Il suffit de se poser près du comptoir et de tendre l’oreille. Tour à tour, les clients se succèdent à la caisse et les louanges pleuvent. Depuis sa réouverture, fin janvier 2024, sous la houlette de Romain Janin, le Saint-Gabriel, situé sur le port de Toulon, ne désemplit pas. Midi et soir. Sur un site aussi touristique, ce sont pourtant les Toulonnais qui remplissent le carnet de réservations. Une clientèle fidèle, en quête de saveurs et de qualité à des prix plus que raisonnables. La plus belle des récompenses pour le chef Romain Janin et son équipe. Et preuve que les Toulonnais ont bon goût: l’établissement vient de recevoir un Bib Gourmand(1) du Guide Michelin. Il s’agit d’ailleurs du seul restaurant de la ville à bénéficier de cette distinction.
« Ça a été une vraie surprise, car on ne courait pas après. J’étais le premier étonné, cela récompense surtout notre travail », confie le chef.
« Garder de la constance »
Dans sa critique, la bible de la gastronomie évoque « une carte qui célèbre la gastronomie provençale, en faisant twister les produits frais et locaux (…) Chaque assiette a de la générosité et du savoir-faire à revendre. Ambiance décontractée et conviviale (…) Un authentique bon plan épicurien. »
Malgré les louanges et les récompenses, Romain Janin sait que le plus dur est à venir: « garder de la constance » pour ne jamais décevoir sa clientèle. Alors, ce Toulonnais 100% pur jus n’entend pas fléchir. Bien au contraire. Pour cela, il applique une recette simple: « J’aime la cuisine conviviale, retranscrire le côté familial et surtout la notion de plaisir. »
Chez lui, la vocation apparaît assez tôt. Autour de ses 14 ans, il fait comme tous les minots de son âge et décroche un stage d’observation. Pour lui, ce sera en cuisine, au Lingousto, à Cuers, à l’époque d’Alain Ryon. « J’ai mis le doigt dans l’engrenage », s’amuse-t-il. Il trace alors sa route et suit son apprentissage à l’école hôtelière Saint-Louis à Toulon, avant de vivre ses premières expériences. « Je suis passé aux Pins Penchés, mais aussi au Sketch à Londres, à l’époque où Pierre Gagnaire supervisait la carte », énumère-t-il.
Sublimer la cuisine populaire
Au fil du temps, il affirme sa personnalité. « J’ai toujours aimé valoriser les produits. Partir de quelque chose de brut, presque quelconque. C’est facile de faire de la cuisine de palace avec du caviar ou des langoustes. J’ai toujours préféré le côté populaire de la cuisine. » En témoigne son appétence pour une bonne joue ou langue de bœuf. « Il y a beaucoup de travail là-dessus, avec des cuissons et des manipulations », tranche-t-il. Dans sa démarche, il conserve la volonté de tout exploiter de ses produits et de limiter au maximum le gaspillage. Mieux: sa carte change tous les jours, en fonction de ce qu’il a sous la main.
« À chaque service, la carte est éditée. On est toujours à flux tendu », explique-t-il. Et cela s’avère être tout sauf une contrainte. « C’est quelque chose que j’avais déjà instauré au Bouchon, à Ollioules. Ici, on ne garde à la carte que le tentacule, qui est le plat emblématique de l’établissement. Mais tout le reste change. » De quoi stimuler en permanence sa créativité. « Quand on fait toujours la même chose, au bout d’un moment, on s’en lasse et on passe parfois à côté: on assaisonne moins bien, on est moins dans le punch. »
Les sauces au cœur des plats
Avec ses deux acolytes en cuisine, la réflexion est permanente. Avec pour seule contrainte: garder à l’esprit la volonté de proposer une « cuisine généreuse, authentique, sans fioritures, et toujours avec une belle sauce ». C’est d’ailleurs le péché mignon du chef. « J’adore ça, ça a toujours été, comme le disait Bocuse: tous les grands plats se font avec une grande sauce. » Il conserve d’ailleurs une affection particulière pour le jus de viande. Un travail de longue haleine, mais qui entre aussi dans la philosophie de l’établissement de limiter le gaspillage. « Chaque “déchet » animal est retravaillé dans une sauce. Pour les poissons, on fait aussi nos fumets. Au lieu de jeter les têtes et les arêtes, on les fait colorer, réduire, et ça apporte un autre goût, une autre dimension au plat », conclut Romain Janin, avant de repartir en quête d’inspiration pour les cartes des prochains services.
(1) Depuis 1997, les restaurants offrant le meilleur rapport qualité prix (en proposant des repas complets à des prix contenus) ont leur propre distinction: le Bib Gourmand. En France l’addition ne doit pas dépasser les 40 euros pour entrée-plat-dessert.
Le Saint Gabriel, 334 avenue de la République, Toulon. Du mardi au samedi 12h – 15H et 19h – 22h30.