Joueur clé du système de Bordeaux-Bègles, le demi de mêlée international de 32 ans a changé de dimension ces derniers mois. À l’image de son dernier Tournoi des six nations où il a brillé en l’absence d’Antoine Dupont.

Pas facile de vivre dans l’ombre du meilleur joueur du monde. C’est le lot de tous les demis de mêlée français. Et en particulier de Maxime Lucu, le numéro 9 de Bordeaux-Bègles opposé ce dimanche à Toulouse, privé, lui, de son joueur star, en demi-finale de la Champions Cup. Un match où il sera un pion essentiel du dispositif de son manager Yannick Bru. Car Maxime Lucu enchaîne les bonnes performances : rugueux en défense, efficace dans son jeu au pied et juste dans son orientation du jeu pour lancer les fulgurances de sa ligne de trois-quarts trois étoiles.

Dans les colonnes de Sud Ouest, le manager girondin n’a pas caché l’importance de son demi de mêlée, que ce soit sur et en dehors du terrain. «C’est un pilier du fonctionnement de l’équipe, c’est clair. Mais on travaille d’arrache-pied pour développer le leadership autour de lui. Quand je vois ce qui s’est passé à Pau (succès 22-26, NDLR), d’autres joueurs se sont réparti les responsabilités. L’UBB a plus de gardiens et de bergers autour de Max Lucu mais c’est sûr que lui, c’est le berger en chef», a-t-il mis en exergue. Une belle revanche pour le joueur qui a débuté au club basque de Saint-Pée-sur-Nivelle, comme Charles Ollivon, et qui n’a découvert le Top 14 qu’en 2019, à 27 ans, après avoir quitté le Biarritz Olympique.

On dit souvent que je suis comme le bon vin, je me bonifie un peu plus avec l’âge

Maxime Lucu

La saison dernière avait été particulièrement rude pour le demi de mêlée bordelais. Durant le Tournoi, il avait perdu sa place de numéro 2 à la mêlée, au profit de Nolann Le Garrec. Et, avec l’UBB, il avait enchaîné les désillusions, manquant notamment la transformation de la gagne lors du quart de finale complètement fou de Champions Cup contre les Harlequins. Alors qu’il avait réalisé, auparavant, un match énorme. Cruel…

Auparavant, lors du Six Nations 2024, il reconnaît qu’il a vécu des moments compliqués. «J’aurais pu lâcher, c’est sûr, mais mon caractère n’est pas comme ça. Mon Tournoi l’an dernier a été difficile à vivre parce que j’étais déçu de mes performances dans un premier temps et en raison de tout l’engouement médiatique qu’il y a eu autour de moi, a-t-il confié en début d’année à l’AFP. Ma place a été remise en question et c’est grâce au club que j’ai pu revenir et montrer que mon niveau était toujours là, que c’était un mauvais passage.»

Maxime Lucu a en effet su rapidement rebondir, repartir au front, après une saison frustrante qui s’était conclue sur une humiliation en finale du Top 14 contre Toulouse (59-3). À 32 ans, il continue constamment d’élever son niveau de jeu, de progresser, de se monter décisif. À l’image de sa fin de match monumentale lors du quart de finale arraché contre le Munster, alors que son équipe tanguait plus que dangereusement. Il y a d’abord eu ce plaquage monstrueux sur Thaakir Abrahams, puis ce dégagement sous pression qui a permis aux siens de souffler et, enfin, cette passe décisive pour Louis Bielle-Biarrey. Une performance magistrale.

J’ai l’impression qu’il commence à être reconnu au niveau international alors qu’il suffit de regarder ce qu’il fait en championnat pour mesurer tout son talent

Christophe Laussucq, entraîneur de la défense de l’UBB

Christophe Laussucq, ancien demi de mêlée désormais entraîneur de la défense girondine, ne tarissait pas d’éloges. «C’est un joueur exceptionnel, il fait une saison énorme avec nous. Je ne vais pas le présenter, mais il est excellent depuis plusieurs saisons. Et, enfin, j’ai l’impression qu’il commence à être reconnu au niveau international alors qu’il suffit de regarder ce qu’il fait en championnat pour mesurer tout son talent, a appuyé le technicien auprès de Midi Olympique . C’est un joueur complet. Au pied, je ne vois pas qui est meilleur que lui au niveau mondial. C’est un de nos meilleurs défenseurs, il est bon sur l’animation. Qu’est que vous pouvez lui reprocher à Max sur les matchs qu’il fait avec nous ? Moi rien du tout.»

Maxime Lucu auteur d’un match plein en Irlande après la blessure d’Antoine Dupont.
Sportsfile / Icon Sport

L’intéressé a récemment confirmé qu’il se «sent très bien physiquement, mieux à 32 ans que quand je suis arrivé à Bordeaux à 27 ans. On dit souvent que je suis comme le bon vin, je me bonifie un peu plus avec l’âge. Je prends énormément de plaisir dans le jeu qu’on a mis en place avec le staff depuis deux ans, avec une équipe qui est faite pour ça aussi.» Et de souligner qu’il s’est amélioré «dans le jeu offensif» : «Je prends un peu plus d’initiatives avec le ballon, notamment sur mes courses de soutien pour finir un coup, ce que font des Antoine Dupont , Aaron Smith, Baptiste Couilloud  ou Baptiste Serin  tous les week-ends. Je ne les faisais pas forcément bien auparavant ou je ne les analysais pas forcément bien. J’essaye de le faire au maximum parce qu’on a des facteurs X derrière qui sont impressionnants.»

Je suis content pour Max parce qu’il a eu un Tournoi difficile l’année dernière, on ne lui a pas fait de cadeau

Fabien Galthié

Surtout, le regard sur Maxime Lucu a changé auprès du grand public après sa performance de premier plan lors du brillant succès du XV de France lors du dernier Tournoi, après la grave blessure d’Antoine Dupont. La pression était maximale pour les Bleus privés du meilleur joueur du monde et, après l’entrée de sa doublure à l’Aviva Stadium, il n’y avait plus d’arrière disponible avec le choix d’aligner un banc en 7-1. Mais le Bordelais a livré une prestation remarquable. «Il a fait un match énorme dans un contexte extrêmement hostile, avait salué Fabien Galthié. Je suis content pour Max parce qu’il a eu un Tournoi difficile l’année dernière, on ne lui a pas fait de cadeau.»

Avec son parcours atypique et sa maturation lente, le Basque sait que «le haut niveau, c’est un éternel recommencement. Je ne me focalise pas sur ce qui s’est passé les années précédentes, je ne joue pas pour répondre à ça. Mais pour moi et pour montrer que je suis au niveau». Et d’ajouter : «Tous les week-ends, il faut que je sois performant. Il faut aller chercher les choses comme je l’ai toujours fait, ne pas mettre le frein à main ou attendre que ça se fasse. Mes performances avec Bordeaux poussent peut-être les sélectionneurs à se poser des questions aussi.» À l’UBB, la question de son leadership ne se pose même pas.