Même s’il n’y a pas eu de résultat majeur sur les Monuments ces dernières semaines, excepté la 7e place de Stefan Küng au Tour des Flandres, la Groupama-FDJ monte en puissance. Outre ceux du rouleur suisse, les résultats de Romain Grégoire et de Guillaume Martin-Guyonnet ont fait du bien à la WorldTeam française qui avait connu quelques semaines plus compliquées auparavant, notamment en raison de l’absence de plusieurs coureurs, dont David Gaudu. À l’occasion du Tour de Romandie, DirectVelo a fait le point avec Philippe Mauduit, directeur de course chez Groupama-FDJ.
DirectVelo : La campagne des Classiques s’est terminée pour la Groupama-FDJ avec un Liège-Bastogne-Liège plutôt frustrant…
Philippe Mauduit : Avec ce fort vent de face, ça a été un Liège un peu particulier. Il y a des regroupements après la Redoute et après la Roche-aux-Faucons… Ils arrivent à une quarantaine au sprint pour la 4e place. C’est un sprint aléatoire, entre les coureurs râpés qui essaient de faire une place et ceux qui sont encore un peu efficaces, qui peuvent être enfermés. Il y a quelques coureurs qui ont réussi à bien s’en sortir et puis d’autres beaucoup moins, et nous on fait partie des beaucoup moins. C’est un peu dommage parce que Guillaume (Martin-Guyonnet) et Romain (Grégoire) ont montré qu’ils étaient en capacité d’être avec les meilleurs à la Redoute et à la Roche-aux-Faucons. Donc on a forcément des regrets par rapport à Liège, mais après on n’a pas de regrets par rapport à l’attitude de nos coureurs et par rapport à la course qu’ils ont faite.
« COURIR POUR GAGNER »
Auparavant, Romain Grégoire avait fini 7e à l’Amstel et à la Flèche Wallonne…
C’est la confirmation que Romain est au rendez-vous. Il a encore une petite marge de progression et il va falloir aller la chercher. En tout cas, pour sa deuxième campagne ardennaise, c’était plutôt bien de le voir régulier à ce niveau-là. Ça a été l’un des coureurs les plus réguliers. Évidemment, je ne parle pas de Pogi. Mais 7e à l’Amstel et 7e à Flèche, on a envie de dire que c’est bien.
Il est très ambitieux, arrive-t-il à s’en satisfaire ?
Bien sûr que sur le moment, il y a de la déception. On ambitionne toujours davantage. Mais il faut être réaliste et se remettre dans le contexte. On voit bien le paysage du WorldTour. Ce sont toujours les mêmes équipes qui prennent les points. Sur toutes les courses, elles prennent 85% des points. Après, il y a une dizaine d’équipes qui se battent pour 10% des points. Et les cinq derniers pourcents vont au reste. Ce qu’il faut, c’est être parmi les meilleurs à chaque fois de celles qui prennent les 10%. Quand on fait un bilan, ça rentre aussi en ligne de compte maintenant.
En parlant de points, quelle importance l’équipe donne-t-elle au classement WorldTour ?
On voit bien la pression qui s’accentue d’année en année autour de ce classement. Nous, on essaie de toujours ne pas y attacher trop d’importance et de courir pour gagner. Parfois, justement, on prend des risques et on passe au travers, comme à Liège. Mais je pense que tant qu’on pourra faire comme ça, ce n’est pas la mauvaise stratégie.
« QUAND ON DESCEND 19E, ÇA FAIT MAL »
Est-ce qu’on arrive vraiment à ne pas trop regarder les mises à jour du classement ?
Nous, on arrive encore à s’en détacher. Parce que je crois qu’on n’est pas en danger pour le classement sur trois ans (13e du classement UCI 2025, la Groupama-FDJ est 8e du classement technique, NDLR). Pour en discuter avec les coureurs et même avec certains de mes collègues dans d’autres formations, on fait le classement même avant le départ de la course dans certaines équipes. Le message est clair dans quelques formations. Ils ne se battent pas pour gagner mais pour mettre le plus de coureurs dans les 15, 20 ou 30 premiers. C’est un peu dommage parce qu’on tue l’essence même du sport qui est d’ambitionner de gagner.
