« On ne veut pas prendre le risque d’avoir une grosse amende ». Pour la première fois depuis des années, la boulangerie Maison Coupel, rue Saint-Hélier à Rennes, restera portes closes un 1er-Mai. Cette décision fait suite à une communication effectuée par la fédération nationale de la boulangerie qui préconise aux artisans employant des salariés de rester fermé pour éviter une lourde sanction financière.

S’ils se font contrôler par l’inspection du travail, les boulangers contrevenants s’exposent à 750 € d’amende par salarié et même 1 500 € si c’est un apprenti mineur. « Le jeu n’en vaut pas la chandelle », confie Kevin Adkins, co-gérant de Maison Coupel qui emploie 15 salariés sur ses deux boutiques.

Flou administratif

« On sait bien que le 1er-Mai est un jour chômé mais le secteur de la boulangerie bénéficiait auparavant d’une dérogation au regard du caractère essentiel de la profession », poursuit le boulanger rennais. « Enfin c’est ce qu’on croyait jusqu’à l’an dernier et la verbalisation après un contrôle de l’inspection du travail de plusieurs boulangers vendéens qui avaient ouvert lors de ce jour férié ».

Les gens n’ont plus le droit de manger de pain frais le 1er-Mai

D‘après la fédération nationale de la boulangerie, cette situation résulte d’un flou administratif qui prend racine sur une position ministérielle de Martine Aubry en 1986. À l’époque directrice des relations du travail, elle avait rédigé une note qui octroyait aux entreprises, détenant déjà une dérogation pour le travail dominical, la possibilité de faire travailler leurs salariés le 1er mai. Une position devenue obsolète après une décision de la Cour de cassation en 2006.

Agacement général

Si les cinq boulangers vendéens ont finalement été relaxés de toutes les charges vendredi 25 avril, l’affaire a fortement marqué la profession. « Les gens n’ont plus le droit de manger de pain frais le 1er-Mai, c’est comme ça », regrette Jean-Maurice Monnier, président de la fédération des artisans boulangers d‘Ille-et-Vilaine. « La situation est un peu ironique quand on sait que la profession de boulanger était considérée était indispensable il y a cinq ans pendant le covid. Aujourd’hui, elle ne l’est plus visiblement ».

« Tout le monde est dégoûté ici », déplore Kevin Adkins de Maison Coupel. « Nos salariés qui sont habituellement payés double ce jour-là sont déçus, nos clients aussi. Il y a beaucoup d’incompréhension ».

La situation pourrait bientôt évoluer. « La confédération nationale travaille sur une modification des textes pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté », précise Jean-Maurice Monnier. Portée par des sénateurs centristes, une proposition de loi visant à assouplir le Code du travail et octroyer des dérogations à certaines professions pour ouvrir le 1er-Mai devrait être prochainement discutée.