À l’heure où le soleil s’incline vers la mer, la plage de Soumbédioune [à Dakar] offre un spectacle saisissant. L’astre décline lentement derrière l’archipel des îles de la Madeleine, baignant l’océan d’une lueur dorée. Des oiseaux marins, silhouettes effilées contre un ciel en feu, plongent en piqué dans la colonne d’eau, effleurant la surface d’un coup de bec vif à la quête de proies.
La houle, capricieuse, soulève les détritus flottants qui dérivent au gré des courants, témoins silencieux de l’activité humaine. Sur le rivage, l’ambiance est étrangement calme à 18 heures, ce mercredi. Une unique embarcation, quasi bredouille, est ramenée par le ressac. À bord, deux pêcheurs, visages burinés par le sel et le vent, manifestent une déception feutrée.
Trois mois après la fin des accords de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne (UE) [conclus en 2014 et renouvelés une première fois en 2019, ces derniers n’ont pas été reconduits, la partie européenne invoquant des “défaillances” dans la lutte contre la pêche illégale, et la partie sénégalaise une surexploitation des ressources halieutiques aux dépens des populations locales], l’impact de cette décision semble encore imperceptible. Sur le quai, les acteurs de la pêche artisanale, piliers de cette économie locale, racontent une réalité complexe, entre espoirs déçus et adaptations précaires.
Autour d’Astou fusent les cris des vendeuses, entre appels enjôleurs et marchandages âpres. Drapée dans une robe wax aux motifs bigarrés, le pagne noué à la taille, les bras chargés de poissons, le visage tanné par le soleil et les embruns, elle incarne la dure réalité de la vie au bord de la mer.
Devant elle, un étal de poissons coloré et attirant. Des tas de sept pièces de pargo, poisson ressemblant à la dorade, sont exposés. Elle présente ses produits, vantant leur fraîcheur, leur qualité et leur goût. “Huit mille francs CFA [environ 12 euros] le lot, mais pour vous, ce sera 7 000 FCFA [10,5 euros]”, glisse-t-elle dans un sourire engageant. Malgré son dynamisme, elle confie, dans un murmure, que les affaires sont moins florissantes qu’avant. “Les clients hésitent, les prix fluctuent, et parfois le poisson se fait rare”, dit-elle.
Un peu plus loin, Seydina Aliou Diop, un vétéran du métier, dresse un tableau contrasté de la situation. Sa chemise rayée sombre, son pantalon crasseux, ses sandales délavées et ses pieds blanchis par la salinité trahissent le poids des ans et des vagues.
Les dorades grises à 6 500 FCFA [9,90 euros] le lot et les “chars jaunes”, des espèces autrefois rares, foisonnent sur son présentoir. “Avant, on ne voyait qu’occasionnellement les chars marron ou jaunes. Maintenant, ils sont plus fréquents”, révèle-t-il.
Un constat confirmé par le vieux loup de mer Sidy Sarr, qui s’avance vêtu d’un ensemble blanc éclatant, malgré la poussière et l’humidité. Il arpente le quai, le pas alerte, en chantonnant, signe d’un moral regonflé. Il raconte avec fierté que récemment, sa pirogue, tenue par ses enfants, a ramené un “wakhanor” [autre nom du thon albacore] de 300 kilos. Une bête impressionnante, peau lisse, dégradé de noir et gris avec des reflets