Comment juges-tu le début de saison de la Groupama-FDJ ?
On est un peu partagé. Comme l’an dernier, on a connu beaucoup de blessures et de maladies dans la période février-mars-avril. À un moment donné, on a vraiment payé le manque numérique de coureurs et de possibilités de faire des turnovers. On s’est retrouvé avec des garçons un peu en bout de piste, un peu fatigués, avec des baisses de performance qui accompagnaient ça.
Comment le vit-on ?
Ce n’est jamais agréable. Même si on n’attache pas beaucoup d’importance au classement, c’est quand même révélateur de la santé d’une équipe. Et quand on descend 19e, ça fait mal (sourire). Mais en tenant compte de la réalité et de ce qu’on était en train de vivre, c’était aussi logique. Aujourd’hui, on est 13e, c’est plus notre place. J’ai envie de dire qu’on fait un début de saison plutôt honorable avec quatre victoires et tous ses accessits en WorldTour. Il y a aussi des courses où on n’a pas marqué de points, mais où on a vraiment été très présents. Je pense à Milan-San Remo et aux Ardennaises. Dans l’ensemble, c’est plutôt bien.
« ÉVIDEMMENT, ON S’EST POSÉ DES QUESTIONS »
Est-ce qu’il y a quand même eu des discussions pour améliorer des choses quand on est 19e du classement UCI même si l’absence de certains jouait forcément ?
Même si on connaît les raisons, notamment à cause des blessures, quand on est 19e, il y a une remise en cause quand même. C’est sûr que quand on est dans cette situation-là, on regarde s’il y a des choses qui ne vont pas, s’il y a des choses à corriger. Après, encore une fois, on savait qu’on avait des blessés, des blessés majeurs et des malades aussi. Il y a des garçons qui ont été indisponibles pendant trois semaines qu’il fallait réentraîner derrière. Ça n’a pas été le grand chambardement. Évidemment, on s’est posé des questions. On s’est tous dit : « attention les gars, il ne faut pas baisser les bras. On reste concentrés et motivés. Si on peut tous donner un pour cent de plus, il faut le faire ». Mais ce n’est pas allé au-delà de ça parce qu’on sait ce qu’on fait. Et surtout, on savait pourquoi on en était là. On a vécu un peu le même début de saison que l’année dernière. Cette expérience nous a servi à rebondir plus rapidement qu’en 2024. Maintenant, c’est hyper fragile. On le voit bien dans toutes les équipes. De la dixième à la vingtième équipe, il doit y avoir 1000 points. Et 1000 points, c’est trois semaines où on passe à travers ou trois semaines où on réussit. C’est ça le delta.
Comment une équipe WorldTour apprécie les deux victoires de Guillaume Martin-Guyonnet en Classe 1 ?
Ça fait un bien fou. Et c’est surtout super agréable quand ça tombe sur un coureur comme Guillaume qui n’avait pas gagné depuis quelques années. Ce n’est pas un jugement, mais on voyait tous qu’il manquait un peu d’explosivité. Et l’idée, c’était de retravailler ça avec lui. Il n’y a rien de magique, mais quand même la façon dont il a gagné montre une certaine force et un retour à son vrai niveau. Et ça, c’était chouette. Et ça a permis à tous les jeunes qui l’entouraient sur ces épreuves de prendre une expérience incroyable, d’être obligé de rouler toute la journée. Finir des journées comme ça par une victoire, ça booste tout le monde, que ce soit les mécanos, les assistants, les masseurs, les kinés ou les DS.
Cette semaine, David Gaudu revient de blessure sur le Tour de Romandie. Tu dois avoir hâte d’être dimanche soir pour savoir où il en est juste avant le Giro…
Oui mais il n’y a surtout pas de pression sur ce Tour de Romandie parce qu’il reprend la compétition. Il a connu une longue absence sans course mais aussi sans entraînement (lire ici). Sur ce Tour de Romandie, on est là juste pour reprendre des automatismes dans le peloton, pour créer un collectif autour de lui. On a cinq coureurs ici qui seront au départ du Giro. L’important, c’est de souder le groupe autour de lui et de l’accompagner toute cette semaine.