C’est l’installation d’une borne escamotable dans la rue Jacques-d’Welles à Bordeaux, en 2016, qui avait permis la découverte des tout premiers sarcophages de l’époque mérovingienne (VIe-VIIIe siècles) dans le quartier. Ce sont aujourd’hui des travaux de végétalisation de la place Renaudel et autour de l’église Sainte-Croix, qui viennent confirmer la présence à cet endroit d’une importante nécropole de cette période.
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Depuis le mois de janvier dernier, et le début des fouilles archéologiques préventives qui ont démarré en amont de ces travaux, « nous avons mis au jour une centaine de tombes, dont une cinquantaine de sarcophages, mais aussi des sépultures en coffrage et des traces d’inhumation en pleine terre ou en cercueils », énumère Camille Vanhove, archéologue responsable des fouilles pour Bordeaux Métropole.
« Entre un et cinq individus à l’intérieur des sarcophages »
Seuls les sarcophages, avec leur forme si particulière en trapèze, remonteraient à l’époque mérovingienne, les autres traces d’inhumation remontant au bas Moyen-Âge ou à l’époque moderne. A l’intérieur de ces édifices funéraires en pierre, se trouvaient « entre un et cinq individus », détaille Camille Vanhove, « car ces sarcophages restaient apparents au sein de la nécropole, pour être réutilisés, au moins jusqu’au XIIIe ou XIVe siècle ».
Une cinquantaine de sarcophages mérovingiens ont été découverts face à l’église Sainte-Croix. - Mickaël Bosredon/20 Minutes
Ces découvertes vont indéniablement beaucoup apporter dans la connaissance historique de ce site, où l’on sait déjà que dès le début du Moyen-Âge, s’est établie une communauté monastique, avec un premier édifice religieux et une nécropole, « plus importante que ce que l’on pensait ». Un monastère bénédictin se serait ensuite établi vers la fin du Xe siècle, et à la fin du XIIe, l’abbaye se trouvait à la tête d’un important domaine. Le quartier, resté jusque-là en dehors de la cité, a alors été englobé dans la troisième enceinte de la ville.
Les fouilles sont menées sur une surface de 2.700 m2 dans le quartier Sainte-Croix. Bordeaux Métropole. - Bordeaux MétropoleD’autres découvertes majeures attendues
Sur le côté de l’actuelle église Sainte-Croix, au niveau du « triangle Tauziat », des vestiges de l’ancien cloître de l’abbaye commencent aussi à être mis au jour, ce qui fascine Camille Vanhove. « C’est le fait incroyable de cette fouille, souligne-t-elle, car les murs sont extrêmement bien conservés, sur une belle hauteur, alors qu’ils se situaient juste sous la chaussée. On ne pensait pas les trouver dans un si bon état. »
Des sols qui remonteraient au XIVe siècle, avec des carreaux décoratifs à base de fleurs de lys, de lions, de poules, ont également été découverts. « Certains carreaux sont noircis, montre au passage l’archéologue, ce qui nous fait soupçonner un incendie. »
Il s’agit d’un « chantier XXL, puisque c’est la première fois que l’on fouille 2.700 m2 de vestiges archéologiques en plein Bordeaux historique », se réjouit Laurent Guyard, chef du service archéologie de Bordeaux Métropole. Et ce n’est pas terminé. Le chantier de fouilles qui doit se poursuivre jusqu’à fin 2026 promet en effet d’autres découvertes majeures. « Nous allons pouvoir fouiller la quasi-intégralité du cloître de l’abbaye Sainte-Croix, ce qui est exceptionnel car cela va nous permettre de découvrir des vestiges très importants » de l’abbaye du Moyen-Âge, poursuit Laurent Guyard. L’objectif est d’en savoir davantage sur les techniques de construction ou le mode de vie de ces moines, et de reconstituer le plan de l’abbaye.
L’hypothèse d’une « villa assez cossue » en profondeur
Ce qui est particulièrement surprenant dans ce chantier, c’est que l’équipe d’une quinzaine d’archéologues ne travaille qu’à 1,10 mètre de profondeur. Ce chantier se déroulant dans le cadre de fouilles préventives, il doit en effet s’en tenir au périmètre et à la profondeur prévus par les travaux menés par Bordeaux Métropole. Au grand dam des scientifiques car, « même si nous sommes loin de la ville romaine, c’est un lieu où devait également se tenir à l’époque antique un site important, puisque nous avons découvert des hypocaustes [salles thermales] sous le Théâtre national Bordeaux Aquitaine, ce qui laisse supposer la présence d’une villa assez cossue », poursuit Laurent Guyard. Des traces de ce passé antique existent certainement plus en profondeur, et seront peut-être mises au jour ultérieurement, si d’autres travaux sont menés à cet endroit.
Mais les scientifiques ont déjà de quoi faire, car les vestiges moyenâgeux apparaissent quasiment juste sous la chaussée. Ceci s’explique par le fait que « le terrain a été arasé au XIXe siècle », explique Loïc Daverat, ingénieur d’études au service régional d’archéologie de la Drac. Si cela représente d’un côté une aubaine, cela veut aussi dire qu’au passage, « des traces ont disparu ». « On a sans doute perdu un mètre de vestiges archéologiques », estime l’ingénieur.
Des vestiges endommagés par l’installation de réseaux
D’autres vestiges ont, eux, été endommagés plus récemment. « Beaucoup de sarcophages ont été « perturbés » par l’installation il y a dix ou vingt ans de réseaux, comme la haute tension, la fibre, le gaz », pointe Camille Vanhove. Leur présence n’avait alors pas été signalée. « Malheureusement, c’était assez commun il y a encore quelques années, même si la destruction de vestiges est sanctionnée au niveau pénal, relève Loïc Daverat. Heureusement, cela se fait moins maintenant. »
Si l’installation de réseaux a épargné les murs du cloître, elle a en revanche endommagé des vestiges comme des sarcophages. - Mickaël Bosredon/20 MinutesNotre dossier sur l’archéologie
Pour éviter de nouvelles déconvenues, les vestiges qui ne seront pas prélevés seront protégés puis recouverts au fur et à mesure de l’avancée des fouilles. Ce qui permettra par ailleurs aux travaux de végétalisation d’avancer progressivement, sans avoir à attendre que les archéologues aient achevé leur travail.