Et si, avec l’augmentation des températures, le cobogó, sorte de moucharabieh brésilien en béton, avait un avenir à Toulouse ? C’est en tout cas le pari d’Anaïs Magnabal, qui a reçu le 15 décembre dernier le prix 2025 de l’œuvre originale réalisée par une femme architecte décerné par l’Association pour la recherche sur la ville et l’habitat (Arvha). Cette organisation a ainsi récompensé un projet mené pendant six ans dans un quartier résidentiel de la Ville rose.
« Avec mon père, artisan maçon-plâtrier, on cherchait à acquérir un bien, moi comme premier achat et lui comme investissement », resitue Anaïs Magnabal, originaire d’Albi (Tarn). La parcelle, dotée d’une toulousaine abandonnée et d’un terrain délaissé, leur offre la possibilité d’avoir deux bâtiments.
Mais le projet présente plusieurs contraintes, comme l’explique la jeune femme de 34 ans, diplômée de l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse (Ensat) en 2014 et qui a monté sa propre agence en 2019 : « D’un point de vue éthique, je me suis demandé comment intégrer une maison individuelle neuve à côté d’une toulousaine du XIXe siècle. Par ailleurs, les chambres à l’étage donnent sur un vis-à-vis assez haut et sont orientées sud-est. »
« Une lumière légèrement colorée par le béton teinté »
Lui vient alors l’idée du cobogó, ces modules préfabriqués permettant de construire des murs offrant une ventilation constante. Elle souhaite y associer l’approche de l’artiste brésilien Athos Bulcão – qui a notamment travaillé avec le légendaire Oscar Niemeyer – consistant à reproduire un motif en le faisant pivoter.
« À la base, je voulais travailler avec des briques foraines, mais il m’en aurait fallu beaucoup trop. J’ai alors imaginé des modules plus gros, de 30 cm par 30, permettant une mise en œuvre plus simple », développe Anaïs Magnabal. Ses moules viennent du Brésil, où elle les trouve grâce à des connaissances datant de son année d’étude en Argentine. Avec l’aide de son père, elle mène ensuite, pendant deux ans, des tests de solidité et de colorimétrie pour s’inscrire au mieux dans l’environnement bâti.
L’architecte toulousaine, qui travaille aujourd’hui notamment sur des maisons individuelles et des projets de cabinets médicaux, fabrique alors, pendant dix mois, les 400 modules de béton teinté dans la masse qui vont constituer la deuxième peau de la façade de sa maison Cob. « Les gens s’interrogent souvent sur la luminosité, mais l’espace est baigné d’une lumière légèrement colorée par le béton teinté », assure-t-elle.
Sur l’aspect thermique, outre l’ombre créée par ce moucharabieh en cobogó qui rafraîchit forcément les chambres, Anaïs Magnabal mène une thèse en architecture et thermique avec le laboratoire de recherche en architecture de l’Ensat et l’Insa Toulouse. « L’objectif est de mesurer précisément les effets, d’approfondir mes connaissances pour monter en compétences et travailler la possibilité de le mettre en place sur des bâtiments plus importants », imagine-t-elle. « C’est la masse qui crée l’inertie, ce qui a un intérêt thermique et architectural. La perception est très différente de jour et de nuit, où on a l’impression d’une peau décollée de la façade. » Avec ce prix, Anaïs Magnabal espère aussi gagner en visibilité et pouvoir se distinguer par son approche sur des marchés publics.