Maurits Cornelis Escher en bref

Électron libre de l’art moderne, M.C. Escher a vécu en marge des avant-gardes pour produire inlassablement des images dans la pure tradition de la gravure. Dessinateur virtuose, Escher joue cependant avec les apparences et la perspective pour mettre en scène un monde irréel, impossible, absurde. Parfaitement vraisemblables à première vue, ses images matérialisent des problèmes géométriques complexes jusqu’à se révéler inextricables. Non dénuées d’humour, ses œuvres sont de véritables casse-tête pour les yeux, qui émerveillent autant qu’elles questionnent le rapport du spectateur à la perception. Escher est surtout un visionnaire dont l’univers a inspiré les plus grands mathématiciens.

M.C. Escher dans son atelier à Baarn aux Pays-Bas, devant son œuvre « Chevalier »

M.C. Escher dans son atelier à Baarn aux Pays-Bas, devant son œuvre « Chevalier »

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Coll. Kunstmuseum, La Haye • All M.C. Escher works © 2025 The M.C. Escher Company, The Netherlands. All rights reserved www.mcescher.com

Il a dit

« Nous adorons le chaos parce que nous aimons produire de l’ordre. »

M.C. Escher en quelques datesUne appétence pour l’estampe

Né à Leeuwarden, aux Pays-Bas, en 1898, Escher se forme à l’École d’architecture et des arts décoratifs de Haarlem à partir de 1919. C’est dans l’estampe qu’il affiche une prédilection et l’artiste se forme à la xylogravure auprès de Samuel Jessurun de Mesquita.

À Rome, un graveur dans la tradition de son art

En 1922, Escher achève sa formation et voyage. D’abord en Andalousie où il est marqué par les motifs décoratifs de l’art islamique, puis à Rome où il épouse Jetta Umiker en 1924. La famille Escher y demeure jusqu’en 1935. Face à la montée du fascisme en Italie, il déménage pour deux ans en Suisse avant de gagner la Belgique en 1937

Le maître des énigmes graphiques et des illusions d’optique

Malgré quelques années passées à Bruxelles, le graveur n’entretient aucun lien avec le surréalisme, ni même René Magritte avec lequel il partage pourtant le goût de l’absurde et des images doubles. En 1941, la guerre le ramène aux Pays-Bas, dans la région d’Utrecht d’où il ne bougera plus. C’est durant la période bruxelloise qu’Escher consacre son art aux énigmes graphiques. Il s’agit d’images impossibles, de problèmes géométriques complexes traités avec une rigueur technique héritée des maîtres de la gravure, de William Hogarth à Piranèse. Escher y donne de la vie et de la profondeur en peuplant son « autre monde » d’une foule de personnages, d’animaux et de détails anecdotiques.

Les débuts d’une large reconnaissance

Escher suit une paisible vie bourgeoise. Son succès, d’abord restreint auprès d’un public d’initiés, touche une plus large audience avec l’exposition qui lui est organisée au Stedelijk Museum d’Amsterdam en 1954, dans le cadre du Congrès international des mathématiciens. Son nom prend de l’ampleur quand l’historien de l’art Ernst Gombrich le consacre dans les années 1960 ou encore, en 1968, lorsque le Gemeentemuseum de La Haye lui organise sa première véritable rétrospective.

Le dessinateur préféré des mathématiciens

Escher réfute être lui-même un scientifique mais fait preuve d’une grande érudition dans sa connaissance des mathématiques. L’inspiration est réciproque. C’est en découvrant les gravures d’Escher que le mathématicien Roger Penrose a l’idée de travailler sur les objets impossibles, pour léguer son fameux « triangle de Penrose » en 1958. Penrose rend un hommage explicite à Escher dans la présentation de son solide et, en retour, le graveur met en image une autre de ses inventions : l’« escalier de Penrose ».

