Un énorme tas de palettes se consume dans son dos, dégageant une épaisse fumée. Le trafic dans le sens Espagne-Bordeaux est coupé depuis le dimanche 14 décembre au soir. Une déviation fastidieuse envoie l’habituel mur de camions dans des voies parallèles malaisées. Dans l’autre sens, la circulation est déviée juste pour le franchissement de l’échangeur assiégé. De nombreux véhicules passent en klaxonnant, signe de soutien ou, peut-être, joie de voir sauter le barrage.

Ils sont une vingtaine encore sur place ce vendredi matin, bonnet jaune sur le crâne et visage las. Fatigués. « Le bilan ? Rien ! On a parlé à un mur, on n’a rien du tout, râle Vincent Collineau, éleveur à Monségur, coprésident de la CR33. L’abattage total est toujours là, les exploitations sont en vrac – douze jours sans s’occuper des bêtes, c’est comme si vous laissez une école primaire douze jours sans adultes. On a tenu douze jours, mais qui peut être content de partir comme ça ? Un blocage aussi long, l’A 63 coupée, je ne sais pas si on se rend compte de ce qu’on a fait. Normalement ça aurait dû bouger. »

« Ils se moquent de nous »

Sébastien Lecourt, éleveur de vaches à viande et viticulteur à Saint-Sulpice-de-Pommiers, ne cache pas son amertume : « On s’en va, ils se moquent de nous, ils sont au chaud, ils passent les fêtes en vacances. » Ils, ce sont les politiques, le gouvernement resté sourd aux demandes de la CR.

« Les revendications portées par la CR33 auprès de monsieur le préfet, de monsieur le président de Région et des députés n’ont, à ce jour, reçu aucun retour. Alors que les institutions sont à l’arrêt et que les réponses ne viennent pas, continuer dans les mêmes conditions n’aurait plus d’impact. Lever le blocage, c’est refuser l’épuisement inutile et choisir de préparer la suite », justifie le syndicat dans un communiqué publié ce vendredi.

L’occupation du site par la Coordination rurale 33 a laissé des traces sur le bitume et autour.

L’occupation du site par la Coordination rurale 33 a laissé des traces sur le bitume et autour.

GUILLAUME BONNAUD / SO

Usés et déçus, les agriculteurs expriment néanmoins un sentiment de fierté. « Quelle profession a manifesté dehors, dans le froid, sur une autoroute, pour Noël ? Si on fait ça, c’est que ce qu’on demande est vital. Depuis 2024, il n’y a plus que la CR et la Conf’ [Confédération paysanne, NDLR] qui se battent », note Vincent Collineau.

Pour Sébastien Lecourt, ce ne fut pas une mobilisation pour rien, en dépit de l’absence de résultats : « On a su rallier du monde à nous, vu l’ampleur du mouvement. Il y a eu zéro annonces, mais la CR a su mobiliser. On n’y croyait pas nous-même au début, on partait pour une belle mobilisation, mais pas autant que ça. »

Selon Jean-Paul Ayres, les adhésions se multiplient depuis le début du mouvement de grogne. « C’est des gens qui viennent de la Fédé [Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, FNSEA] et des Jeunes Agriculteurs », précise-t-il, visant les deux syndicats concurrents, jugés trop proches du pouvoir. Autre bénéfice du mouvement, selon la CR : un coup d’accélérateur à la campagne de vaccination.