Par
Laure Gentil
Publié le
1 mai 2025 à 17h32
Près de la Cité des congrès, assise dans un café en notre compagnie et celle de son mari, une tisane à la main, Emmanuelle respire l’assurance. Nantaise depuis une quinzaine d’années, la quadragénaire, mariée et trois enfants, vivait une vie qu’elle décrit elle-même comme normale. Pourtant, dans son passé se cachent des horreurs que peu de gens peuvent imaginer.
Emmanuelle a été victime d’inceste et de viols dans son enfance et son adolescence. Des faits que son esprit a décidé d’effacer au travers d’une amnésie traumatique. Une amnésie qui a fini par se briser, le 17 octobre 2023, après de longs mois de mal-être durant lesquels Emmanuelle ne comprenait pas ce qui la tourmentait.
En janvier, elle a sorti un livre « Un 17 octobre » où elle raconte cette amnésie. Elle a accepté d’en parler auprès d’actu Nantes.
Des souvenirs violents
Mère épanouie de trois enfants, deux garçons et une fille, Emmanuelle a exploré plusieurs métiers avant de devenir coordinatrice AESH (accompagnement d’élèves en situation de handicap).
« Je vivais normalement, j’étais quelqu’un d’assez speed comme si je ne voulais pas voir », se souvient-elle. Une vie d’apparence tranquille qui bascule suite à plusieurs événements : « Après le décès de ma grand-mère, je n’arrivais plus à m’arrêter, je sentais que quelque chose essayait d’émerger. »
Vidéos : en ce moment sur Actu
Puis vient le Covid, qui « casse son rythme ». Fin janvier 2023, elle dépose son fils à l’école, monte dans la voiture pour aller au travail et tout s’arrête. Elle n’y arrive pas, part en arrêt.
Cliquez ici pour visualiser le contenu
Emmanuelle prend rendez-vous chez un psychologue. « J’ai failli annuler, mais je me suis dit qu’il fallait que j’y aille », assure-t-elle. Le rendez-vous se passe bien.
Je lui ai raconté ce dont j’avais conscience, j’y allais parce que je n’avais pas réussi à aller au travail et que j’avais une relation compliquée avec ma fille. Je me revois dire au psychologue, sur mon enfance, « mais on n’a pas été maltraité ». Quand j’y repense on voit le chemin parcouru.
Emmanuelle
Les mois passent, elle continue de voir le psychologue, jusqu’en octobre. « C’est allé très doucement, puis un jour je quitte son cabinet et en partant il me prévient que les prochains jours seront difficiles », raconte-t-elle. Le mardi 17 octobre 2023, la digue lâche et s’ensuit 48 heures « horribles ».
Pendant deux jours je revis ce que je comprendrais plus tard être des souvenirs. J’en ressors comme éjectée violemment. Ça a été atroce.
Emmanuelle
Une reconstruction à travers la thérapie et le sport
Remonter la pente a été compliqué. Emmanuelle continue d’aller chez son psychologue et est énormément soutenue par son époux et ses enfants.
Ils ont été secoués car je suis comme devenue une autre personne.
Emmanuelle
« Ils se sont très bien adaptés, mon mari ne m’a jamais jugé ou mis sous pression, les enfants ont mis les problèmes de l’adolescence de côté pour aider leur maman. Aujourd’hui je vais mieux, donc ça ressort, ils rattrapent le retard », sourit la Nantaise.
Elle reconnaît une période de déni : « J’ai commencé à accepter tout ça, à mettre les mots, lorsque j’ai débuté le groupe de parole. » La quadragénaire ne pouvait plus se contenter du psychologue, elle voulait « d’autres solutions ».
A partir de là, il n’y a plus eu de déni, j’ai pu parler d’amnésie, d’inceste, de violences sexuelles.
Emmanuelle
Emmanuelle se tourne aussi vers une activité physique sous les conseils de son psychologue. « Je ne suis pas du tout sportive à la base », rit-elle. D’abord elle marche. Ensuite, elle essaye la self-défense, puis la boxe. « J’ai lâché un coup et j’ai ressenti un truc, c’était ce que je voulais faire. » Depuis, elle s’entraîne régulièrement.
Au début, c’était très dur, d’être seule face à un homme. Ca a été un défoulement thérapeutique. L’accompagnement a été extra.
Emmanuelle
Le sport n’est pas son seul exutoire. « J’ai toujours dit qu’un jour j’écrirai un livre », nous dit-elle naturellement. « J’ai commencé à écrire un chapitre durant l’été. » Avant la fin des vacances, elle en écrit 40. Ses proches le lisent, et Emmanuelle se décide à le publier.
Un livre pour aider
À aucun moment dans les pages du livre, il n’est fait mention de ce qu’elle a subi. Les chapitres sont une succession de souvenirs, de son adolescence, passée avec deux frères et des parents en confrontation constante, jusqu’à l’âge adulte et sa vie de mère.
L’amnésie, c’est très bien fait, c’est très fort. Tout ce qui avait trait à l’inceste, mon cerveau identifiait le danger et il effaçait.
Emmanuelle
« Les faits c’est ce qu’on n’y trouve pas, le livre n’est pas là pour faire justice », insiste-t-elle. Emmanuelle pourrait encore porter plainte, les faits ne sont pas prescrits, mais elle fait le choix de ne pas le faire.
Emmanuelle veut que les lecteurs puissent s’identifier à son histoire et en « sortir quelque chose » sans comparer. « Chacun le lit à son niveau. Si un jour quelqu’un vient me voir pour me dire que ça l’a aidé, alors j’ai gagné. »
Infos pratiques : il est possible d’acheter le livre d’Emmanuelle en cliquant ici.
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.