TÉMOIGNAGE – Rayan, un Marseillais de 19 ans atteint d’une maladie orpheline entraînant de lourds problèmes de santé, a été violenté à son domicile. Une caméra installée dans sa chambre a révélé de nombreuses maltraitances.

Ce sont des images qui continuent de hanter Sana : son fils de 19 ans, Rayan, frappé et maltraité à même son lit par son propre assistant de vie. «C’est quelqu’un qui faisait partie de notre quotidien depuis plus d’un an et demi. Je me sens trahie», souffle la mère de famille auprès du Figaro, encore éprouvée par la découverte de ces maltraitances d’une violence inouïe.

Le 4 avril dernier, Sana se trouvait à quelques mètres de la chambre de son fils, jeune homme polyhandicapé atteint d’une maladie orpheline diagnostiquée en 2023 entraînant de lourds problèmes de santé, notamment une cécité ainsi qu’une dépendance. La Marseillaise angoisse : depuis quelques jours, elle éprouve un véritable malaise à chaque venue de Dominique G., l’un des assistants de vie – c’est-à-dire un auxiliaire contractuel – de Rayan.

«J’avais découvert des traces jaunâtres sur le corps de mon fils. J’ai pensé qu’il avait été cogné sur le bord de son lit alors qu’on le retournait et j’ai dit à l’assistant de faire attention à lui car c’était un enfant fragile», rembobine la mère de Rayan, qui s’est également exprimée auprès de nos confrères de La Provence . «Il m’a répondu qu’il faisait attention tout en nous rassurant. Mais je n’avais pas la tête tranquille pour autant», souffle-t-elle.

Caméra de vidéosurveillance

Depuis cet épisode, elle et son compagnon Raouf ont fait installer une caméra de vidéosurveillance branchée à une application sur un téléphone afin de surveiller tous les faits et gestes de l’assistant de vie, employé d’une agence d’aide à la personne de la cité phocéenne. «Le 4 avril, alors que je m’apprêtais à lui préparer un gâteau, j’ai allumé l’application de vidéosurveillance et j’ai mis un écouteur sans regarder l’écran du téléphone. C’est là que j’ai entendu un bruit assez étrange, avant de voir un mouvement de bras de l’auxiliaire», se remémore Sana, qui s’est empressée de retourner dans la chambre de son fils selon son récit.

«Je suis entré et je lui ai demandé ce qu’il avait fait et s’il pouvait m’expliquer pourquoi il avait fait ce mouvement. Il m’a répondu d’une manière froide : “Tu veux que je fasse quoi ? Je m’occupe de lui”. J’étais toute tremblante», poursuit la mère de famille, encore pétrie de remords. Lucide, Sana s’est ensuite emparée de son téléphone pour prévenir son compagnon afin qu’il prévienne l’employeur de Dominique G. pour revoir les images de vidéosurveillance. «On voit deux coups sur les images. J’ai eu du mal à le reconnaître, car pour moi, c’était impossible. Je me suis demandé comment il pouvait frapper mon fils», insiste Sana dans la douleur.

Prévenu, l’employeur de Dominique G. a accompagné son salarié au commissariat afin qu’il soit entendu et qu’une plainte soit déposée. Une nouvelle épreuve pour la mère de Rayan et son compagnon, contraints de patienter de longues heures au poste de police avant d’être auditionnés. «C’est un enfant lourdement handicapé, on a attendu tout l’après-midi avec lui malgré sa fragilité», souligne Sana, loin de se douter que ces faits n’étaient pas isolés.

Soutien de Sébastien Delogu

Alors qu’elle patientait au commissariat, la mère de famille s’est plongée dans son application de vidéosurveillance, découvrant avec horreur de nouvelles séquences mettant en scène des faits de maltraitance et de violence sur son fils. «J’ai remonté les vidéos une par une, on voit Rayan se prendre plusieurs coups au niveau de la tête entre le 28 mars et jusqu’au 4 avril. Mais je ne peux pas savoir s’il y a eu plus», décrit la mère du jeune homme en esquissant l’hypothèse de violences chroniques.

Des faits qui ont entraîné l’ouverture d’une enquête de police et le placement en garde à vue de Dominique G., dont les motivations restent obscures et le comportement inexplicable à ce stade de la procédure. Le casier judiciaire de l’homme ne fait état que d’un antécédent lié à un délit routier. Le mis en cause, âgé d’une quarantaine d’années, comparaissait libre devant le tribunal correctionnel de Marseille le 24 avril dernier le temps d’une audience de comparution immédiate. Les débats ont été reportés au 24 juin prochain, la défense ayant demandé un délai afin de préparer le procès.

Le début d’une attente insoutenable pour la famille de Rayan, tourmentée par la perspective de tomber nez à nez avec le tortionnaire présumé de leur enfant, Dominique G. ayant été libéré sous contrôle judiciaire avec des obligations par le juge des libertés et de la détention (JLD) malgré les réquisitions du procureur de la République et la demande de l’avocate de Sana, Me Yamina Ouertani. «Deux mois, c’est un délai court pour la justice, mais une éternité pour la famille de Rayan, qui a connu un véritable attentat émotionnel», déclare le conseil auprès du Figaro.

Que peut-on faire pour que cela n’arrive pas à l’avenir ? Il en va de la responsabilité de l’État de mettre en place des garde-fous

Me Yamina Ouertani, avocate de la mère de Rana

«C’est une affaire qui parle à toutes les personnes victimes de violences, y compris celles qui sont handicapées et vulnérables. On voit beaucoup d’associations se mobiliser pour les victimes de violences conjugales, ce qui est très bien. Mais quand cela concerne le handicap, on ne voit rien. Tout cela doit faire débat», ajoute l’avocate, qui milite pour une «réaction de l’État». «Que peut-on faire pour que cela n’arrive pas à l’avenir ? Il en va de la responsabilité de l’État de mettre en place des garde-fous», souligne Me Ouertani. Contactée, l’avocate de Dominique G., Me Claire Dumont, n’a pas souhaité faire de commentaire avant le 24 juin prochain, précisant que son client entendait s’exprimer à l’audience.

Sollicité, l’ex-employeur de Dominique G. a condamné avec fermeté les faits auprès du Figaro, exprimant son soutien sans faille pour la famille de Rayan et indiquant suivre le dossier de très près. Le suspect a été immédiatement mis à pied et a fait l’objet d’une procédure disciplinaire qui devrait aboutir à son licenciement. Un maigre soulagement pour la mère de Rayan, qui s’est longuement entretenue avec le député LFI Sébastien Delogu lundi dernier, le parlementaire lui ayant également apporté son soutien. «C’est difficile, c’est une injustice complète et totale. Je suis anéantie, on ne veut plus laisser mon fils seul et c’est devenu compliqué de gérer tout ça», complète Sana, persuadée que le cas de son enfant n’est pas isolé en France. «Il faut que l’État oblige les familles à mettre des caméras de surveillance en l’échange d’une prise en charge de leur enfant. Il n’y a pas qu’à moi que tout cela est arrivé», achève-t-elle douloureusement.