Publié le
30 avr. 2025 à 6h04
Une dissection du geste sommaire. Sur un banc, un couple observe la technique rudimentaire d’une joueuse de tennis peu encline au moindre effort, mais soucieuse de son apparence. En face, un homme élégamment apprêté dégage un style peu académique. Qu’importe. La simple présence acte une distinction. Car l’endroit se révèle différent. Symbole de ce 6e arrondissement de Paris cossu, le jardin du Luxembourg reste un lieu historiquement investi par les milieux aisés. Politiques, universitaires, magistrats… Nombreux sont ceux qui pénètrent dans cet espace de 22 hectares, surplombé par l’imposant palais, théâtre des débats policés de la chambre haute du Parlement, le Sénat. Dans cet écrin feutré, six courts de tennis ont été construits dans les années 1930. Près d’un siècle plus tard, ils résistent. Et ce, en dépit des récentes batailles judiciaires.
Un nouveau système de réservation
Après deux ans de fermeture, les habitués ont retrouvé les terrains le vendredi 18 avril. « Pouvoir rejouer dans cet écrin, c’est exceptionnel. On était lassés de ces bisbilles. On avait hâte de mettre ça derrière nous », souffle Yann, à l’issue d’une session d’une heure. Ce quinquagénaire élancé, résident du quartier, n’a pas hésité à l’annonce de la réouverture. Avec un copain, il a réservé un créneau sur l’application de la société Anybuddy.
« Je joue ici depuis quinze ans, je ne pouvais pas passer à côté »
Yann
Pratiquant régulier de tennis
Le système de réservation stipule l’impossibilité de réserver des courts collectifs ou individuels. En clair, vous ne pouvez venir qu’à deux ou à quatre. (©AG/ actu Paris)
En apparence, peu d’éléments ont changé. Les grillages cernent une surface dure résistante aux variations climatiques et météorologiques. Quelques bancs en bois permettent aux joueurs de poser leurs affaires. Pourtant, derrière cet habillage, tout le système de réservation a été repensé. Il est résumé sur un petit panneau accroché sur la porte d’entrée des courts : « courts individuels ou collectifs interdits ».
Concrètement, la pratique doit être libre et individuelle. Les clubs affiliés au Comité de Paris n’ont plus le droit de réservation. Une règle édictée dans le contrat de concession du propriétaire des lieux, le Sénat. Désormais, la plateforme de location Anybuddy autorise les amateurs de la balle jaune à réserver une heure pour 18 euros par le biais de son application ou de son site Internet.
Avant d’entrer sur le court, un panneau avertit les joueurs des nouvelles règles mises en place par la plateforme de location Anybuddy. (©AG/ actu Paris)Les associations et les écoles exclues
De quoi ravir Nicolas. Au bord d’un court, ce Belge bonhomme s’imprègne de l’endroit… À sa manière. « On dirait un peu une cage aux animaux, avec tous ces gens qui regardent autour ! », ironise-t-il. Habitant du quartier depuis six mois, il a saisi l’occasion pour rejouer au tennis. « C’est vraiment magnifique. J’espère que ma copine va aussi apprécier », se soucie-t-il, à quelques minutes de son entrée sur le terrain.
La refonte du système suscite aussi des interrogations, voire des critiques. Assises sur un banc, deux amies retraitées regrettent « l’abandon des associations et des scolaires ».
« Les courts étaient très liés à la mairie du 6e arrondissement. Les écoles venaient régulièrement. Ce ne sera plus le cas. C’est un peu scandaleux »
Marie*
Pratiquante occasionnelle
« Mais ça va permettre d’ouvrir les courts à plus de monde », rétorque sa copine, Geneviève*.
Aujourd’hui, 39 complexes parisiens disposent de courts réservables par le biais du service privé Paris Tennis, dont le dirigeant Hervé Picard a été à l’origine de la bataille judiciaire. Une heure coûte 20 euros dans un gymnase, et 12 euros à l’extérieur. Des tarifs réduits sont appliqués aux jeunes de moins de 26 ans. Pour les demandeurs d’emploi, les agents de la Ville de Paris, et les allocataires du RSA et de l’ATA, l’accès est gratuit.
*: les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressées
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