En même pas quatre années, ce jeune trentenaire a fait de son nom une marque de la Côte d’Azur. Avec ses créations esthétiques et gourmandes, le chef Philippe Tayac a donné un coup de jeune à la pâtisserie azuréenne. Une gageure pour celui qui confie avec malice ne pas trop aimer le sucre et le beurre mais se définit comme un « gourmand pour tout goûter. » La philosophie qui accompagne ses créations est celle « d’une pâtisserie simple poussée à son maximum, ce qui rend nos produits uniques, sans chichi ».

Sa première boutique, Philippe Tayac l’ouvre à Nice en décembre 2021. Deux autres ont suivi à Cap 3000 puis à Cannes. La quatrième sera en Principauté, sur le boulevard des Moulins, et lancée à la mi-mai. « Monaco a toujours été dans mon viseur », assure le pâtissier.

Après une première incursion l’hiver dernier dans les chalets de Noël à Monte-Carlo « pour rencontrer la clientèle monégasque et présenter nos produits », la marque Tayac joue la sédentarité. « Je suis né à Nice, j’y ai grandi. C’est important pour moi de faire les choses avec le cœur et je ne voulais pas aller à Paris comme tous mes copains. J’ai voulu m’installer sur la Côte d’Azur. Et ouvrir aujourd’hui à Monaco, cela comptait pour moi, car j’ai longtemps travaillé à Saint-Barth dans les Caraïbes où je rencontrais beaucoup de gens de Monaco. »

Rigueur et ambition

En réinventant la fine pâtisserie pour lui donner de la hauteur ou en jouant sur les codes modernes pour proposer côté viennoiserie des rolls comme à New York ou des croissant-cookie, Philippe Tayac fait montre de son savoir-faire, forgé au mental. D’abord en choisissant de suivre un cursus d’apprentissage à 14 ans. « J’avais besoin de faire quelque chose de manuel. J’ai choisi ce milieu car j’aimais cuisiner le week-end à la maison. Et puis, avec ma mère et ma petite sœur, nous n’avions pas une vie facile et cela comptait beaucoup pour moi de gagner ce salaire d’apprenti de 300 euros par mois, qui nous rendait autonome. »

Foudroyé par un métier devenu sa passion, à 18 ans, il se fixe comme objectif d’être avant ses 25 ans, chef pâtissier d’un grand établissement. Commence alors un parcours dans des palaces à l’étranger. Six ans plus tard, le luxueux Eden Rock à Saint-Barth lui offre le poste convoité. « J’en ai eu les larmes aux yeux, se souvient le chef, c’était tout un travail qui était récompensé. »

À l’approche de la trentaine, l’envie de revenir à Nice et de travailler pour lui le titille. « Quand on a un métier créatif, on a envie d’être sur le devant de la scène », admet-il. L’homme d’affaires Marcello Acri et le footballeur Aurélien Tchouameni, ex-gloire de l’AS Monaco aujourd’hui engagé au Real de Madrid, deviennent ses compagnons d’aventure pour supporter financièrement son projet.

Le soutien aboutit à l’ouverture de la première enseigne à son nom, au cœur du Carré d’or niçois. Une boutique avec une identité forte dans l’aménagement, comme une bijouterie pour gâteaux. « J’ai travaillé dans beaucoup d’établissements haut de gamme et je voulais mettre les pâtisseries dans un écrin, qui attire les clients. » Bonne idée, l’esthétique permet aux premiers gourmands de repérer les lieux. Les réseaux sociaux poussent la notoriété. Et la marque Tayac se taille une belle part dans le gâteau du succès. « Cette réussite, je ne l’avais pas anticipée, souffle le pâtissier. J’ai travaillé très dur avec beaucoup de rigueur, beaucoup d’ambition. Je me suis entouré des bonnes personnes. C’est une ascension très rapide, oui. Et c’est un plaisir de me dire que toutes les difficultés vécues dans l’enfance, dans l’adolescence, je les ai transformés en force. »

Faire grandir la marque

Aujourd’hui, le chef pâtissier est devenu chef d’entreprise. Une casquette qui ne lui laisse pas vraiment le loisir de pâtisser au quotidien. Mais il est dans son laboratoire tous les matins pour réfléchir aux créations présentées dans ses boutiques. Sa tarte Scrat, noisette et chocolat, ou son flan à pâte feuilletée font partie des best-sellers. Et la gamme de gâteaux évolue régulièrement, via une inspiration puisée « partout ». « J’ouvre les yeux et je tâche d’être curieux. »

Place ensuite à l’équipe, qu’il a installée dans un laboratoire à l’entrée Est de Nice, de réaliser les créations jour après jour ou plutôt nuit après nuit. Les pâtissiers démarrant à deux heures du matin pour qu’à l’aube les livreurs viennent remplir les véhicules chargés d’approvisionner les points de vente.

De son arrivée à Monaco, Philippe Tayac espère qu’elle apportera à ses créations une ouverture internationale, via le microcosme cosmopolite de clientèle en Principauté. L’arrivée médiatique de Cédric Grolet – autre star de la pâtisserie – à l’Hôtel de Paris ne l’effraie pas, trouvant du positif à la concurrence.

Avec ses associés, l’investissement pour ouvrir la première enseigne Philippe Tayac à Monaco dépasse le million d’euros. Pour autant, le chef entend maîtriser le prix de vente de ses pâtisseries pour toucher un large public. « Ce n’est pas toujours simple. La hausse des prix des produits bruts nous fait très mal. Le chocolat est à 25 euros le kilo aujourd’hui. Pour les viennoiseries, j’ai essayé de maintenir les prix au maximum pendant trois ans, mais nous avons dû revoir le prix car le tarif du beurre ne fait que monter. On ne peut pas travailler à perte, il y a la main-d’œuvre, le packaging, on fait attention à tout. Mon but est de faire grandir la marque, de la faire voyager. Je suis encore jeune, on verra plus tard pour gagner de l’argent. »