Encore un retour de bâton. Les principales entreprises du secteur numérique aux Etats-Unis sont contraintes d’adapter leurs modèles pour limiter les pertes liées aux droits de douane imposés par le président américain Donald Trump. Si toute importation sur le sol américain est désormais surtaxée à hauteur de 10 %, les envois en provenance de Chine sont quand à eux ciblés par des tarifs douaniers de 145 %. Certes, pour certains produits, comme les smartphones et les ordinateurs, ce taux a été abaissé à 20 % après un rétropédalage de l’administration américaine. Mais l’impact sur l’économie de ces mastodontes de la tech reste considérable, y compris dans des domaines indirectement concernés par ces mesures.

Un exemple précis ? Le cas des revenus publicitaires tirés par les plateformes comme Meta, Google ou Snapchat, lésés par la reconfiguration commerciale en cours. Car côté chinois, les deux géants de l’e-commerce Temu et Shein, au fort succès outre-Atlantique avant les mesures douanières de Washington, ont dû revoir leurs ambitions sur le marché américain lorsque, début avril, Donald Trump a signé un décret pour mettre un terme à l’exemption douanière qui était jusqu’alors accordée aux petits colis d’une valeur de moins de 800 dollars venus de Chine.

Des recettes publicitaires qui diminuent drastiquement

Conséquence : les deux marques ont largement augmenté leurs prix, s’éloignant de sa promesse de bon marché. La semaine dernière, Bloomberg a mené une analyse sur le prix des « 100 principaux produits beauté et santé » commercialisés par Shein. Le calcul du média américain conclut à une hausse de 51 % du montant de ce panel d’articles. Certaines références proposées ont même connu une augmentation de leur prix atteignant 377 %, selon la même source. De son côté, Temu tente de compenser les surtaxes américaines en faisant payer à ses clients des « frais d’importation » sur leurs envois. Une porte-parole de la marque a par ailleurs indiqué au New York Times que l’entreprise était en train de remodeler le parcours d’expédition de ses colis aux Etats-Unis. Les produits commandés par un client du pays devraient bientôt être envoyés depuis un entrepôt américain, et non plus directement depuis la Chine.

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Evidemment, tout cela a son lot de répercussions sur le monde de la tech américaine, grande bénéficiaire de la stratégie publicitaire des deux entreprises chinoises : cibler le consommateur américain à la recherche des bons plans les moins chers, puis le bombarder d’un marketing agressif sur Facebook, Instagram, YouTube ou encore Snapchat. La manne financière représentée par les espaces de publicité vendues aux deux géants chinois sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux était jusqu’ici colossale.

7 milliards de dollars de recettes en moins attendues pour Meta

Mais avec la guerre tarifaire de Donald Trump, difficile pour les acteurs chinois de l’e-commerce de maintenir leur offre initiale. Face à cette pression commerciale toujours plus accrue, Shein et Temu ont choisi de diminuer drastiquement leurs dépenses publicitaires sur ce territoire. Avec des conséquences déjà très concrètes pour la Big Tech : d’après la société d’analyse Sensor Tower, Temu a réduit durant les deux premières semaines d’avril de 31 % ses achats marketing auprès de Facebook, YouTube, Instagram, TikTok, X et Snapchat. Pour Shein, cela représente une baisse de 19 % sur la même période. Citée par le New York Times, l’agence de marketing Tinuiti rapporte d’autre part que les deux entreprises chinoises ont aussi presque disparu des annonces de Google Shopping durant le mois d’avril. Jusque-là, elles correspondaient à plus d’un tiers de l’ensemble des publicités présentes sur le portail.

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D’après un rapport de l’institut de recherche Moffett Nathanson, relayé par CNBC, les publicités achetées à Meta par des entreprises chinoises constituaient en 2024 18,35 milliards de dollars de revenus, soit 11 % du total des revenus de la plateforme. Selon l’analyse de ces experts, le groupe qui possède Facebook, Instagram et WhatsApp pourrait donc connaître une perte de 7 milliards de dollars. « L’importance de la Chine pour les activités de Meta ne saurait être surestimée », estiment-ils dans leur texte. Une potentielle récession de l’économie pourrait même entraîner des conséquences encore plus graves pour la multinationale de Mark Zuckerberg. Il pourrait alors perdre dans ce scénario jusqu’à « 23 milliards de dollars » en recettes publicitaires. Sans fournir plus de détails, Google et Snapchat ont aussi annoncé attendre des effets négatifs dans ce domaine dans les prochaines semaines.

Ces difficultés s’ajoutent à des pertes déjà attendues pour de nombreux géants de la Silicon Valley. Apple a par exemple annoncé qu’il accuserait environ 900 millions de dollars de pertes au second trimestre 2025 à cause des droits de douane américains. Le concepteur des iPhone, qui sous-traite énormément en Asie, reporte déjà une partie de sa production de smartphones destinés au marché américain de la Chine vers l’Inde pour limiter l’influence des surtaxes. Même démarche pour la chaîne d’approvisionnement d’autres articles célèbres de la marque, comme les iPad ou les AirPods, qui sera déplacée des frontières chinoises vers le Vietnam, a précisé le PDG d’Apple, Tim Cook.