Des avancées considérables ont été réalisées depuis les années 1990. Mais récemment, l’arsenal thérapeutique s’est encore enrichi contre l’hypertension, le diabète ou l’insuffisance cardiaque.
L’un des plus grands succès de la médecine de ces cinquante dernières années est, sans conteste, la diminution phénoménale de la mortalité par maladie cardiaque. Elle doit beaucoup aux avancées considérables réalisées dans le domaine des traitements médicamenteux. « Nous avons à notre disposition des nombreuses classes de molécules dans de nombreuses pathologies ou facteurs de risque qui, dans les années 1990, ont apporté des preuves robustes de leur efficacité pour protéger le cœur », explique le Dr François Montastruc, pharmacologue au CHU de Toulouse.
Antihypertenseurs, statines, antidiabétiques, antithrombotiques… bon nombre de ces médicaments ont été l’objet d’essais cliniques menés sur des milliers de patients qui ont, par exemple, confirmé l’intérêt des statines pour protéger le cœur et les artères. D’autres ont prouvé que les antidiabétiques faisaient baisser le taux de sucre dans le sang, mais surtout diminuaient le nombre de complications cardio-vasculaires.
Revirements spectaculaires
Ces études cliniques ont aussi été à l’origine de revirements spectaculaires. Ainsi pendant longtemps, les bêtabloquants, une classe d’antihypertenseurs qui étaient contre-indiqués dans l’insuffisance cardiaque, sont devenus un des piliers de sa prise en charge. « Ces cinquante dernières années, la cardiologie a été sans conteste l’enfant chéri du développement des médicaments. Mais nous avons encore de nombreux défis à relever. Si on prend le seul exemple de l’hypertension, nous avons seulement un patient sur quatre sous traitement dont la tension est contrôlée », rappelle le Pr Atul Pathak, pharmacologue et chef du service de cardiologie au centre hospitalier Princesse-Grace à Monaco.
Ces cinquante dernières années, la cardiologie a été sans conteste l’enfant chéri du développement des médicaments. Mais nous avons encore de nombreux défis à relever
Pr Atul Pathak, pharmacologue et chef du service de cardiologie au centre hospitalier Princesse-Grace à Monaco
La recherche dans ce domaine est donc encore très active. Même si pour les nouveaux médicaments, il est plus difficile de se faire une place, alors qu’il existe déjà un arsenal thérapeutique bien fourni ayant fait ses preuves. « Dans le domaine de l’hypertension, la révolution viendra sans doute de ces molécules que l’on appelle les ARN interférents. Ces médicaments injectables contrôlent après une administration unique l’hypertension de façon aussi efficace que deux à trois antihypertenseurs déjà connus, et ce pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois », explique le Pr Atul Pathak.
Les « anti- PCSK9 »
Les ARN interférents sont de petites molécules qui vont interférer avec d’autres, les ARN messagers, et ainsi bloquer la production de protéines pathologiques. Précisons qu’il ne s’agit en aucun cas de thérapies géniques, car l’ADN reste intouché. Leur développement concernait en premier lieu des maladies rares, liées à l’expression de protéines néfastes comme l’amylose. Mais aujourd’hui, ils sont en développement dans de nombreuses maladies pour cibler l’organe qui produit une protéine pathogène, pour bloquer une voie délétère tout en prolongeant la durée d’action.
Dans l’hypertension, le médicament, administré en sous-cutané tous les six mois, inhibe la production de l’angiotensinogène, une protéine du foie impliquée dans la régulation de la tension artérielle. Il empêche ainsi la constriction des vaisseaux sanguins, un mécanisme qui participe à l’élévation de la tension artérielle.
Les ARN interférents sont également développés dans le traitement de l’hypercholestérolémie. Dans ce cas, ils entravent la production par le foie de l’ARN impliqué dans la synthèse de la protéine PCSK9, qui régule le nombre de récepteurs au LDL-cholestérol (le mauvais cholestérol). « Ce faisant, ils vont donc augmenter l’élimination du mauvais cholestérol », explique le Pr Atul Pathak.
Avec l’arrivée de ces molécules cardioprotectrices, nous pouvons penser que demain, le diabète et l’obésité deviendront aussi des maladies du cardiologue
Pr Atul Pathak, pharmacologue et chef du service de cardiologie au centre hospitalier Princesse-Grace à Monaco
Cette protéine PCSK9 est également la cible d’une autre classe de médicaments : les anticorps monoclonaux. Appelés « anti- PCSK9 » ils neutralisent également l’action de la protéine « chaperonne » PCSK9. Tous ces médicaments font donc baisser le taux de cholestérol de façon drastique. « Ils doivent cependant encore faire la preuve, comme l’ont fait les statines, qu’ils sont bénéfiques sur le risque cardio-vasculaire et la mortalité dans des indications moins spécifiques », souligne le Dr François Montastruc. D’autant que ces médicaments sont particulièrement onéreux. Surtout si on les compare aux statines, médicaments génériques qui reviennent à quelques centimes par jour.
Les analogues du GLP-1
Le diabète de type 2, facteur de risque bien connu pour le cœur, a également bénéficié, ces dernières années, de l’arrivée de nouvelles classes de médicaments, les analogues du GLP-1 ou incrétinomimétiques. Ce nom compliqué signifie que ces molécules produisent les mêmes effets que les incrétines, des hormones produites naturellement par l’intestin qui stimulent la sécrétion d’insuline en réponse à l’augmentation du taux de sucre dans le sang.
Ces médicaments agissent sur la baisse de la glycémie, mais aussi sur la prévention du risque cardio-vasculaire chez les sujets atteints d’obésité. Ce qui explique leur succès, notamment l’Ozempic (sémaglutide) qui nécessite une seule injection par semaine. La prise en charge de l’obésité s’en trouve révolutionnée, et ce n’est pas fini. « Avec l’arrivée de ces molécules cardioprotectrices, nous pouvons penser que demain, le diabète et l’obésité deviendront aussi des maladies du cardiologue », prédit le Pr Pathak.
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Les gliflozines
Moins célèbres que les analogues du GLP-1, une classe de médicaments, les inhibiteurs du SGLT2 ou gliflozines, initialement développée dans le diabète sont aujourd’hui incontournables dans l’insuffisance cardiaque. « Ils favorisent l’élimination de sucre et d’eau par les reins. Et alors qu’ils sont modérément utiles dans le diabète, ils ont montré une efficacité, d’abord chez les insuffisants cardiaques diabétiques, puis chez tous ceux frappés par cette pathologie quel que soit le type d’insuffisance cardiaque », raconte le Dr François Montastruc.
En France, ces médicaments mis sur le marché en 2020 sont désormais prescrits à plus de 870 000 personnes, selon une étude publiée par l’équipe du Dr Montastruc dans la revue scientifique Thérapies, qui s’est penchée sur la base de données de l’Assurance-maladie. Ces molécules se révèlent particulièrement protectrices sur le plan rénal et cardiaque. « Dans notre étude, nous avons constaté une diminution du nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque en France depuis la commercialisation de ces médicaments, mais le bénéfice clinique en pratique courante doit être confirmé par d’autres études de vie réelle, et par une diminution de la mortalité qui doit être confirmée par d’autres études », explique le Dr Paul Gautier, cardiologue, principal auteur de ces travaux.