Il fait mine de regarder son téléphone en souriant : « Ca fait bien deux heures que je n’ai pas eu de coup de fil sur la loi PLM ». Il est 16h15 ce vendredi 4 avril et Bruno Bernard, le président de la Métropole qui profite du beau temps pour inaugurer des travaux achevés le long de la grande rue de la Guillotière, suit aussi la tentative de députés parisiens de Renaissance de modifier la loi électorale organisant les élections à Paris, Lyon et Marseille (bref : loi PLM).

Aussi dubitatif qu’attentif, pendant que des membres éminents de la majorité lyonnaise sont sur le terrain législatif pour batailler, Bruno Bernard a beau jeu de souligner l’état techniquement imparfait d’une proposition de loi qui ronronne dans les couloirs de l’Assemblée nationale depuis des années pourtant.

En janvier 2024, Emmanuel Macron avait relancé l’idée, issue de ses rangs, par une déclaration favorable : « La seule chose que je veux pour Paris, c’est qu’un électeur puisse avoir les mêmes droits et compter autant qu’à Amiens, Besançon ou ailleurs, et donc que le gouvernement puisse décider d’une réforme en profondeur de la loi Paris-Lyon-Marseille pour revenir au droit commun ».

Derrière cette revendication étrange (dans les faits, toutes les villes de France abritent des gens possédants le droit de vote depuis 1944), on entend le désir que les électeurs parisiens LR + LREM + LR dissidents du 15e arrondissement servent aussi à élire un(e) maire de droite à Paris une fois qu’ils ont élu leur inoxydable Goujon dans son arrondissement.

Pour l’instant, passés les 51%, leurs bulletins ne servent plus à grand chose. Est-ce la seule raison politique qui permette à ce texte d’être actuellement en discussion ? « François Bayrou a un peu repris la main en permettant à Jean-François Mattei – un de ses proches – d’être le rapporteur, mais en même temps il ne se presse pas car politiquement il y a des coups à prendre », décrypte Sandrine Runel, la députée PS de Lyon à la manœuvre sur ce texte.

Thomas Dossus, sénateur Vert du Rhône, soupire quand on l’interroge sur le pourquoi du calendrier : « C’est une réforme pour les outsiders de Paris ». Pour lui, LFI et le RN espèrent abaisser la prime majoritaire à 25% (au lieu des 50% actuels qui assurent une énorme majorité à la liste arrivée en tête au deuxième tour), pour récupérer une partie des conseillers municipaux que le camps majoritaire (le PS d’Anne Hidalgo allié aux Verts) n’aurait plus.

Du côté de Marseille, il semble que le maire actuel (d’abord 1er adjoint de Michèle Rubirola, transformé en maire à la surprise générale 6 mois après les élections) soit également favorable à une réforme pour d’obscurs raisons sans doute liées aux scores très élevé du RN dans certains secteurs marseillais. Au final, avec une prime majoritaire à 25% au lieu de 50% dans tout le reste de la France, on peut dire adieu au vœu présidentiel de faire rentrer dans le droit commun PLM.

Un cas lyonnais à amender

Les choses sont pires à Lyon où, en même temps que les élections des conseils d’arrondissements, il faudrait maintenant élire le conseil municipal en plus du conseil métropolitain. Sandrine Runel a tenté de sortir Lyon de ce projet de réforme en déposant des amendements mercredi dernier en commission des lois. Ils ont été repoussés.

La bataille va reprendre ce lundi et peut-être mardi. Thomas Dossus avait pris les devants avec une proposition de loi déposée il y a quelques mois. Présent lui aussi à l’inauguration de la placette des Tchécoslovaques vendredi, le sénateur écologiste détaille sa stratégie : « Depuis 1982 on n’a pas modifié le nombre de conseillers d’arrondissement alors que l’équilibre en population des arrondissements a beaucoup évolué. L’idéal serait qu’on utilise cette loi PLM pour rééquilibrer et qu’on remette la modification du mode de scrutin à 2033 ».

Si cela s’avère impossible Sandrine Runel va défendre un amendement destiné à lutter contre le risque principal du texte en préparation : d’un côté des élus à la ville, de l’autre des élus d’arrondissement, les uns et les autres isolés dans une absence de dynamique que le scrutin actuel permet d’éviter. Dans son amendement (en plus du retour de la prime majoritaire à 50%), chaque bulletin devra comporter à la fois les noms des candidats d’arrondissements et ceux des candidats à la ville pour permettre à l’électeur de faire le lien. Potentiellement un bulletin avec 220 noms pour les arrondissements et 73 pour le conseil municipal.

Suite des débats dans l’après-midi en séance à l’Assemblée Nationale.

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