Et soudain, le temps s’est figé. À Gattières, quelques lacets au-dessus de la plaine du Var, une grande famille pleure Lorenzo Menardi, disparu mercredi à l’âge de 15 ans seulement. Cet apprenti prometteur travaillait sur un chantier sur l’autre rive, à Saint-Martin-du-Var, quand l’accident est survenu. L’onde de choc s’est propagée jusqu’à Saint-Jeannet, Nice, Antibes et bien au-delà.
« Perdre un enfant est une épreuve contre nature, une tragédie qui dépasse les mots », réagit un internaute sur Facebook. Comme des centaines d’autres, il tente d’apporter soutien et réconfort aux parents de Lorenzo. Mais tous se savent démunis face à « une horreur sans nom ».
Les mots, pourtant, Delphine Vella et Frédéric Menardi ont su les trouver. Pour leur fils. Au surlendemain du drame, l’un et l’autre, admirables de courage, ont accepté de nous recevoir pour lui rendre hommage. « Je veux faire vivre mon fils. ça me fait du bien d’en parler », confie Delphine, d’un ton las et d’une voix vaillante.
Elle et son ex-mari veulent aussi « remercier tout le monde pour le soutien reçu depuis mercredi, de la part de proches comme de gens qu’on ne connaissait pas ». Une vague de soutien visible sur les réseaux sociaux et jusqu’à l’Allianz Riviera ce vendredi soir. Lorenzo aurait dû y prendre place.
Enfant du pays
Lorenzo avec sa mère Delphine.
DR.
Ce vendredi à Gattières, le chant des oiseaux et le soleil insolent d’insouciance peinent à éclipser l’absence. Avec la disparition de Lorenzo, le village perd un enfant du pays. C’est ici qu’il est né, qu’il a toujours vécu, qu’il a « tous ses copains » dixit sa maman. Le couple s’est séparé il y a dix ans. Mais cette famille est toujours restée soudée, rassemblée autour des anniversaires de Lorenzo et de son grand frère Sandro.
Gattières, c’est aussi l’école primaire Léon-Mourraille, où Lorenzo a été élève avant de rejoindre le collège des Baous à Saint-Jeannet. « Il ne travaillait pas bien. ça ne lui plaisait pas du tout, murmure Delphine. Il a quand même obtenu son brevet des collèges. »
Comme bien des ados, Lorenzo se cherche. Il tente une seconde pro en électricité à Don-Bosco, à Nice. Sans succès. Il bifurque vers un CFA de maçonnerie à Antibes. Cette fois-ci, l’adolescent semble trouver sa voie. Fin 2024, il décroche un contrat d’apprenti maçon dans une entreprise de travaux publics, dirigée par le cousin de son père. Un homme dévasté par le drame survenu sur un chantier.
« Un petit qui aimait les gens, et c’était réciproque »
Ce système lui convenait bien. Il avait de bonnes notes. Et il adorait aller au chantier. Il travaillait très bien, ils étaient très contents de lui », souligne Delphine la maman de Lorenzo. DR.
Voilà désormais plusieurs mois que Lorenzo s’épanouit au travail. « Il aurait fait une grande carrière. Il avait la tête et les mains pour ça. Il était très entreprenant », soupire François, le compagnon de sa mère. Delphine acquiesce. « Peu de cours, pas de devoirs… Ce système lui convenait bien. Il avait de bonnes notes. Et il adorait aller au chantier. Il travaillait très bien, ils étaient très contents de lui. »
Sa famille brosse le portrait d’un garçon joyeux, empathique, hyper sociable. « C’était un petit qui aimait les gens – et c’était réciproque, souligne sa maman. Toujours attentionné. Toujours un mot gentil. Le collège l’avait félicité pour s’être interposé lors de disputes. » « Il était extrêmement aimé à Gattières. la Saint-Blaise, c’était la star! », se souvient Théo, cousin germain de Lorenzo.
Le gamin souriant, bon vivant, se montre particulièrement attentionné envers les personnes âgées. Il ne compte pas son temps pour accompagner son grand-père paternel, atteint de la maladie d’Alzheimer, à coups de bonnes blagues. « Tu loupes ta vocation! », lui lancera sa mère.
