Il y a cette histoire qu’Eva Jospin (née en 1975) raconte. Un jeune Romain tombe par hasard dans une cavité oubliée et découvre, stupéfait, des fresques magnifiques sous terre. C’est la Domus Aurea de Néron, ensevelie depuis des siècles. De ce palais devenu grotte naîtra le « grotesque », ce style dans lequel l’architectural et le végétal s’enlacent dans un délire décoratif. Ainsi l’artiste tire-t-elle ce fil légendaire pour tisser son propre labyrinthe au Grand Palais et sculpter ses mythes.
On comprend dès l’entrée qu’il faudra marcher, tourner, revenir sur ses pas pour appréhender ce parcours, accessible avec le même billet que l’exposition des maquettes des vitraux de Notre-Dame par Claire Tabouret. Avec Eva Jospin, rien ne se donne d’un seul regard.
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Une forêt d’hommages à l’histoire de l’art
On s’émerveille d’abord devant un promontoire vertigineux, puis un cénotaphe qui s’élève comme une tour de Babel en carton, ce matériau banal dont l’artiste a fait sa signature. Diplômée des Beaux-Arts de Paris, la fille de l’ancien Premier ministre qui voulait être peintre s’est faufilée dans la sculpture par cette brèche humble, transformant depuis bientôt vingt ans les reliques du commerce mondialisé en dentelles architecturales.

Vue d’exposition « Grottesco » d’Eva Jospin, et notamment « Panorama », au Grand Palais, Paris, 2025
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© GrandPalaisRmn, Paris, 2025 / Photo Simon Lerat
Eva Jospin repousse toujours plus loin son exploration des matières, des échelles, des techniques.
En se promenant parmi ses forêts opaques, on pense aux primitifs italiens, à Giovanni Bellini, à Piero di Cosimo. Ses arbres découpés au cutter, ses grottes peintes en trompe-l’œil, ses coquillages cachés dans les plafonds : tout concourt à composer un monde dans lequel le minéral dialogue avec le textile, où la sculpture rencontre la broderie, où la mémoire de l’histoire de l’art affleure sans jamais se figer en citation.
Des bas-reliefs brodés comme des mini-théâtres
Parmi la quinzaine d’œuvres exposées, quelques pièces inédites troublent encore davantage les frontières. Une série de bas-reliefs brodés accrochent la lumière avec des perles, fils libres et franges qui cascadent comme des nymphées, des fontaines à nymphes, réinventées. Jospin repousse toujours plus loin son exploration des matières, des échelles, des techniques. Elle aime autant travailler un brin d’herbe avec une pince à épiler que manier la ponceuse en haut d’une échelle pour polir un dôme de dix mètres.

Œuvre inédite d’Eva Jospin entre carton, broderie et fils, exposée au Grand Palais pour l’exposition « Grottesco », 2025
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© GrandPalaisRmn, Paris, 2025 / Photo Simon Lerat
De Sous-Bois en Arche, votre déambulation, passant des jardins baroques italiens aux rocailles du XVIIIe siècle, se termine devant Panorama. Semblable à une grande forêt enchantée, cet arc de cercle de neuf mètres sur neuf en bois et carton enveloppe les visiteurs.
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La magie des grottes

Un temple féerique miniature en bois et carton d’Eva Jospin à l’exposition « Grottesco » du Grand Palais, Paris, 2025
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© GrandPalaisRmn, Paris, 2025 / Photo Simon Lerat
En fin de journée, quand s’obscurcit le ciel de Paris perçant par les fenêtres, la magie opère pleinement. On reste à se demander si l’on est devant un décor d’opéra ou à l’entrée d’un monde dans lequel on aimerait bien basculer en traversant le miroir comme Alice au pays des merveilles. Eva Jospin crée des lieux où l’on voudrait habiter, tout en sachant qu’ils n’existent que dans les contes de fées.
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Eva Jospin – Grottesco
Du 10 décembre 2025 au 15 mars 2026
Grand Palais • 7 Avenue Winston Churchill • 75008 Paris
www.grandpalais.fr