La très discrète héritière du groupe Walmart est devenue la femme la plus riche du monde. Derrière les milliards, se cache une philanthrope anticonformiste, passionnée d’art, d’équitation et de santé publique.
Elle pèse 107,5 milliards de dollars. Pour vous faire une idée, cela équivaut à près de 117.000 lingots d’or. 107,5 milliards de dollars, c’est aussi plus que le PIB annuel de pays comme la Slovaquie, la Croatie ou le Kenya. Cet empire pharaonique, Alice Walton le doit à Walmart, le plus grand groupe de distribution mondial. Celui qu’a créé son père Sam Walton en 1962. En septembre 2024, à 74 ans, l’Américaine a ainsi détrôné la Française Françoise Bettencourt Meyers et est devenue la femme la plus riche du monde. D’après Forbes, elle occupe aujourd’hui la 13e place du classement mondial des milliardaires derrière Elon Musk, Bernard Arnault et Jeff Bezos, pour ne citer qu’eux.
Pour autant, le visage d’Alice Walton n’est pas connu du grand public. À croire que la lumière des projecteurs la rebuterait presque. «Elle est celle qui me ressemble le plus – une anticonformiste – mais encore plus imprévisible que moi», confiait un jour son père, comme le rapporte Forbes . Un aveu rare qui en dit long sur celle qui, sans jamais briguer de rôle dirigeant dans l’empire familial, est parvenue à tracer une trajectoire singulière. Loin du tumulte des affaires.
Alice Walton, fille du fondateur de Walmart Sam Walton, lors de la réunion annuelle des actionnaires de Walmart. (Fayetteville, le 1er juin 2018.)
RICK T. WILKING / AFP
Passionnée d’art
Née le 7 octobre 1949 à Newport, dans l’Arkansas, Alice Louise Walton grandit à Bentonville entourée de ses trois frères Rob, Jim et John. Diplômée en économie à la Trinity University de San Antonio, elle débute chez Walmart comme acheteuse pour le rayon «enfants», avant de bifurquer vers la finance. En 1988, elle fonde sa propre banque d’investissement, Llama Company, qu’elle dirige dix ans durant. Mais sa véritable ambition se place ailleurs.
Elle n’a que 10 ans quand elle s’offre une reproduction de Blue Nude de Picasso, achetée pour… 25 cents. Ainsi naît son coup de foudre pour l’art. Dès lors, avec sa mère, elle peint des aquarelles lors de balades en nature. L’art devient une passion. Puis, de fil en aiguille, une vocation. Elle collectionne Homer, Hopper, O’Keeffe, Rothko, Wiley… et débourse pas moins de 35 millions de dollars en 2005 pour Kindred Spirits (1849) d’Asher Brown Durand. À l’époque, c’est le tollé et la presse se déchaîne : «Un tel chef-d’œuvre ôté du regard des connaisseurs pour disparaître chez les ploucs de l’Arkansas», lit-on dans les colonnes du Monde .
Un musée et un ranch
Mais la collectionneuse n’en a que faire. En 2011, elle offre à l’Amérique un musée sans égal : le Crystal Bridges Museum of American Art, érigé dans les bois de l’Arkansas sur 120 hectares appartenant à sa famille, œuvre de l’architecte Moshe Safdie. L’entrée y est gratuite. Le but ? Rendre l’art accessible à tous. Le pari d’une mécène engagée que prolongera en 2017 la fondation Art Bridges, qui sillonne les États-Unis avec des expositions itinérantes destinées aux musées sous-financés. Autant de projets qui lui valent parfois d’être comparée à Abby Rockefeller (1874-1948), belle-fille du magnat du pétrole, qui cofonda notamment le Museum of Modern Art, à New York, en 1929.
Mais l’art n’est pas la seule passion de la richissime héritière, jamais mariée et sans enfants. Son ranch texan de 1300 hectares à Millsap, où elle élève des chevaux de cutting – experts dans le tri de bétail – est pendant longtemps un refuge. Là-bas, elle est reconnue pour son flair à détecter les poulains d’exception. Pourtant, coup de théâtre en 2015 : l’Américaine finit par revendre la propriété pour se consacrer pleinement à l’art. D’autant que la philanthropie d’Alice Walton ne connaît pas de pause ni de limites.
Philanthropie et santé publique
À travers sa fondation, elle soutient l’éducation artistique, la santé, les repas dans les cantines scolaires mais encore la lutte contre l’insécurité alimentaire. Son projet le plus ambitieux est toutefois encore à venir : l’ouverture, en 2025, de l’Alice L. Walton School of Medicine. Adossée au musée de Crystal Bridges, cette école entend former des médecins allopathiques selon une approche intégrative de la santé. Ne dit-elle pas que «pour réussir dans ce monde, il faut sans cesse se réinventer». Elle en est en tout cas la preuve incarnée.
Même ses engagements politiques échappent aux idées préconçues. Républicaine jusqu’en 2012– sauf lorsque Hillary Clinton s’est présentée en 2008 et en 2016 et qu’elle l’a soutenue via un don de 353.400 dollars –, elle bifurque ensuite définitivement vers les démocrates. Alice Walton choisit ses causes, pas ses camps. Toujours avec une discrétion sans faille.
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