Avec un entraînement collectif avec ses partenaires, le demi d’ouverture a offert une première convaincante, pour sa première en Top 14 avec le maillot frappé du muguet, lors du succès obtenu face à Perpignan (31-16).

Entré à la 56e minute de jeu face à Perpignan, aux côtés de Baptiste Serin et d’Esteban Abadie, Tomás Albornoz a reçu un accueil chaleureux des supporters toulonnais. Sur le port ou dans les différentes artères allant au stade, avant cette rencontre comptant pour la 13e journée, le nom du natif de San Miguel de Tucumán était sur toutes les lèvres.

Arraché au Benetton quelques mois plus tôt que ce qu’il était prévu – il s’était engagé au préalable pour l’an prochain –, l’ouvreur suscite d’énormes attentes chez les supporters Rouge et Noir. Il faut dire que l’intéressé dispose de quelques vidéos et autres réels qui ont fait le tour des réseaux sociaux. Pêle-mêle, on l’a vu causer quelques désordres, avec des attaques de lignes tranchantes, lors du dernier Rugby Championship avec l’Argentine. Tout cela face aux meilleures nations de l’hémisphère sud. Dernièrement, il s’est signalé avec un drop de 50 mètres pour entériner la victoire de Trévise chez les Lions en Challenge Cup.

Il a plus attaqué la ligne que ce qu’il a fait de passes à la main

Privé de Matéo Garcia, qui souffre d’une gêne à une cuisse, Pierre Mignoni n’a pas hésité à lancer dans le grand bain sa recrue avec un « seul entraînement collectif ». Pas entré dans la meilleure période de son équipe, l’ancien élément des Jaguares a d’abord chauffé le chaud et le froid avant de monter en puissance.

Présenté comme un « gros défenseur » par le coach varois et Leonardo Senatore, consultant pour Scrum ESPN sur les rencontres des Pumas, il a démarré sa partie avec un plaquage très positif sur Velarte, venu le défier frontalement (59e).

En revanche, quelques instants plus tard, toujours sur un lancement en première main, il a été surpris par le crochet vers l’intérieur de Duguivalu (64e). Repris par Ollivon, le Fidjien est parvenu à libérer les bras pour De la Fuente, pris sans ballon par Abadie. L’Argentin, grimaçant, s’est tout de suite excusé auprès de ses coéquipiers pour son manque de connexion défensive avec Serin et Sinzelle. Une erreur qui semble logique pour un nouvel élément.

Albornoz, dans le cercle vert, a mal jugé la course de Duguivalu (capture d’écran LNR).

Albornoz, dans le cercle vert, a mal jugé la course de Duguivalu (capture d’écran LNR).

Possession en main, l’ouvreur s’est vite rassuré. À la 67e minute, bien placé en couverture, il a tapé une chandelle efficace. Premier à la retombée, il n’a pas été en mesure d’assurer la continuité en commettant un en-avant sous l’impact féroce de son compatriote De La Fuente (67e).

Comme souvent dans cette rencontre, Albornoz a brillé par sa lecture du jeu. Ici, il place sa chandelle dans une zone dégarnie (capture d’écran LNR).

Comme souvent dans cette rencontre, Albornoz a brillé par sa lecture du jeu. Ici, il place sa chandelle dans une zone dégarnie (capture d’écran LNR).

Par la suite, il a joué libéré en gagnant à trois reprises la ligne d’avantage face successivement à Aprazidze, deux fois, Tetrashvili, et Duguivalu. Sur cette rencontre, il a d’ailleurs plus joué ses duels (trois) que fait de passes à la main (deux).

Deux percées qui ont enflammé la foule

À cinq minutes du terme de cette affiche, Albornoz s’est présenté à Mayol avec une relance depuis ses cinq mètres lors d’un ballon de récupération. Avec un avantage sur un en-avant, il a pris ses responsabilités en entreprenant une relance à la main. Grâce à une prise d’information précoce, il a analysé le fait qu’il se retrouvait face à un avant (Yato).

À l’arrêt, sur un ballon de récupération, Albornoz (cercle vert) analyse bien la situation face à Yato (cercle gris). Il ne prend pas le faux trou (flèche verte) et décide de se lancer vers l’extérieur (flèche rouge) pour faire parler sa vitesse (capture d’écran LNR).

À l’arrêt, sur un ballon de récupération, Albornoz (cercle vert) analyse bien la situation face à Yato (cercle gris). Il ne prend pas le faux trou (flèche verte) et décide de se lancer vers l’extérieur (flèche rouge) pour faire parler sa vitesse (capture d’écran LNR).

Il a alors fait parler sa pointe de vitesse pour griller la politesse au Fidjien. D’un crochet vers l’extérieur, il a également laissé sa carte de visite à Forner. En contrôle en bout de ligne, Velarte n’a pas été en mesure de réagir assez vite.

Le choix d’Albornoz est payant : il échappe à Yato et Forner (cercle gris), Velarte (cercle jaune) ne peut se livrer face au surnombre. En l’espace de quatre secondes, l’Argentin a fait la différence (capture d’écran LNR).

Le choix d’Albornoz est payant : il échappe à Yato et Forner (cercle gris), Velarte (cercle jaune) ne peut se livrer face au surnombre. En l’espace de quatre secondes, l’Argentin a fait la différence (capture d’écran LNR).

Ce sera finalement Duguivalu et Reus qui viendront arrêter la relance de l’Argentin. L’intéressé a d’ailleurs préféré conserver plutôt que de transmettre le ballon à Serin.

Albornoz (cercle vert) est repris après une course de 40 mètres. Serin a suivi, mais l’Argentin préfère passer au sol (capture d’écran LNR).

Albornoz (cercle vert) est repris après une course de 40 mètres. Serin a suivi, mais l’Argentin préfère passer au sol (capture d’écran LNR).

