INTERVIEW – Dans ses toiles à l’hyperréalisme saisissant, le peintre français, installé aux États-Unis, exalte la mythologie du western. Il nous a reçus dans son atelier, à Scottsdale, en Arizona.
7 février, 9 h 10 : le soleil donne déjà sur Scottsdale, banlieue chic de Phoenix. Derrière des maisons de plain-pied, on peut apercevoir des montagnes rocailleuses à perte de vue. On devine l’immensité… C’est donc ça, l’Arizona ! Derrière la porte d’une petite maison blanche, se cache l’atelier de Mark Maggiori. Boots en daim élimés aux pieds et chapeau vissé sur la tête, l’artiste français est littéralement perdu dans une forêt flamboyante. «Des heures que je suis sur le feuillage de ces trembles», lance-t-il, pinceau à la main. Autour de lui, des couvertures navajos, des chaps de cow-boy et des boots vintage témoignent de sa fascination pour le Wild West. En à peine quinze ans, cet Américain d’adoption est devenu une star du western art aux États-Unis. Ses portraits de cow-boys et d’Amérindiens déchaînent les foules (une de ses toiles s’est adjugée 500 000 dollars). Ses drops (ventes exclusives éphémères, NDLR) bisannuels de lithographie emballent le Net. Son truc ? L’ultraréalisme, soit peindre au plus près de l’âme… pour toucher en plein cœur. De Paris à Phoenix, de la scène du Zénith au désert d’Arizona…, la vie de Mark Maggiori s’envisage comme un savoureux road-movie.
Madame Figaro. – De Fontainebleau à Scottsdale : la route fut longue mais évidente, finalement…
Mark Maggiori. – Et pourtant, c’était assez mal parti ! Avant mes 15 ans, je n’avais jamais quitté la France. Ma mère était professeure de latin-grec ; mon père, philosophe, j’étais scolarisé à Fontainebleau et je passais toutes mes vacances à Saint-Pierre-la-Mer, dans l’Aude. À 15 ans : tout bascule ! Mon oncle (Claude Maggiori, célèbre directeur artistique, NDLR) nous embarque, mon cousin et moi, pour un road trip aux États-Unis ! On a traversé le pays de New York à Los Angeles. Je découvre les parcs nationaux, le Grand Canyon, Monument Valley, la culture US… Je prends la plus grande claque de ma vie !
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Qu’est-ce qui vous fascine alors à l’époque ?
La même chose qu’aujourd’hui : la vastness (l’immensité, NDLR), comme ils disent ici, les paysages à couper le souffle, les étendues de terres vierges.
En Utah et en Arizona, il y a des centaines de kilomètres où il n’y a rien. Juste la nature à l’état brut. Si tu veux disparaître, ici tu le peux ! Il y a un côté vertigineux…
Bac en poche, vous attaquez l’école d’art Penninghen, à Paris. Quel genre d’étudiant étiez-vous ?
Heureux ! J’étais entouré de personnes qui parlaient le même langage que moi, je me nourrissais de leurs talents tout en explorant les miens. Ces années m’ont apporté une discipline et une rigueur qui me portent encore. J’entends toujours les phrases percutantes de M. Guillaumel, un de mes professeurs préférés : «Maggiori, n’essayez pas “l’épate” ! Vous n’épaterez personne comme ça !»
Vous envisagiez déjà d’être peintre ?
Pas du tout… Mon truc, à l’époque, c’était la photo, la vidéo, et surtout la musique. Parallèlement à mes cours, je chantais dans un groupe de métal baptisé Pleymo. À la fin de mes études, tout s’est emballé : Sony nous a signés, on a fait le Zénith, la couv des Inrocks ! C’était un truc de dingue !
Vous aviez alors mis les USA entre parenthèses ?
Pas vraiment. J’allais régulièrement à Los Angeles pour réaliser des clips vidéo. Dix ans passent ainsi, rythmés par mes tournées et mes allers-retours aux US, puis le groupe se sépare. J’avais 31 ans. Pleymo n’existait plus, j’étais en plein divorce : je décide alors de tenter ma chance, je pars m’installer à Los Angeles, prêt à tout bouffer.
Dans l’atelier de sa maison de Scottsdale, en Arizona, Mark Maggiori à l’œuvre sur une toile.
