier, « fatigué » par un dernier challenge chez lui.

Tout connu au MHSC, ombre lumineuse de Laurent Blanc

Là, avant même le MHSC, Jean-Louis Gasset avait commencé par l’équipe corpo du groupe Nicollin. Puis ce milieu rugueux avait tout connu, de la DH à l’élite. Une manière de gravir pas à pas, appliquée à sa « seconde vie », celle d’entraîneur, du centre de formation montpelliérain aux soirées européennes enflammées du Parc des Princes ou du Vélodrome, en passant par ces matches internationaux sur le banc des Bleus.

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Avant Ghislan Printant, précieux adjoint des dix dernières années, le dénominateur commun de certaines de ces grandes aventures avait été Laurent Blanc. Et Gasset son bras droit lumineux dans l’ombre, apprécié des plus grands, de Zlatan Ibrahimovic notamment qui en avait fait l’éloge après leurs années ensemble au PSG. « Avec Laurent, on était comme Laurel et Hardy, disait Gasset dans ces colonnes. On se répartissait les rôles pour négocier avec un joueur ou causer dans le vestiaire. Entre nous, il y avait une clé essentielle : la confiance. »

L’art et la manière de la causerie

Ce pilier de leur relation aura aussi été celui de Gasset tout court, autant technicien que fin connaisseur de la chose humaine, de cette matière imperceptible qui unit un groupe. Pour cimenter ces collectifs, armé de son regard perçant et d’un humour bien plus fin que de prime abord, Gasset n’avait pas son pareil dans l’art de la causerie.

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Cela avait été l’objet d’une de ses dernières apparitions, le 19 décembre. À Lattes, face aux éducateurs du club, il avait évoqué ce moment privilégié. « On ne gagne pas tous les matches, mais on apprend à tous les gagner », avait-il soufflé.

À Grammont, Gasset avait un jour réussi à électriser la salle de presse. Par sa seule manière de distiller les clés de son discours à venir lors du prochain match, il avait envoûté de simples journalistes.

VHS à Saint-Georges-d’Orques et nuits courtes à Grammont

« Tout ce que l’on a fait hier est fait, en revanche, on peut décider de ce que l’on va faire demain. » Sa devise disait beaucoup du personnage, ébranlé en 2017 par le décès de son épouse Andrée, et passionné compulsif par ce jeu dont il a légué l’amour à son fils Robin, actuel entraîneur-adjoint des gardiens du MHSC.

Bien avant l’apparition des “gains marginaux”, Gasset visionnait sur cassette VHS des dizaines de matches. Dans son bureau de Saint-Georges-d’Orques, il plaçait ses pions sur son tableau, avide de ces petits riens qui feront tout et l’obsédaient. Jusqu’à plus soif au moment de parler foot, ce qu’il faisait depuis peu auprès de la chaîne Ligue 1 +. Ou jusqu’à ne pas en dormir la nuit. Comme lors de son dernier passage au MHSC, parfois passé seul sur un lit du centre d’entraînement à la recherche de ce diable de détail.

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Il n’aura pas déniché le tout dernier. Mais les plus fervents des amoureux du MHSC avaient su lui rendre justice au moment de son départ. « Honneur et respect Jean-Louis Gasset », avait écrit la Butte Paillade sur une banderole déployée à l’entrée du centre d’entraînement qui porte le nom de son père. Un au revoir qu’ils ne pensaient pas être un adieu à l’une des plus grandes figures de ce club et de ce jeu. Elle leur manquera.

Jean-Louis Gasset en bref

Naissance : le 9 décembre 1953 à Montpellier.
Fils du co-fondateur du MHSC Bernard Gasset.

Carrière de joueur : Béziers (1974-75/D2), Montpellier (DH à D1, 263 matches de 1975 à 1985).

Poste : milieu de terrain.

Parcours d’entraîneur : Montpellier de 1991 à 1999 ; Caen 2000-2001 ; Paris SG 2001-2003 (adjoint de Luis Fernandez) ; Espanyol Barcelone 2003-2004 (adjoint de Luis Fernandez) ; Istres 2005-2006 ; Bordeaux 2007-2010 (adjoint de Laurent Blanc) ; équipe de France 2010-2012 (adjoint de Laurent Blanc) ; Paris SG 2013-2016 (adjoint de Laurent Blanc) ; Montpellier 2017 ; Saint-Étienne 2017-2019 ; Bordeaux 2020-2021 ; sélectionneur de la Côte-d’Ivoire 2022-2024 ; 2024 Marseille ; 2024-2025 Montpellier.

Principaux titres : 4 championnats de France (2009, 2014, 2015, 2016), 4 Coupes de la Ligue (2009, 2014, 2015, 2016), 2 Coupes de France (2015, 2016), 5 Trophées des champions (2008, 2009, 2014, 2015, 2016).