Ce duplex de 58 mètres carrés invite au voyage à deux pas de la gare de Lyon
Dans le salon, l’art et le design créent le dialogue, avec une lampe murale de Muller Van Severen, un banc Socialite Family, ainsi que des tableaux de Shepard Fairey, de Christoph Niemann et de Monja Gentschow.
Juan Jerez
Nous sommes dans le XIIe arrondissement parisien, non loin de la gare de Lyon. Cette rénovation est l’une des premières réalisations propres de Micaela Granja, après plusieurs années auprès de l’architecte d’intérieur Jordane Arrivetz. À son arrivée dans les lieux, elle trouve un duplex de 58 mètres carrés souffrant d’une « superposition d’interventions et de styles différents ». En effet, cet espace est la réunion de deux appartements « réunis par la force, semble-t-il, puisqu’on ne trouvait aucun lien entre le rez-de-chaussée et l’étage », témoigne l’architecte d’intérieur, qui déplore une rupture « agressive » entre un premier niveau aux codes faussement haussmanniens, et un second niveau inspiré des années 1970 ; le tout, dans un immeuble des années 1930.
Les tons sobres sont rehaussés par des touches de couleur éparses.
Juan Jerez
Le canapé sur mesure, surmonté d’une applique de Tom Dixon.
Juan JerezInsuffler l’harmonie par l’épure
En plus d’agencements « biscornus » et d’une perte d’espace généralisée, notamment due à un escalier industriel trop massif, le lieu est « difficile à regarder ». « Je me suis rendue compte que l’appartement avait été complètement éloigné de son ADN initial », rapporte Micaela Granja. Son dessein a donc été d’apporter une harmonie à ce duplex au charme absent. Plutôt que d’ajouter une énième intervention, l’architecte d’intérieur a préféré « dénuder l’ensemble pour lui donner une toute nouvelle identité, plus forte et cohérente ».
La cuisine et le salon sont reliés par une courbe continue.
Juan Jerez
Le nouvel escalier hélicoïdal dessiné par Micaela Granja. Sur l’étagère, une peinture de Mateo Granja.
Juan Jerez
Pour ce faire, elle a commencé par effacer les espaces transitionnels, comme les entrées et les couloirs, à la fois gourmands en espace et visuellement lourds. La solution : ouvrir au maximum pour rendre les transitions imperceptibles, comme dans le salon où elle a usé de courbes et de mobilier hybride pour fluidifier la circulation. « Par exemple, le vaisselier qui file tout au long de la pièce va se transformer en cuisine, qui elle-même reprend la courbe suivant la forme de la pièce pour créer une banquette. En réunissant cuisine et salon, on crée un seul espace, fluide et fonctionnel. » Dans la même démarche, un nouvel escalier est dessiné. « La forme en colimaçon permet de former une ligne continue », éclaire Micaela Granja.
La forme de l’escalier minimise la perte d’espace.
Juan Jerez
L’étage est consacré aux pièces de repos.
Juan JerezL’esprit des vacances
Une fois les contraintes spatiales considérées (voir plans en fin d’article), l’architecte d’intérieur s’est consacrée à sa deuxième mission, « plus poétique » : doter le lieu d’un esprit de vacances, selon la volonté du jeune couple propriétaire. « Ils adorent voyager et nous sommes proches de la gare de Lyon, un lieu de passage. Ils aiment le soleil, qui n’est pas forcément présent chaque jour à Paris…, constate-t-elle. C’est pourquoi on voulait créer un espace où, peu importe où l’on se trouve dans l’appartement, on a l’impression d’être en vacances. J’aime faire référence au moment suspendu entre le déjeuner et la sieste où on s’allonge dans un hamac, on lit un livre, où chacun fait ce dont il a envie de son côté ». La retranscription de ce moment bien particulier se fait grâce aux matériaux, mûrement réfléchis. Bois vernis, béton ciré rosé… L’atmosphère est à la fois chaleureuse et rafraîchissante pour évoluer aisément au gré des heures de la journée et des saisons — y compris lors des hivers parisiens pluvieux. Des poignées sur mesure aux lignes douces et quelques objets chinés se greffent également à cette ambiance méridionale et zen.
Dans le bureau (bleu), une applique d’Axel Chay et des peintures de Studio Monotype colorent l’espace.
Juan Jerez
Le placard rose de la salle de bains crée la surprise, dans une enveloppe blanche épurée.
Juan JerezCouleurs et matières latino-américaines
« Pour cultiver l’esprit de vacances, je me suis beaucoup inspirée du modernisme latino-américain, son usage des formes simples, des matériaux bruts comme le béton et le bois, explique Micaela Granja, qui cite les architectes Marcio Kogan, Ricardo Legareta et Luiz Barragán parmi ses références. Luiz Barragán m’a beaucoup aidée à réfléchir sur la lumière et sur l’utilisation de la couleur : on peut voir ici qu’on a, partout, de petites touches colorées. Luiz Barragán pensait que l’espace idéal devait contenir un peu de magie, de sérénité, de sorcellerie, de mystère. C’est comme cela qu’on a traité la couleur, dont le ton brique des canapés ». Ainsi, hors des notes colorées qui ponctuent l’appartement, l’architecte d’intérieur a privilégié les nuances sobres, comme le blanc, le bois et le noir pour apporter un contraste bienvenu. L’architecte d’intérieur a également doté le duplex de pièces de design tendances, comme les luminaires d’Axel Chay, de Tom Dixon ou de Muller Van Severen.