Depuis quelques années, la recherche sur le vieillissement ne se concentre plus à trouver la pilule miracle (ce qui s’avère extraordinairement complexe étant donné la nature multifactorielle du processus), mais s’intéresse à d’autres leviers. Leurs effets, à l’échelle cellulaire, pourraient prolonger notre espérance de vie, tout en restant en bonne santé. Ces leviers correspondent au « Hallmarks of Aging » (les caractéristiques ou marques distinctives du vieillissement), un cadre conceptuel largement accepté dans la communauté scientifique qui identifie les processus biologiques clés qui se dégradent avec l’âge et contribuent au déclin fonctionnel. Une approche qui ne vise pas à corriger les effets du temps, mais de moduler les mécanismes de notre organisme qui l’accompagnent.

Sous ce nouvel angle, notre alimentation ; et surtout comment nous nous alimentons ; devient un facteur central. Justement, une étude publiée en novembre 2023 dans la revue Cell Metabolism a confirmé qu’un ajustement nutritionnel ciblé pourrait avoir des effets bénéfiques sur notre longévité.

Vieillir en bonne santé : l’incroyable rôle d’un acide aminé oublié

L’étude en question a été menée par une équipe de l’Université du Wisconsin (Madison) et s’est intéressé à un acide aminé particulier, l’isoleucine. Pour rappel, un acide aminé est une petite molécule qui sert de brique fondamentale pour construire les protéines dans notre corps.

L’isoleucine est un acide aminé dit « essentiel », c’est-à-dire que l’organisme humain ne peut produire lui-même et doit donc obtenir par l’alimentation. La viande, le poisson, les œufs, les produits laitiers, les légumineuses ou certains fruits secs sont d’excellentes sources ; entre autres ; d’isoleucine. Il est indispensable au bon fonctionnement de notre corps, car il stimule la synthèse des protéines (notamment musculaires), participe à la réparation des tissus, à la production d’énergie et joue un rôle dans diverses fonctions métaboliques.

Le protocole de recherche de cette étude visait à expérimenter les effets d’une réduction de l’apport de l’isoleucine chez des souris. Résultat : chez les mâles, une augmentation moyenne de 33 % de la durée de vie et 7 % chez les femelles. D’autres effets positifs ont également été documentés : amélioration de la masse musculaire, meilleur contrôle de la glycémie, réduction de l’incidence de certains cancers et métabolisme plus actif malgré un apport calorique équivalent, voire supérieur.

Et chez l’humain ?

Peut-on espérer un jour que ces mêmes résultats se reproduisent chez l’humain ? Pas si vite ; si l’étude ouvre une perspective intéressante, elle ne concerne pour le moment que des souris. Notre métabolisme est bien plus complexe que les rongeurs et toucher à un acide aminé sans perturber d’autres fonctions biologiques reste une entreprise très risquée. Restreindre l’isoleucine de manière trop brutale pourrait entraîner des effets indésirables que l’on n’observe pas nécessairement chez les souris.

C’est pourquoi les auteurs n’envisagent pas une réduction massive et incontrôlée des apports protéiques, mais plutôt de modifier la qualité des protéines consommées en limitant précisément certains acides aminés. Concernant l’isoleucine, il ne serait pas question de supprimer totalement les aliments qui en contiennent, mais d’en maîtriser l’excès, pour préserver l’équilibre global du métabolisme.

Certaines pistes pharmacologiques sont également évoquées, comme celle d’un traitement capable de moduler l’absorption ou l’activité biologique de l’isoleucine sans nécessiter un changement radical des habitudes alimentaires. Là encore, nous restons dans le domaine purement théorique et une potentielle application clinique reste encore très lointaine.

Avant de considérer une modulation de l’isoleucine comme un levier thérapeutique chez l’humain, il faudra lever de nombreuses inconnues biologiques. Transposition exacte des mécanismes observés chez la souris à la physiologie humaine, détermination de la « dose » ou du niveau optimal de modulation de l’apport en isoleucine qui ne causerait pas de problème, évaluation des effets à long terme, faisabilité pratiques, etc. Les zones d’ombre qui planent sur cet immense chantier sont encore très nombreuses et la traduction du modèle murin au modèle humain ne se fera pas en un claquement de doigt.

  • Une étude récente a démontré qu’ajuster l’apport d’un acide aminé spécifique ; l’isoleucine ; pourrait allonger la durée de vie chez la souris.
  • Adapter cette approche à l’humain s’annonce complexe en raison de la délicatesse des équilibres métaboliques.
  • Avant d’envisager une application pratique, il reste encore de nombreuses questions biologiques à élucider.

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