La frégate légère furtive (FLF) Courbet fait l’objet depuis plus de deux mois d’un arrêt technique majeur (ATM) dans la base navale de Toulon. Ce passage en cale sèche et les nombreux travaux effectués à bord vont permettre de redonner du potentiel au bâtiment, appelé à naviguer au-delà de 2030. Mer et Marine a pu monter à bord pour évoquer notamment, avec le commandant du Courbet, l’essai de choc survenu juste avant le début de cet ATM. L’occasion, également, de dresser un premier bilan des nouvelles capacités offertes par la rénovation du bâtiment il y a quatre ans.
Le 25 février, au large de Toulon, le Courbet affrontait une puissante explosion sous-marine. Un essai de choc, destiné à évaluer la robustesse du bâtiment et de ses équipements. Il s’agissait du premier test du genre organisé par la Marine nationale et la Direction Générale de l’Armement (DGA) depuis celui encaissé par le La Fayette, en septembre 1995, quelques mois avant sa mise en service (la première FLF avait été confrontée à l’explosion d’une charge de 250 kg de TNT placée à 40 mètres de profondeur).
L’essai de choc survenu le 25 février au large de Toulon.
« Comme si le bateau avait pris une grande claque »
Dans cette optique, une mine navale, immergée à une quinzaine de mètres de profondeur par des plongeurs-démineurs, a été déclenchée au passage du Courbet, qui a subi la déflagration par le travers, sur tribord. L’explosion est survenue à un peu plus de 100 mètres du bâtiment, qui était alors en route à faible vitesse (8 noeuds). « Ce fut une expérience assez impressionnante quant à l’effet en lui-même, avec un bon bruit et une bonne puissance, comme si le bateau avait pris une grande claque. Mais on a constaté que le ressenti était différent selon les endroits. Les marins, suivant le lieu où ils se trouvaient, l’ont perçu de manière plus ou moins forte », explique à Mer et Marine le capitaine de frégate Jérémy Monastier, commandant du Courbet.
Le CF Jérémy Monastier, commandant du Courbet.
Alors que la frégate s’est légèrement soulevée suite à cette puissante déflagration survenue près d’elle, le pacha se souvient de son premier réflexe : « juste après, la première question a été : est-ce qu’on a toujours la barre et les machines ? Et tout fonctionnait normalement ». Le bâtiment n’a, au final, subi que très peu de casse, « que des choses très mineures », dit le commandant, qui évoque une caisse métallique extérieure servant au stockage de cartouches de l’artillerie secondaire qui s’est déformée, ou encore un écran d’ordinateur (modèle du commerce non renforcé) brisé en passerelle.
La caisse à munitions déformée par l’explosion.
Quant aux collecteurs, qui présentaient quelques soucis et avaient bénéficié d’une grande campagne de raccordement avant l’essai de choc, ils n’ont pas lâché.
Le Courbet début 2024.
Le Courbet début 2024.
Éprouver la résistance des systèmes installés pendant la rénovation
Préalablement à l’essai, pour lequel le Courbet a été choisi l’été dernier du fait que le bâtiment allait passer en arrêt technique majeur (ce qui facilitait sa préparation), un certain nombre d’équipements avaient été débarqués. Cela a été le cas du radar principal DRBV-15C, la conduite de tir (CT) de l’artillerie, le système de communication par satellite Syracuse IV (toutes les FLF étant aujourd’hui à ce standard), ainsi que l’un des deux systèmes surface-air à courte portée Sadral installés lors de la rénovation du bâtiment en 2020/2021, en remplacement de l’ancien système Crotale.
Le Courbet peu après son essai de choc et juste avant son entrée au bassin. On y voit les équipements préalablement débarqués.
