Quatre d’entre eux ont obtenu respectivement 50.000 et 100.000 euros de dommages et intérêts. Le conseil de Prud’hommes a notamment reconnu le harcèlement moral dont ils ont été victimes à l’International School of Nantes.

Sur le papier, le projet de l’International School of Nantes, une école bilingue implantée à Saint-Herblain et Nantes, brillait de mille feux. En réalité, un profond malaise régnait dans ces deux établissements hors contrats ouverts en 2017 et 2029, et désormais dissous. En mai 2023, des salariés ont alerté collectivement les autorités d’absences de contrats, de retards dans les paiements et de conditions dangereuses pour les enfants. Leur signalement leur a notamment valu un mail de recadrage de la direction les priant d’être discrets sur les affaires internes. 21 mois plus tard, la justice leur a donné raison dans une décision rendue le 13 février 2025 par le Conseil de prud’hommes de Nantes, que Le Figaro a pu consulter.

Le liquidateur de l’ISN a été condamné à verser entre 45.000 et 55.000 euros à trois d’entre eux, et 100.000 euros pour le quatrième. Tous avaient entre un et quatre ans d’ancienneté. Dans le cas du dernier, le Conseil a prononcé la nullité de son licenciement pour faute grave, justifiant ainsi un montant supérieur. «Les salariés avaient saisi la juridiction pour faire reconnaître plusieurs manquements de l’employeur. Les sociétés ayant été placées en liquidation judiciaire en juillet 2023, les créances ont été inscrites au passif et ont été garanties par l’AGS (l’organisme qui garantit les salaires dans les situations de redressement, NDLR)», précise au Figaro maître Audrey Pouligny, leur conseil, qui évoque une «décision exceptionnelle».

Morceaux de verre dans la cour, pas de chauffage…

De manière générale, le versement des dommages et intérêts repose sur quatre manquements relevés par la juridiction civile. «Le Conseil a constaté des faits répétés de harcèlement moral imputables à la direction et à l’organisation de l’établissement, dont les effets ont gravement dégradé les conditions de travail et la santé des salariés», explique Me Pouligny. Entre des arrêts pour cause d’épuisement professionnel, des traitements anxiolytiques, le développement de syndrome anxio-dépressif ou le stress généré par le versement en retard des salaires, les salariés ont été particulièrement affectés. Aujourd’hui, l’un, traumatisé par cette expérience, a entrepris une reconversion professionnelle. D’autres se sont mis à leur compte mais craignent toujours des représailles de leur ancienne directrice.

En effet, les intimidations de cette dernière avaient été nombreuses à l’époque, lorsqu’ils avaient alerté l’inspection du travail, la PMI et l’académie. La directrice avait d’ailleurs rejeté la faute sur les employés. Dans sa décision, le Conseil a considéré ces pressions comme «des violations de la liberté d’expression et du cadre protecteur du lanceur d’alerte», ainsi qu’un «manquement à l’obligation de sécurité» de l’ISN. «L’établissement n’a pris aucune mesure pour prévenir les risques professionnels, malgré de nombreux signaux d’alerte», résume Me Pouligny. Les salariés avaient témoigné d’absence de chauffage dans les salles de classe alors qu’il faisait 10 degrés, de verre brisé et de clous retrouvés dans la cour, ou encore de nourriture insuffisante. Des allégations corroborées par les parents, dont les langues s’étaient déliées en juin 2023 lorsque l’ISN avait été frappée de fermeture administrative. Enfin, «le Conseil a relevé de nombreux manquements à l’exécution de bonne foi du contrat de travail».

Des poursuites pénales ?

«Le Conseil a estimé que les faits portés à sa connaissance étaient d’une gravité telle qu’ils pourraient revêtir une qualification pénale», souligne par ailleurs Me Pouligny. «Les salariés ont envie de continuer au pénal. Ils ont exprimé leur souhait que l’ancienne gérante des sociétés ne puisse pas recommencer dans une autre ville», détaille celle qui défend deux autres salariés s’étant manifestés plus tard et dont la décision devrait tomber dans quelques mois. Entreprendre ces démarches n’a pas été facile pour le personnel chamboulé.

«Oui, il faut qu’on aille au pénal. Ce n’est pas contre la directrice mais pour le bénéfice de la société», témoigne un salarié, sous couvert d’anonymat, satisfait que la juridiction reconnaisse son professionnalisme, et annule l’avertissement injuste dont il avait été victime ainsi que son licenciement pour faute grave. «Qu’est-ce qu’on va faire de cette personne qui va essayer de rouvrir une école, réengager du personnel comme nous, mettre en danger les élèves… Peut-on faire quelque chose ?», s’interroge-t-il. Après la liquidation, les personnels et parents s’étaient inquiétés de la renaissance d’une école sous le nom Hello ISN. «Aucune autre école de cette structure n’existe dans l’académie de Nantes», indique cependant au Figaro le cabinet du rectorat.