16.000km. Voilà la distance qui sépare Toulon des archipels de la Polynésie française. Et celle, donc, qui éloigne un peuple si fier du tant aimé fenua (« la terre », en tahitien).
Pourtant, malgré la vingtaine d’heures d’avion et les onze heures de décalage horaire que cela représente, les Polynésiens parviennent pour la plupart à conserver certains marqueurs de leur identité dans la cité varoise.
Car, des plages du Mourillon au pied du Faron, la culture ultramarine résonne.
« Le fait d’avoir une très grosse communauté, des associations et des événements, ça nous permet de ne pas oublier d’où l’on vient », assure Manu, cheffe de la troupe Tamariki Maurua.
Tahitienne d’origine, la jeune femme a créé son association il y a sept ans de cela, avec l’aide de son conjoint.
Et en quelques années seulement, l’école de danse est passée de six à soixante-douze élèves.
« C’est ensuite en 2023 qu’on a créé la troupe de danse, ajoute-t-elle. Nous sommes désormais dix-huit musiciens danseurs et danseuses, et on prépare actuellement la saison d’été où l’on pourra proposer la danse tahitienne traditionnelle, la danse du feu, mais aussi le haka! »
De quoi faire perdurer des traditions directement venues du Pacifique, tout en séduisant de nouvelles têtes.
« Dans l’association, on a quasiment autant de Métropolitains que de Polynésiens. Notre culture va au-delà de notre pays, et ça, c’est top! », se réjouit Manu.
Tatouages, musique, chant et va’a
Le constat est partagé par Piri. Cet ancien marin-pompier est aujourd’hui tatoueur à Ollioules.
Spécialisé dans les motifs marquisiens, tahitiens, samoans et maoris, il reçoit 80% de « non-Polynésiens » dans son salon, Toakiu Tattoo. « Ils apprécient vraiment ça! Ils savent que nos tatouages ont une vraie signification et viennent parfois retranscrire leurs souvenirs de la Polynésie. »
En dehors de son lieu de travail, par ailleurs, le natif des Marquises apprécie toujours passer du temps avec ses « collègues » d’outre-mer.
« On essaye un peu de se retrouver dans une ambiance polynésienne. C’est pour ça que Toulon me plaît. Il y a parfois des animations dans les restos, ça fait du bien. »
Peut-être Piri a-t-il pris plaisir à écouter la douce musique de Temehani sound, un groupe local régulièrement invité dans les restaurants Ma’a Tahiti et Fenua Food.
Le club existe depuis bientôt trente ans. Photo Luc Boutria Photo Luc Boutria.
Créé officiellement en 2023, il réunit Hiurai (leader vocal), Manu (guitare), Tapao (ukulélé), Hiro (percussions), Raea (guitare) et Arii (percussions).
« En tant qu’expatrié à Toulon, la musique polynésienne est une ressource. Je replonge là-dedans avec ma famille, mes amis… C’est un moment de festivité, de partage de notre culture, et ça vient combler un manque », avoue Manu.
« Les gens se sentent comme à Tahiti »
Dans les établissements toulonnais ou en festivals, le guitariste et ses partenaires reprennent principalement les variétés de l’île d’amour, parfois agrémentées de quelques chansons françaises.
« Il y a un engouement assez impressionnant, se réjouit le gendarme de métier. Lorsqu’on va dans un restaurant, au bout de deux jours de réservations, toutes les places sont prises. Ça permet à tout le monde de se retrouver dans une ambiance qui rappelle le pays. »
Membre du groupe Team Faya, régulièrement en concert à Toulon, Nanua confirme: « On profite de ces soirées pour revoir des amis de longue date. Avant, il n’y avait pas tout ça. Mais, maintenant, grâce à ce rassemblement de la communauté, ça fait un semblant de chez nous. Les gens se sentent comme à Tahiti. »
Et nul doute que la présence d’un important club de va’a (« bateau » en tahitien), du côté du Mourillon, y contribue aussi grandement.
Avec ses 110 adhérents en loisirs et compétitions ainsi que son local historique donnant sur l’anse Tabarly, Toulon Va’a fait véritablement briller la ville en pirogue polynésienne: « On dispose en général d’une trentaine de compétiteurs et compétitrices. L’an dernier, on a même fini vice-champions de France! », rapporte Cyrille, le vice-président.
Si bien qu’aujourd’hui, la discipline emblématique des archipels reste « bien intégrée » dans le paysage toulonnais. « On est un club ambitieux et dynamique, reprend Cyrille. Les prochains championnats de France, auront lieu ici, à Toulon, du 29 octobre au 2 novembre. »
Le Mourillon accueillera alors 600 compétiteurs venus de toute la France. Et la communauté devrait, une fois de plus, être au rendez-vous. « Car c’est une chose dont les Tahitiens ont besoin. »
Et qui donnerait presque à Toulon… un vague air de Polynésie.