Quelques instants plus tard, après des relais notamment d’Abadie et de Villère, Albornoz, sous fatigue après sa grosse accélération, a encore une fois pris l’information comme il le fallait. Il a fait fi de l’appel de Sinzelle, pour tenter une diagonale sur l’aile de Dréan (non visible sur la prise d’écran). Le geste du pied gauche est parfait, et l’ailier breton, malgré des crampes, a été le plus vif pour bonifier l’offrande. Poing levé vers le ciel, l’ouvreur a été salué immédiatement par le trio Ludlam – Serin – Sinzelle. « Il a été énorme et son niveau va encore monter, a salué le premier nommé face à la presse. C’est fou s’il peut jouer comme ça avec à peine deux jours d’entraînement avec nous. »

Servi dans l’avancée, lors de la même situation, Albornoz (cercle vert), sous fatigue, a tout vu avant de recevoir le ballon. Malgré l’appel de Sinzelle (cercle jaune), il décide de faire confiance à son pied gauche. Dréan, pas sur l’écran mais qui sera dans le cercle bleu dans la seconde d’après, profite de la passe décisive (capture d’écran LNR).

Servi dans l’avancée, lors de la même situation, Albornoz (cercle vert), sous fatigue, a tout vu avant de recevoir le ballon. Malgré l’appel de Sinzelle (cercle jaune), il décide de faire confiance à son pied gauche. Dréan, pas sur l’écran mais qui sera dans le cercle bleu dans la seconde d’après, profite de la passe décisive (capture d’écran LNR).

Sur le renvoi, Serin, en préparation de sa sortie de camp, s’est ravisé à la suite d’un appel de Sinzelle. Le centre lui a demandé de jouer à l' »exté ». Servi en premier attaquant, l’ex-Rochelais a fixé et transmis dans son dos pour Albornoz.

Au fil des minutes, Albornoz (cercle vert) s’est connecté avec ses partenaires comme Sinzelle (cercle jaune). Là encore, il fera le bon choix (flèche verte) en attaquant la zone de Diaby (capture d’écran LNR).

Au fil des minutes, Albornoz (cercle vert) s’est connecté avec ses partenaires comme Sinzelle (cercle jaune). Là encore, il fera le bon choix (flèche verte) en attaquant la zone de Diaby (capture d’écran LNR).

Là encore, le Puma a fait le bon choix en utilisant les appels autour de lui pour jouer sa carte personnelle. Cette fois, l’action n’ira pas au bout. Après un relais de Ferté, Jonathan Dufort s’est mis, d’une manière involontaire, sur une ligne de passe entre Serin et Garbisi. Ce sera la dernière séquence de l’Argentin. Il finira la partie avec de sacrées statistiques pour un peu plus de 20 minutes de jeu : deux défenseurs battus, deux franchissements, et 51 mètres parcourus.

Senatore : « Il est capable de détruire les meilleures défenses du monde »

Ces deux séquences en fin de partie, et malgré le fait que le renfort soit à court de ryhme, ont montré de belles promesses pour le futur. « Ce n’est que le début, a salué l’ex-troisième ligne de Toulon Leonardo Senatore. Tomás est un joueur extraordinaire, un grand chef d’orchestre, qui connaît bien le rugby. Il est capable de détruire toutes les meilleures défenses du monde. En plus, c’est un guerrier en défense. C’est un guerrier comme les Toulonnais les aiment. Il y a quelques mois, on avait discuté de cette possibilité pour lui de rejoindre le RCT. Il était déjà excité. Je lui ai dit que c’était le meilleur endroit du monde pour jouer au rugby. Je sais qu’il appréciera sa vie là-bas, et que les Toulonnais vont se régaler de le voir jouer. Il va électriser les supporters. Pour dire la vérité, je sais qu’il a la possibilité d’être le digne successeur de Jonny (Wilkinson, NDLR). Pour moi, il joue dans la même catégorie que les meilleurs ouvreurs du monde. Je suis certain d’une chose : les supporters vont rapidement voir son impact. »

« Leo » estime le joueur assez mûr, à 28 ans, pour saisir « la chance de sa vie ». « Vous savez, pour nous, les Argentins, il est difficile d’aller jouer en Europe quand nous ne sommes pas installés avec les Pumas. Il a longtemps évolué dans l’ombre de Nico (Sanchez). Il n’a jamais eu sa chance. Pour lui, c’est l’heure de montrer son talent avec les meilleurs. Il a un talent fou et rare. C’est simple, il sait tout faire en défense, en attaque, et avec son pied gauche. »

Au détriment de sa performance, Albornoz n’a, en revanche, pas connu de réussite sur deux transformations tentées. Sa première sortie demeure tout de même, dans l’esprit des observateurs, très positive. « Il a une certaine expérience, mais pas celle du Top 14, a calmé Mignoni. Certes, c’est un joueur de classe mondiale, mais il a rejoint un championnat difficile. Il doit encore se fondre dans l’équipe. Maintenant, bien évidemment, il redessine la hiérarchie à ce poste. Personne n’est installé, et cela offre de la concurrence saine à Paolo (Garbisi) et Mateo (Garcia). C’est très bien de l’avoir ici dès maintenant. »

L’improbable surnom de Tomás Albornoz

En Amérique du Sud, les athlètes ont très souvent des surnoms. Pour le nouvel ouvreur de Toulon, la presse argentine lui a offert le pseudonyme « El Cepillo », soit… la brosse à cheveux ! En se marrant, Leonardo Senatore est revenu sur la naissance de ce surnom : « Vous allez vite le voir, mais il a toujours la même coupe de cheveux. C’est assez parfait, et du coup, il est surnommé comme ça par ses partenaires et les médias. »