Par

Lisa Rodrigues

Publié le

30 avr. 2025 à 13h24

Avoir ou pas du pain frais le 1er mai ? La question divise l’opinion depuis plusieurs jours, après que cinq boulangers en Vendée se soient faits verbalisés pour avoir fait travailler leurs salariés le 1er mai 2024.
Traditionnellement, les boulangeries ouvrent ce jour férié, s’appuyant sur une position ministérielle du 23 mai 1986 qui a été remise en cause. En Isère, le sujet inquiète les boulangers, mais certains assurent qu’ils ouvriront quand même.

C’est le cas de ce gérant dans un petit village à quelques kilomètres de Grenoble, contacté par la rédaction. « Je suis le seul ouvert le jeudi sur la commune. Si je n’ouvre pas, les gens n’ont pas de pain ! » 

« Je dirai à mon comptable que j’étais seul »

D’autant que le boulanger sait déjà qu’il ne va pas s’ennuyer ce jour-là. « J’avais déjà des commandes pour des gâteaux pour le 1er mai : les gens sont en vacances, alors ils en profitent ! Je ne vais pas les appeler en leur disant que c’est annulé… »

Si habituellement, sa boutique tourne avec deux vendeuses et une apprentie, pour cette fois-ci, il sera seul en poste avec une de ses salariées. « Elle m’a dit qu’elle était d’accord pour venir, ça ne la gêne pas. Je dirai à mon comptable que j’étais seul ce jour-là… » 

Il a bien entendu parler du débat sur l’ouverture ou non des boulangeries le 1er mai, « mais c’est flou. En tout cas, je n’ai rien reçu de personne me disant si je peux ouvrir ou pas ».

« Ça fait 44 ans que je travaille le 1er mai »

Éric Allais-Vacavant lui aussi, ouvrira bien sa boulangerie jeudi 1er mai à Grenoble. « Je ne vais pas laisser mes clients sans pain ! En plus, Auchan et Carrefour seront fermés ce jour-là. » 

Je n’ai pas reçu d’arrêté préfectoral ou de lettre qui me dit que je dois fermer. Pourquoi les fast-foods ouvriraient et pas les boulangers ou les fleuristes ?

Éric Allais-Vacavant, boulanger

Il est bien conscient des risques encourus en cas de contrôle, mais il ne voit pas pourquoi il devrait changer ses habitudes. « Ça fait 44 ans que je suis boulanger, ça fait 44 ans que je travaille le 1er mai ! » Et le boulanger en est sûr, il ne sera pas le seul à ouvrir.

Un flou juridique

Ce qui revient fréquemment dans la bouche des boulangers isérois contactés par actu Grenoble, c’est le flou juridique sur la question de l’ouverture ou non de leurs commerces un 1er mai.

« Les autres années, on était ouverts, confie cet autre patron isérois. Là, mon comptable m’a conseillé de fermer. Apparemment, si on ouvre, il y a des risques d’amende, donc, je pense qu’on ne va pas ouvrir. Mais avant, je n’avais jamais entendu parler de tout ça… »

Que dit la loi ?

Officiellement, le 1er mai est un jour chômé pour tous les salariés. Le Code du travail autorise toutefois les « établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail » à ouvrir. En contrepartie, les salariés doivent être payés double. Problème : aucune liste précise n’existe pour désigner les corps de métiers concernés.

Pour d’autres, comme cette boulangerie grenobloise, le problème est vite résolu. « On a toujours fermé le 1er mai ! » L’une des responsables indique à la rédaction avoir « reçu un mail de la fédération de boulangerie, comme quoi selon la loi, il est interdit d’ouvrir ce jour-là ».

Des amendes salées

Une position confirmée par Renaud Raffier, président de la Fédération de la boulangerie et la boulangerie-pâtisserie de l’Isère, joint par la rédaction.

Pour la fédération, les risques sont trop grands pour les boulangers, surtout que les contrôles peuvent survenir jusqu’à un an après les faits. « Et les amendes de 750 euros par salarié majeur et 1 500 euros pour un apprenti mineur peuvent être multipliées par 5 si l’entreprise est une personne morale », souffle le président.

Des montants qui peuvent donc grimper très vite et atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros en cas de dénonciation. De quoi mettre en difficulté les boulangeries, notamment les plus petites structures.

« Il faut avoir un intérêt légitime à ouvrir »

Pourtant, Renaud Raffier rappelle que des dérogations existent, mais « il faut avoir un intérêt légitime à ouvrir ». En clair : fournir des hôpitaux et des Ehpad, ou « être le seul sur un territoire à ouvrir » ce jour-là. « C’est d’ailleurs pour ça que nos collègues de Vendée ont été relaxés », tous ayant prouvé remplir ces conditions.

Les professionnels de la boulangerie, soutenus par des parlementaires, ont ainsi demandé à faire modifier la loi pour les autorisations de travail un 1er mai, mais « ça ne se fait pas en 15 jours ! »

Si on va au bout, normalement, ni les McDonald’s, ni les restaurants ou les parcs d’attraction ne devraient être ouverts… Il y a un curseur à mettre par le gouvernement sur ce qui est essentiel ou non. » 

Renaud Raffier, président de la Fédération de la boulangerie et la boulangerie-pâtisserie de l’Isère

Lui a, en tout cas, choisi de fermer sa propre boulangerie pour ce 1er mai. « On a expliqué les règles du jeu aux collègues », à chacun de décider si oui ou non ils prennent le risque d’ouvrir.

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