C’est en ce début du mois de mai que la vingtaine de locataires pourra intégrer le premier habitat participatif locatif social de Marseille, à Saint-Mauront (3e). Dominique, Mounira, Marion, Bruno et une quinzaine d’autres vont intégrer leur nouveau nid, implanté au numéro 12 de la rue Jullien : un ensemble immobilier dont la totalité des douze logements est ouverte à la location sociale. Les prix des loyers, les plus faibles sur le marché, s’élèvent entre 5 et 7 euros le m². Une première à Marseille.

Le premier habitat participatif de Marseille s'installe à Saint-Mauront.Le premier habitat participatif de Marseille s’installe à Saint-Mauront. / Photo Laura Vaillant

Les futurs habitants attendent donc avec impatience d’investir les douze appartements allant du T1 au T5, dont un destiné à l’insertion par le logement, deux chambres d’amis communes, une buanderie partagée et un salon commun sur le toit… « Avec les habitats participatifs, les habitants se sentent vraiment chez eux, s’approprient complètement le lieu, avance Paola Hartpence, responsable du sujet pour l’association Habitat participatif France. Il y a une répartition des tâches mais également une réduction des charges financières. »

Plus de 40% des logements de ce type, en cours de production, sont portés par des organismes HLM. C’est le cas des Habeilles qui, face à des difficultés de financement, ont renoncé à l’autopromotion. Lancée en 2010 lorsque l’établissement public foncier Paca décide de réserver un terrain pour de l’habitat participatif à Saint-Mauront, l’idée fait sensation auprès d’un groupe d’habitants, qui se constitue un an plus tard en collectif.

Ses nouveaux occupants investiront les Habeilles au tout début du mois de mai.Ses nouveaux occupants investiront les Habeilles au tout début du mois de mai. / Photo Laura Vaillant

En juin 2014, le collectif obtient un permis de construire avec l’idée de former un habitat participatif en location sociale. Mais le projet n’aboutit pas : un premier bailleur, Pact 13, se saisit du dossier avant de jeter l’éponge. L’essaim ne se décourage pas, comptant bien faire son nid. « De l’idée de base, il ne reste plus personne », explique Dominique Damo. En 2016, la Ville de Marseille soutient le collectif et l’accompagne dans un partenariat avec le bailleur social Grand Delta Habitat, déployé dans huit départements et assurant le logement de plus de 41 000 personnes.

« S’entraider et retrouver une famille”

Si celui-ci a nécessité une douzaine d’années de gestation, un projet d’habitat participatif voit normalement le jour « en trois ou quatre ans », explique Paola Hartpence. Incompréhensions administratives, crise du Covid et augmentation des prix des matériaux avec le conflit ukrainien ont repoussé la fin des travaux. Mais au fil des ans, l’essaim a tout de même su faire corps. « Ce temps-là est nécessaire pour construire le collectif, estime la responsable du programme dans les quartiers populaires. Il permet de se renforcer, de se rencontrer, de commencer à travailler sur la charte du groupe, de réfléchir à ce qui sera fait dans les locaux communs. »

Les Habeilles – du nom du collectif – ne vivent pas encore sous le même toit, mais imaginent déjà la suite. Bruno Musmeaux, ancien habitant du 14e arrondissement, est hébergé chez des amis depuis quatre ans « à droite et à gauche ». Pour lui, intégrer un habitat participatif est synonyme de convivialité : « Je vais être entouré de voisins que je connais et apprécie déjà. » Un avis que partage Mounira Hannachi, ‘Habeille’ depuis 2024 seulement et habitante du 13e arrondissement : « C’est aussi s’entraider et retrouver une famille. »

Une famille constituée de foyers divers, avec des mères et pères isolés, des familles nombreuses ou encore des retraités. Le 12 rue Jullien rassemblera des habitants de cinq nationalités, dont le point commun est le mal-logement. « Nous sommes nombreux à vivre dans des passoires thermiques, confie Dominique Damo, Habeille depuis 2014 actuellement habitant de la Belle-de-Mai (3e). L’habitat participatif est une solution pour accéder à des logements décents, à un prix décent. »

« Faire de Marseille la capitale de l’habitat participatif populaire »

À Saint-Mauront, les Habeilles s’attacheront à tisser un lien avec les habitants, en tenant à leur disposition deux salles polyvalentes. Une initiative appréciée par Habitat participatif France, qui souhaite la valoriser et la multiplier dans les quartiers les plus défavorisés. L’association entend, avec les Habeilles, « faire de Marseille la capitale de l’habitat participatif populaire ». Et promet de faire des émules notamment à la Belle-de-Mai ou à Noailles, où elle espère « renforcer les dynamiques existantes » pour créer des immeubles participatifs avec des locaux associatifs en rez-de-chaussée.

Le deuxième habitat participatif de Marseille ouvrira en 2025

Débuté en 2011, un second projet d’habitat participatif verra le jour en 2025 à Marseille, à l’Estaque (16e). Ses habitants devraient intégrer les logements d’ici la fin de l’année. À la différence des Habeilles, il est voué à l’accession à la propriété grâce au PSLA (prêt social location accession). « Ce sera dans un quartier où il y a pas mal de dynamiques associatives et culturelles, explique Ludovic Parenty, coordinateur chez Habitat participatif France et futur habitant de l’ensemble immobilier. On aura aussi une chambre d’amis partagée, un petit atelier ou un jardin collectif. » Dans les 12 logements, la moitié des locataires sera composée de familles avec de jeunes enfants, l’autre moitié de familles monoparentales, de personnes seules et de personnes âgées. La « logique intergénérationnelle » est mise en avant.