« L’essai de choc réalisé en 1995 avec le La Fayette a été considéré comme toujours représentatif pour des équipements comme le radar et la conduite de tir, qui l’avaient subi à l’époque. Il n’y avait donc pas d’intérêt de prendre le risque de les endommager. Ce qui était important avec l’essai que nous avons mené, c’était de tester la résistance au choc des nouveaux équipements installés pendant la rénovation. Nous avions notamment notre nouveau sonar de coque à poste et notre nouveau système de combat en fonction. Au final, tous les équipements neufs ont tenu ». Par mesure de précaution, comme il y en a deux à bord, le seul équipement nouveau à avoir été retiré fut l’un des deux SADRAL, ainsi que sa console au Central Opérations (CO).
Une mise en situation réelle pour aguerrir les marins
Comme le rappelle le CF Monastier, le principal objet de cet essai de choc était d’abord de « tester la résistance du bâtiment et surtout de ses équipements ». Mais l’officier souligne qu’il y avait un deuxième objectif, humain celui-ci : « Un tel essai contribue à l’aguerrissement de l’équipage. Nous nous entrainons énormément mais on a rarement l’occasion de ressentir physiquement un évènement extérieur. Il y a là un aspect psychologique et quand on s’est approché de l’essai, il y avait chez certains un peu d’inquiétude. Mais on a pu constater tout l’effet de l’entrainement, avec une rigueur exceptionnelle dans les mesures prises et les postures dans une telle situation. Par la suite, évidemment, tout le monde a échangé sur les effets ressentis et les retours ont été variés, certains ont trouvé cela très impressionnant, d’autres moins… » Désormais, tous les marins du Courbet savent en tous ce que cela fait d’être sur un bateau au moment où une mine explose à proximité. Et peuvent imaginer ce cela pourrait être si la détonation était encore plus proche. En cela, l’essai de choc s’inscrit dans le cadre de la démarche Polaris de la Marine nationale, qui vise à préparer ses unités aux combats de haute intensité via des entrainements les plus réalistes possible.
La DGA et les industriels impliqués
Dans cette perspective, l’équipage du Courbet était évidemment préparé : « Quand on évolue dans une zone avec une menace mine, nous adoptons des dispositions particulières, ce que nous avons fait pour l’essai. L’équipage était au poste de combat et a assuré, comme à l’entrainement, et comme ce serait le cas au combat, toutes les actions et vérifications nécessaires ». L’essai a par ailleurs été monitoré, la DGA ayant placé à bord différents capteurs, dont des accéléromètres, ce qui permet non seulement de mesurer les effets directs, mais aussi, en fonction du facteur de charge, de la puissance et de la distance de l‘explosion, d’extrapoler d’autres résultats. Les industriels étaient aussi impliqués dans la préparation et la vérification du bon état des systèmes après l’essai, à commencer par Naval Group, qui a conçu et réalisé les FLF, dont il assure la maintenance du système de combat, ainsi que les Chantiers de l’Atlantique, en charge du maintien en condition opérationnelle (MCO) des cinq frégates de ce type. Le motoriste MAN était également de la partie, les quatre moteurs principaux du Courbet ayant été eux aussi instrumentés pour l’occasion.
Au-delà des équipements, mesurer la résistance de la structure
Les résultats de l’essai de choc sont donc considérés comme très satisfaisants par la marine et la DGA, sachant qu’en plus des nouveaux équipements, il était intéressant de mesurer les effets de l’explosion sur la structure du bâtiment alors que les FLF ont pris du poids depuis leurs premières années de carrière. Le déplacement a, d’ailleurs, encore été accru de 80 tonnes pour les trois frégates rénovées entre 2020 et 2023, avec en plus du Courbet le La Fayette et l’Aconit, ces trois unités ayant été respectivement mises en service en 1997, 1996 et 2001. Les deux autres FLF, les Surcouf (1997) et Guépratte (2001) n’ont bénéficié que d’une rénovation plus succincte, qui leur permettra de naviguer au moins jusqu’à leur trentième anniversaire (la durée de vie a été portée à au moins 35 ans pour les autres).
