La loi sur le narcotrafic, définitivement adoptée mardi au Parlement, doit faciliter la lutte contre les groupes criminels.Des organisations qui, depuis deux ans, diversifient et étendent leurs activités, en pratiquant notamment le proxénétisme.À Toulouse (Haute-Garonne), plusieurs adolescentes ont été recrutées, puis prostituées à Marseille (Bouches-du-Rhône) par ces trafiquants, comme le montre cette enquête du JT de TF1.
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Trafic de drogue : des opérations « Place nette XXL » lancées partout en France
À Toulouse (Haute-Garonne), vous ne verrez pas de narcotrafiquants marseillais vendre de la drogue. Mais ils n’en sévissent pas moins dans la Ville rose, où ils s’essayent à de nouvelles activités, comme le proxénétisme. Une mère de famille, ayant vu sa fille, placée dans l’agglomération toulousaine, tomber sous leur emprise à l’âge de 13 ans, livre anonymement ce témoignage au micro de TF1, dans l’enquête du JT de 20H visible en tête de cet article : « Ils sont venus la recruter. Les proxénètes rôdent autour des foyers pour repérer les jeunes filles fragiles et les embrigader. » Deux ans plus tard, sa progéniture, désormais âgée de 15 ans, est prostituée à Marseille (Bouches-du-Rhône), malgré ses efforts pour l’extraire de leurs griffes.
Cette femme, affirmant avoir reçu des menaces, cite nommément la DZ Mafia, cartel marseillais tentaculaire ayant acquis, ces deux dernières années, une sulfureuse notoriété. « On lui loue des Airbnb, puis il y a quelqu’un qui met des annonces en ligne et là elle se prostitue, poursuit-elle. Un homme m’a envoyé des photos de ma fille nue, pour m’intimider je pense… Ils font partie de la DZ Mafia, j’en suis convaincue. Je crois que presque toutes les gamines sont un peu dirigées par la DZ. » Si le rôle de cette organisation n’est pas établi à ce jour, plusieurs sources policières confirment à TF1 qu’il s’agit de narco-criminels marseillais.
Lesquels se déplacent maintenant un peu partout en France, comme ici à Toulouse, pour recruter aux abords des foyers des jeunes filles en perte de repères, qu’ils convainquent de les suivre à Marseille en leur promettant un salaire et un logement. Avant que leur situation ne se dégrade rapidement, une fois sur place. « Ils leur retirent les téléphones, ils les coupent de leur famille, témoigne à son tour une autre maman toulousaine, dont la fille a été enrôlée dans ces réseaux à l’âge de 14 ans. Il y a une manipulation psychologique. Ils sont très forts. Ce sont des gamines, elles sont jeunes, des proies faciles. »
Cette mère montre ensuite à notre caméra les vidéos reçues sur son téléphone, attestant que sa fille a été parfois violentée par ces proxénètes : « Elle a été séquestrées dans une cave, on l’a retrouvée avec des traces de coups. » Qui se cache derrière de telles méthodes ? « On a beaucoup de proxénètes qu’on pourrait qualifier de multicartes. Ils sont aussi dans le trafic de stupéfiants », répond, catégorique, Cédric Politowicz, délégué départemental d’UN1TÉ, premier syndicat de la police nationale.
Une mère de famille toulousaine montre une vidéo envoyée par les proxénètes marseillais de sa fille. – Capture d’écran TF1
Me Sarah Nabet-Claverie, avocate au Barreau de Toulouse ayant défendu plusieurs proxénètes, connaît bien l’opportunisme de ces trafiquants de drogue et nous dévoile, sans filtre, leur mode de fonctionnement : « Ils utilisent les jeunes filles comme un complément de revenu. Ils prennent un Airbnb avec une pièce qui va servir au conditionnement du trafic de stupéfiants et une autre pièce nourrice pour mettre les objets interdits. Alors ils se disent ‘pourquoi ne pas utiliser la deuxième chambre avec telle ou telle jeune fille ?’. Très souvent, ils louent des appartements avec plusieurs chambres. Et, sur une ou deux semaines, ils vont avoir tendance à rentabiliser au maximum cette location-là. »
Si les trafiquants cherchent autant à diversifier leurs activités, c’est d’abord parce que, depuis plus d’un an, les opérations de police se multiplient sur les points de deal, le gouvernement ayant élevé au rang de priorité absolue la lutte contre le narcotrafic. « Si toutes les forces de police sont concentrées sur le trafic de drogues, il n’y a pas de raison que les trafiquants ne s’essayent pas à d’autres activités criminelles. Cette espèce de diversification est même probablement liée aux coups portés au trafic de stupéfiants », analyse Frédéric Ploquin, journaliste et co-auteur du livre De l’OAS au grand banditisme.
Autre explication : le proxénétisme est moins sévèrement puni que le trafic de drogue. « Aujourd’hui, la plupart de ces affaires sont jugées en correctionnel, avec de petites peines, voire simplement des rappels à la loi quand ce sont des mineurs, déplore Nadia Maaz, juriste pour l’association Nos ados oubliés. Nous, ce qu’on demande, c’est vraiment une criminalisation de ces peines. » D’autant que le milieu du proxénétisme présente un autre avantage par rapport à celui du narcotrafic : il connaît très peu de règlements de comptes. Ce qui fait dire à Jennifer Pailhé, membre de la même association, que, pour ces criminels, « la jeune fille est un investissement moins risqué, puisqu’il n’y a pas de lieu de deal à défendre, donc pas de rixe » à craindre.
Hamza HIZZIR | Reportage TF1 Paul GÉLI, Olivier STAMMBACH, Alexis TRANCHANT