Un artiste inclassable mais populaire

Distant des avant-gardes, Escher reconnaît volontiers se sentir davantage dans son élément auprès des mathématiciens que des artistes. Malgré son succès, il conserve son statut de marginal dans l’art contemporain, qui consacre toute son énergie à une œuvre riche de 448 lithographies et de plus de 2 000 dessins. Icône de son vivant, Escher assure sa postérité en créant une fondation en 1969, trois ans avant sa mort. Celle-ci passera de main en main avant de revenir à la Ville de La Haye, qui ouvre le musée Escher en 2002. En plus d’y découvrir les estampes originales de l’artiste, le visiteur y est plongé dans un monde d’illusions, un environnement immersif s’inspirant des jeux graphiques du maître.

Ses œuvres clésAutoportrait au miroir sphérique, 1935

M.C. Escher, Autoportrait au miroir sphérique

M.C. Escher, Autoportrait au miroir sphérique, 1935

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Lithographie • 31,8 × 21,3 cm • Coll. M.C. Escher Heritage, Pays-Bas / All M.C. Escher works © 2025 The M.C. Escher Company. All rights reserved / www.mcescher.com

Lorsqu’il réalise ce célèbre autoportrait, Escher ne s’est pas encore penché sur les illusions d’optique. Pourtant, transparaît déjà le goût de l’étrange par la distorsion du reflet sur la surface convexe du miroir. La perspective complexe de l’image est traitée avec une maîtrise et une rigueur implacables. Le spectateur est questionné sur le monde des apparences, contenu dans ce globe-miroir. La main qui le tient, modelée avec finesse par les gris, est le véritable ancrage au réel et rappelle que l’art n’est pas qu’une activité intellectuelle mais d’abord et avant tout manuelle.

Relativité, 1953

M.C Escher, Relativité

M.C Escher, Relativité, 1953

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Lithographie • 27,7 × 29,2cm • All M.C. Escher works © 2025 The M.C. Escher Company, The Netherlands. All rights reserved www.mcescher.com

Ernst Gombrich a, au sujet d’Escher, décrit un « univers vertigineux où les termes ‘haut’ et ‘bas’, ‘droite’ et ‘gauche’ ne veulent plus rien dire » (L’Art et l’illusion, 1960). Maître dans le dessin de perspective, l’artiste crée ici un monde proche des célèbres prisons du graveur Piranèse au XVIIIe siècle. Dans cette lithographie qui prend pour titre le principe fondamental d’Einstein, les repères spatiaux sont brouillés avec au fond, comme à droite et à gauche, des arcades ouvertes sur un extérieur où il n’y a pas d’horizon unique. De même, la perspective que dessinent les trois principaux escaliers, le seuil de l’un rejoignant le sommet de l’autre, est tout à fait impossible. La lithographie a participé à inspirer aux Penrose leur fameux escalier paradoxal. En le peuplant de figures, Escher dote son monde singulier d’un sentiment de vie troublant.

Serpents, 1969

M.C. Escher, Serpents

M.C. Escher, Serpents, juillet 1969

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Xylographie en orange, vert et noir, en trois blocs • 49,8 cm x 44,7 cm • All M.C. Escher works © 2025 The M.C. Escher Company, The Netherlands. All rights reserved www.mcescher.com

Cette gravure tardive nous rappelle qu’en plus de l’architecture, Escher aimait aussi la représentation des animaux – des reptiles en particulier –, dont les écailles évoquent un ornement. Le goût pour les motifs répétitifs s’est imposé à Escher dès sa visite du palais de l’Alhambra à Grenade en 1922, où la découverte des décors géométriques mauresques fut une révélation. Ici, la complexité du mandala repose sur la variation d’échelle : à mesure que les cercles imbriqués se rapprochent du centre, ils rapetissent jusqu’à devenir imperceptibles. C’est l’ultime intuition mathématique d’Escher qui, par son observation, a préfiguré les fractales, lesquelles ne seront précisément théorisées par Benoît Mandelbrot qu’en 1975, trois ans après la mort de l’artiste.

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Maurits Cornelis Escher

Du 15 novembre 2025 au 1 mars 2026

www.monnaiedeparis.fr

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