Insatiable touche à tout
Delphine est secrétaire médicale en traumatologie à l’hôpital Pasteur 2. Frédéric dirige le club de boxe AB2PA, au stade Charles-Ehrmann. Derrière ses lunettes noires, ce solide gaillard apparaît groggy. Il rassemble ses forces comme on remonte sur le ring, pour évoquer son fils d’une voix blanche. « Il était tranquille. Il vivait au jour le jour. Il ne voyait le mal nulle part. »
Logiquement, Lorenzo s’essaie à la boxe. Ou encore au basket, lui, le petit-fils d’une dirigeante du Stade Laurentin basket. Et puis le foot, bien sûr. Enfant, il le pratique à l’Entente sportive des Baous. Ado, il le vit à l’Allianz Riviera, dans la ferveur de la Populaire Sud.
Ce supporter du Gym touche aussi au vélo, à la chasse, rêve de compétition automobile, et même de partir vivre en Thaïlande. Partout, il devient « la mascotte ».
Mais le beau garçon dynamique, hyper actif, reste aussi « un gosse inconscient, immature, convient Delphine. Il se faisait toujours mal. On lui disait: « Fais attention, Lorenzo… » Mais il ne voyait pas le danger. Qu’il se fasse mal ou pas, il s’en foutait! Un casse-cou. » Pas de scooter pour Lorenzo. Sa mère a vu assez de vies fracassées à l’hôpital. Elle sait bien que les drames n’arrivent pas qu’aux autres.
Solidarité tous azimuts
C’est elle qui a déposé Lorenzo sur son lieu de travail, mercredi matin. « En partant, il m’a dit “Au revoir, ma chérie. Je t’aime. » Je veux rester là-dessus », bredouille-t-elle, la gorge nouée.
L’accident? « On s’en fout. ça ne va rien changer. C’est terrible », évacuent ces parents plongés dans une indicible douleur. Ils préfèrent retenir la bienveillance à leur égard, y compris par les gendarmes et la commune de Saint-Martin-du-Var, qui a ouvert une cellule de soutien psychologique. Ils songent à Sandro, à Fanny, à Paloma, « la sœur de cœur », à la cousine Manon, aux cousins Théo, Sören et Maxan.
Ils louent l’extraordinaire solidarité venue de toutes parts, du monde du sport comme des politiques. « J’ai tous les boxeurs à la maison, j’ai cinq cents messages, Estro m’a appelé…, témoigne Frédéric, incrédule. On remercie tous les gens qui nous soutiennent. »
Lorenzo Menardi parlait vite. Trop vite. Comme s’il sentait l’urgence de vivre. « Il voulait mordre la vie à pleines dents et vivait à deux cents à l’heure. Sa façon de parler, c’était pareil », décrypte sa mère.
Ses obsèques seront célébrées à Gattières, quelques jours après celles d’un grand-oncle. « Il nous disait: “Je suis fier de moi: je n’ai pas pleuré. » Alors il faut qu’on fasse pareil. »
L’Allianz Riviera lui rend hommage
Le sourire de Lorenzo Menardi s’est affiché dans le stade de la plaine du Var, ce vendredi soir. Photo William Humberset.
Supporter de l’OGC Nice, Lorenzo comptait se rendre en famille à l’Allianz Riviera, vendredi soir, pour y supporter les Aiglons dans la course à la Ligue des Champions.
Ses proches ont décidé de s’y rendre malgré tout. « J’ai demandé au club de lui rendre hommage », explique sa mère. La mémoire du jeune membre de la Populaire Sud a donc été honorée dans le stade de la plaine du Var, en préambule du match de Ligue 1 entre Nice et Reims. Son visage et son nom ont été projetés sur grand écran, sous une salve d’applaudissements.
Ce dimanche 4 mai, un hommage à Lorenzo sera organisé à 11h au stade de foot de Carros, avant le coup d’envoi du match de l’équipe U16 contre Blausasc. Les spectateurs sont invités à venir muni d’un brassard blanc au bras gauche.
Enquête en cours et autopsie à venir
Une autopsie du corps de Lorenzo va être réalisée, confirme Sabine Neale, procureur adjoint de la République de Nice. Le parquet a ouvert une enquête pour homicide involontaire, confiée à la brigade de recherches de Nice en co-saisine avec l’inspection du travail. « Pas de garde à vue intervenue à ce stade », précise la magistrate, qui ne souhaite pas communiquer davantage en l’état des investigations.
L’apprenti maçon a succombé à un accident de chantier survenu mercredi, vers 11h30, avenue des Moulins à Saint-Martin-du-Var. Selon nos informations, il aurait été percuté par un engin de chantier de type pelleteuse. Le jeune conducteur, en état de choc, n’a pas pu être entendu à ce jour.