Par
Jessie Leclerc
Publié le
4 mai 2025 à 18h06
Depuis plus de dix ans, l’Ehpad des Aubépins à Maromme (Seine-Maritime), près de Rouen, réinvente la vie en maison de retraite. Elle possède de véritables commerces accessibles à tous, au-delà des seuls résidents : coiffeuse, couturière, brasserie et même une fleuriste installée depuis tout juste un mois. Chaque commerce possède une porte vers la rue d’un coté et une autre vers l’intérieur de l’établissement de l’autre. En France, l’Ehpad est pionnier en la matière.
Un concept unique un France
Nul doute que le concept interpelle. Ce village dans l’Ehpad est né il y a plus de 10 ans, de l’initiative de Marie-Pascale Mongaux-Masse, directrice de la résidence. « Elle est allée au Québec et a vu qu’il y existait quelque chose de similaire », indique Anne-Flore Berthelot, directrice adjointe.
Soutenu par la municipalité, le projet atypique a vu le jour en 2013. La résidence est propriétaire des murs et gère elle-même deux commerces : la brasserie et le coin couture. Pour ce qui est de la fleuriste et de la coiffeuse, elles sont indépendantes et louent les locaux.
Ces services bénéficient aux 80 résidents, ou plutôt aux « habitants », comme les nomme la directrice adjointe, mais aussi à n’importe quel passant. Pour elle, « c’est très important cette ouverture ».
Quand on ne peut plus aller à la cité, c’est la cité qui vient à nous. Les personnes âgées ne peuvent plus toutes se déplacer, mais là, elles peuvent continuer d’aller en ville.
Anne-Flore Berthelot
Directrice adjointe de la résidence des Aubépins
Anne-Flore affirme que cette initiative permet de « changer le regard sur le grand vieillissement et les idées reçues sur les Ehpad ». Selon elle, « dans les commerces, toutes les générations se croisent et les personnes âgées se sentent ainsi encore intégrées dans la société ».
Redonner toute leur place aux aînés
Les résidents sont ravis de la présence de ces commerces. Nous en avons rencontré trois d’entre eux. Michel, Mauricette et Monique. Le trio inséparable, surnommé « les 3 M », se rend régulièrement dans chacune des boutiques.
Mauricette, 81 ans, résidente et présidente du conseil de la vie sociale de l’établissement, s’enthousiasme : « C’est vraiment super. C’est quelque chose de nouveau qui amène de la vie ».
Monique (à gauche), Mauricette (au centre) et Michel (à droite) sont heureux de trouver des commerces dans leur Ehpad. (©JL/76actu)
Monique, 86 ans, est du même avis : « La première chose que j’ai envie de dire, c’est qu’ici, c’est un lieu de vie. Avec les commerces, on se déplace, on échange. Et des gens de Maromme viennent là, je trouve ça vraiment bien. »
Les personnes âgées font partie de la société. On isole souvent les Ehpad en extérieur des villes, mais on a besoin de vie, comme ici.
Monique
Résidente aux Aubépins.
Michel, 91 ans, ne dit également que du bien de cette initiative. « C’est très agréable d’avoir ça. »
« On parle toujours des Ehpad qui ne fonctionnent pas, mais jamais de ceux qui marchent bien. Il faudrait que toutes les maisons de retraite soient comme la nôtre », espère Mauricette.
Un atelier de couture
Aux Aubépins, chaque commerce a du sens. Linda, couturière, connaît bien le milieu : « J’étais soignante dans une maison de retraite. Je reprenais les vêtements des résidents. Puis on m’a proposé de reprendre cet atelier ».
Avec 80 % de sa clientèle venue de l’extérieur, sa boutique est un point de rencontre intergénérationnel. « Les résidents voient les gens de l’extérieur, c’est du partage. »
Une coiffeuse
Même chose pour Vanessa, 47 ans, coiffeuse sur place depuis 12 ans. « Les résidents se retrouvent avec les autres clients et ont l’impression de vivre comme avant. »
Sonia est justement une cliente extérieure. « Je viens ici tous les mois et j’aime beaucoup », confie-t-elle.
Dans ce salon, nous retrouvons la coquette Mauricette qui passe prendre rendez-vous. « C’est important de prendre soin de soi », dit-elle. Michel, qui n’a plus grands cheveux sur la tête plaisante, « moi aussi j’ai fait une permanente », sourit-il.
Une brasserie
Les résidents aiment aussi beaucoup la brasserie du village. Elle propose des plats préparés maison par un chef, avec un menu complet : deux entrées, deux plats, deux desserts. Résidents, familles et habitants s’y croisent.
« On utilise des produits locaux et frais. Et les plats proposés sont les mêmes que l’on sert chaque jour aux personnes âgées », affirme la direction.
Le dernier né : une fleuriste
Vanessa, 40 ans, a ouvert dans la résidence il y a un mois. « Il n’y avait plus de fleuriste à Maromme. Quand j’ai eu l’opportunité d’ouvrir ici, j’ai trouvé ça extra », raconte-t-elle. Et les affaires tournent bien : « Pour le 1er mai j’ai vendu mes 350 brins de muguet et j’ai dû fermer à 12h30, car je n’en avais plus ».
Avant son arrivée, c’est un salon d’esthétisme qui occupait le local. En un mois, les résidents se sont bien approprié la nouvelle boutique. « Ils offrent des cadeaux à leur famille et à eux-mêmes », explique la directrice adjointe. Michel passe très souvent voir Vanessa. « Il y a du choix, de belles fleurs et la vendeuse est au top », sourit Michel, heureux de s’être lié d’amitié avec elle.
Un client extérieur passe la porte. Jacques est de passage sur Maromme. « Je cherchais une fleuriste et je suis tombée sur elle par hasard, avance le passant. Je ne me doutais pas que c’était aussi accessible depuis l’Ehpad et c’est une très bonne idée ». Et d’ajouter : « J’en parlerai autour de moi ».
Prochainement, la fleuriste va également travailler au réaménagement du jardin de la résidence avec ses fleurs invendues.
Les résidents ne voient plus l’Ehpad sans ces précieuses boutiques : « C’est merveilleux, et on vous assure que l’on n’a pas été payé pour dire ça », rigole Mauricette.
Les quatre commerces sont à retrouver au 16 rue de la République, à Maromme.
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