Par

Emilie Jouvin

Publié le

3 mai 2025 à 6h00

Vêtu de sa cotte de travail verte et au milieu des champs peuplés de vaches Salers, Fedir, 18 ans, semble heureux. Dans l’exploitation de Suzanne et Angelo Carbonel, à Bouessay, près de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), le jeune réfugié ukrainien découvre l’agriculture, un milieu qui le passionne et dont il veut faire son métier.

Fedir a fui l’Ukraine dans l’urgence, jusqu’à Sablé-sur-Sarthe 

« Mes grands-parents ont une maison avec un beau jardin, c’est à leurs côtés, que j’ai découvert la nature », rapporte-t-il, sourire aux lèvres et yeux brillants d’émotion. Ce grand jardin familial, où il a de précieux souvenirs, se situe loin d’ici, dans la région du Donbass, à l’Est de l’Ukraine.

C’est de là-bas, plus précisément de la ville de Sloviansk, qu’il est arrivé en mars 2022, après l’invasion russe. Fedir, comme des millions d’Ukrainiens, a dû fuir son pays en guerre dans l’urgence, avec sa maman. Tous deux ont trouvé refuge à Sablé-sur-Sarthe, où ils sont depuis logés dans un appartement de la ville grâce à une coopération avec la Croix rouge.

Très vite, le jeune garçon a été scolarisé. D’abord au lycée Saint-Anne, puis au lycée agricole Val de Sarthe, où il rejoint un Bac pro conduite et gestion de l’entreprise agricole (CGEA). Il n’a alors que 15 ans et « débarque dans une classe de première sans parler français », retrace Pierre Paterne, le maire de Bouessay qui est aussi membre de l’Association d’amitié entre le Pays sabolien et la Région de Drohobytch.

Fedir, Ukrainien stage ferme Bouessay
Le jeune Ukrainien a toujours le sourire. ©Emilie JOUVIN – Les Nouvelles de Sablé

C’est lors d’une manifestation organisée par cette association, que l’élu a eu l’occasion de rencontrer Fedir. « Il m’a dit qu’il cherchait un stage dans une exploitation agricole. J’ai tout de suite pensé à La Ferrière, dans ma commune », se souvient l’élu.

Problème : Fedir ne se déplace qu’à vélo, et de Sablé-sur-Sarthe, le trajet est trop long.

J’ai donc proposé de l’héberger chez moi. J’ai de la place et j’ai envie de lui donner toutes les chances de réussir, en facilitant son cursus de formation.

Pierre Paterne, maire de Bouessay 

C’est ainsi que depuis septembre 2023, Fedir troque les baskets contre les bottes, à chaque vacances scolaires.

« Je m’occupe beaucoup des animaux »

Dans la ferme de La Ferrière, aux côtés de Suzanne et Angelo Carbonel, le jeune réfugié qui maîtrise maintenant le français s’épanouit. « Je me sens bien dans les grands espaces et j’adore le contact avec les animaux », nous confiait-il mercredi 23 avril 2025, lors d’une nouvelle journée de travail dans l’exploitation spécialisée dans la volaille, les vaches allaitantes et les cultures.

Un environnement qui sied au lycéen, dont les missions sont variées : « Ramasser et trier les œufs, nourrir les vaches, les poules, nettoyer les locaux mais aussi travailler dans les champs. » Fedir sait ainsi manier tracteur et chariot télescopique ! Et son aide est bienvenue, dans l’équipe composée d’Antoine, salarié, et Théophile, apprenti.

Nous avons tout de suite accepté de le prendre en stage. Pour nous, c’est aussi l’occasion de découvrir sa culture, ses traditions, sa manière de vivre. C’est une expérience riche, humainement.

Suzanne Carbonel, agricultrice 

Fedir, Ukrainien stage ferme Bouessay
Fedir, entouré de Pierre Paterne et Suzanne Carbonel. ©Emilie JOUVIN – Les Nouvelles de Sablé

Les échanges, d’abord traduits par Google traduction, sont devenus plus fluides au fil des mois. « Fedir apprend très vite. Il est toujours souriant et ne se plaint jamais, alors que nous savons bien que dans sa tête, c’est compliqué », observe l’agricultrice.

« Il nous donne des leçons d’humilité tous les jours », confirme Pierre Paterne, qui apprécie sa colocation. « On prend le temps de discuter, de plaisanter. Fedir, comme toutes les familles accueillies à Sablé, est très convivial et cherche toujours à rendre service. Hier encore, il voulait passer l’aspirateur ! »

Repartir et retrouver son pays

La guerre, le lycéen en parle très peu. Quand on le questionne sur le sujet, les yeux brillent de nouveau, mais le sourire demeure, malgré tout. « Dès qu’elle sera finie, j’espère pouvoir retourner là-bas, en Ukraine. J’aimerais devenir agriculteur dans mon pays. »

Le jeune garçon suit assidûment l’actualité, le cœur serré. « J’ai très peur pour ma famille restée si près de la frontière russe. » Ses grands-parents, sa tante, mais aussi son frère aîné. Son clan qui lui manque tant.

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