David Roemer
Un premier pas vers le fameux rêve américain ?
Sur le papier oui, mais le rêve a rapidement tourné au cauchemar, quand j’ai compris que je n’étais pas le seul sur les rangs. Après deux ans, j’étais marié mais ruiné ! Je n’avais plus un sou en poche. J’ai dû rendre les clés de ma maison et hop, direction l’Arizona : ma femme, Petecia, et moi nous sommes installés chez ma belle-mère. C’était la lose…
J’avais devant moi la fusion de tout ce qui m’animait : les paysages américains, la peinture classique, mon amour pour le vêtement…
Mark Maggiori
Qu’est-ce qui a relancé la machine ?
Un chapeau ! Lors d’une virée à Oklahoma, le père de Petecia se moque gentiment de mon chapeau de cow-boy et me conseille de visiter le National Cowboy & Western Heritage Museum, qui regroupe tous les peintres du western art, des années 1800 à aujourd’hui. Je découvre, entre autres, le travail de Frederic Remington et de Frank Tenney Johnson. J’avais devant moi la fusion de tout ce qui m’animait : les paysages américains, la peinture classique, mon amour pour le vêtement… Je me suis tourné vers Petecia et lui ai dit : «Voilà ce que je veux faire !»
Par quoi commence-t-on dans ces cas-là ?
Par se remettre à niveau. Je n’avais pas touché un pinceau depuis dix ans… J’ai réalisé quelques toiles. Petecia a eu l’idée géniale de me créer un compte Instagram. Je postais régulièrement, jusqu’à ce que je reçoive un coup de fil de la Maxwell Alexander Gallery, à L.A. : ils me prenaient plusieurs toiles contre un chèque de 5 000 dollars ! Six mois après, je faisais la couverture de Southwest Art Magazine. On était en mai 2014, et depuis, l’emballement n’a pas cessé. En 2019, une de mes toiles est partie aux enchères pour 99.000 dollars. En 2023, une autre pour 500. 000 dollars…
Sous son pinceau se dévoile l’essence de l’Ouest américain, dont il saisit la beauté singulière des paysages.
David Roemer
De toute évidence, vos toiles ont ce petit truc en plus qui touche en plein cœur…
Je veux émouvoir. L’art figuratif permet ça : s’approcher au plus près de ses sujets pour mettre leur âme à nu. On ne peut pas tricher. Les cow-boys, Amérindiens, bisons sur mes toiles existent vraiment. Je ne peins pas à partir de photos existantes ou d’images sorties de mon imagination… pour chaque toile, je fais mon propre shooting.
C’est-à-dire ?
Je suis avant tout un faiseur d’images ! Je veux composer une image forte que je vais peindre ensuite, il est donc primordial que chaque toile débute par une séance photo. Je la prépare des mois à l’avance : je recherche les lieux, contacte les cow-boys, chine mes looks… Puis, nous partons tous deux jours dans le désert et je shoote. J’ai besoin de cette aventure humaine pour nourrir mes toiles. C’est ce petit supplément d’âme qui fait la différence ! Je peux revenir avec mille images et n’en garder que trois.
Qu’est-ce qui fait qu’une image va l’emporter sur l’autre ?
Il me faut cette petite magie. Une lumière, une attitude, un ciel dramatique… bref, ce petit quelque chose qui va embarquer mon cœur et me donner envie
de passer jusqu’à cent cinquante heures sur une toile.
Mark Maggiori peint des ciels immenses peuplés de nuages extraordinaires, autant qu’il en célèbre les figures mythiques à travers celles des cow-boys.
David Roemer
Après avoir connu le frisson de la scène, vous voilà seul face à votre toile, cette communion avec un public ne vous manque pas ?
Instagram a magistralement comblé ce manque. J’ai un lien quotidien avec ma communauté qui, tour à tour, commente, réagit, encourage… Tout ça me galvanise autant que les cris d’un public. Et puis, pénétrer dans l’intimité des gens via mes toiles… c’est puissant quand on y pense !
Comment peut-on vous joindre ? Vous avez un agent ?
Encore une fois, Instagram ! Meilleur agent au monde.
Compte Instagram : @markmaggiori. Prochain «drop» (vente exclusive éphémère) : les 14 et 15 juin sur markmaggiori.com.