On la verra du monument aux morts à l’aéroport. « Une ligne d’horizon bleue qui va s’allumer comme un battement de cœur. Un gonflement durant 2 à 3 minutes lors du passage de cétacés, au large de Nice. » 

Emmanuel Régent, dessinateur, peintre et sculpteur azuréen, parle avec beaucoup d’émotion du concept artistique qu’il a imaginé pour la Biennale des arts et de l’océan, dans le cadre du sommet des Nations Unies sur l’Océan.

Du 5 mai jusqu’au mois d’octobre, chaque fois qu’une baleine ou un cachalot s’approchera des côtes niçoises, la digue du port de Nice se parera d’un bleu outremer.

L’artiste de 51 ans, vivant entre Paris et Villefranche-sur-Mer, sa ville natale – qui a fait les Beaux-Arts à Paris et a beaucoup appris dans l’atelier du grand sculpteur italien Giuseppe Penone – a la mer dans les cellules.

Il pratique la plongée en apnée, la pêche, participe au combat naval fleuri de sa commune.

Alors, quand Hélène Guenin et Jean-Jacques Aillagon, co-commissaires de la biennale, soutenue par la Ville de Nice, ont demandé à Emmanuel de réfléchir à une œuvre pour la biennale et la conférence sur l’Océan, le plasticien a plongé dans son inspiration la plus profonde.

Un dispositif scientifique

Depuis octobre 2024, il planche sur le sujet. Mettre au point 200mètres de ligne lumineuse, installée depuis le phare sur la façade sud/ouest de la digue, n’est pas une mince affaire.

Il raconte: « J’ai travaillé avec l’association Miraceti, qui regroupe des scientifiques engagés dans la préservation des cétacés et avec un informaticien qui a élaboré Repcet, un système de repérage en temps réel des cétacés pour éviter une collision fatale entre eux et les navires. Il s’agit d’un logiciel semblable à un dispositif satellite sous l’eau, équipant des bateaux partenaires, dont certains sont amarrés au port de Nice ou passent dans les environs. »

En fait, l’artiste a adapté son idée à un système précieux qui existe déjà: le cétacé arrive, le signal de son approche se répercute sur la digue qui le transforme alors en ligne lumineuse bleue, visible évidemment de nuit, mais également de jour par temps gris.

« C’est totalement aléatoire, car si aucun cétacé ne s’approche, rien ne se passera. »

Deux tonnes de matériel

La complexité du chantier rajoute à l’énormité poétique du concept: « Tout doit résister au sel, à l’eau. Il y a 2 tonnes de matériel, dont des équerres géantes en inox et une ligne de LED. Ensuite, il a fallu obtenir des autorisations de la préfecture, de la capitainerie du port, de l’aéroport… »

Mais cela valait le coup pour « émerveiller, rendre visible et mettre en valeur l’invisible et l’aléatoire ».