Le Guépratte, qui à l’instar du Surcouf a conservé son système Crotale, deux lanceurs manuels Simbad (2×2 missiles Mistral) ayant cependant été ajoutés.
Quelles évolutions pour ce premier ATM depuis la rénovation ?
Le Courbet connait d’ailleurs, dans la zone des bassins Vauban, son premier arrêt technique majeur depuis sa rénovation, pilotée par Naval Group entre octobre 2020 et juin 2021. Alors que les frégates de ce type bénéficient chaque année d’un arrêt technique intermédiaire de deux mois, les ATM sont quinquennaux. Celui-ci va durer quatre mois et comprend des centaines de lignes de travaux pour assurer la maintenance des équipements et certaines opérations de modernisation et mises à jour. Plusieurs centaines de personnels sont mobilisées sur ce chantier, ainsi que l’équipage du Courbet, qui dispose de locaux à proximité de la forme où le bâtiment est en cale sèche. Parmi les travaux entrepris, il y a une révision complète des quatre moteurs de propulsion, des SEMT-Pielstick de 5250 cv chacun permettant à la frégate d’atteindre la vitesse de 25 nœuds. De nombreuses modifications sont aussi prévues dans le domaine des systèmes d’information et de communication (SIC). Ainsi, le Courbet va disposer de la nouvelle liaison de données tactique L22, alors que la chaîne radio est en partie refaite, avec le remplacement en mâture des émetteurs UHF (le Courbet était la dernière FLF à disposer des anciennes couronnes, ce qui pour un œil averti en faisait un élément d’identification). En matière de communications satellitaires, le système Syracuse IV est mis à jour et la frégate va recevoir un système civil complémentaire avec l’intégration d’un segment OneWeb d’Eutelsat. Toute la coque est par ailleurs nettoyée et le bâtiment sera entièrement repeint, perdant au passage son numéro de coque alors que son nom sera effacé, dans le cadre de la stratégie d’anonymisation de la flotte de surface française. Le Courbet était d’ailleurs la dernière FLF à arborer encore nom et numéro. La frégate devrait être remise à l’eau au mois de juin et, après la poursuite des travaux à quai durant un mois, reprendra la mer, d’abord pour des essais post-chantier puis dans le cadre de son entrainement en vue de son retour dans le cycle opérationnel au second semestre.
Le Courbet en cale sèche aux bassins Vauban.
Diaporama
La frégate Courbet en cale sèche aux bassins Vauban, à Toulon, dans le cadre de son premier ATM depuis sa rénovation.
La passerelle du Courbet. La principale évolution lors de la rénovation fut l’ajout de deux écrans pour le report de la situation tactique.
L’avant du Courbet, avec devant la passerelle un espace conservatoire qui avait été initialement prévu pour l’intégration de lanceurs verticaux.
Une réfection du CO et un nouveau système de combat très appréciés
Bientôt quatre ans après la fin de sa rénovation, le Courbet a en tous cas toujours fière allure et ses nouvelles capacités sont manifestement très appréciées. Le commandant Monastier évoque d’abord la réfection du CO, doté de nouvelles consoles et l’intégration d’un nouveau système de combat, dérivé du SENIT équipant le porte-avions Charles de Gaulle. « C’est sans doute la plus grande réussite de cette rénovation. Le système de combat fonctionne très bien et les interfaces sont faciles d’utilisation. Nous avons aussi une table traçante numérique qui est extrêmement appréciée, en particulier en matière de lutte antinavire et anti-sous-marine, mais aussi pour les briefs des manœuvres aviation ». Ce CO comprend un nouveau module dédié à la lutte anti-sous-marine, capacité dont les FLF étaient initialement dépourvues, ce qui était devenu un handicap à l’heure de la prolifération des menaces sous la surface de l’eau.
Le CO du Courbet.
Le CO du Courbet.
Nouvelles capacités anti-sous-marines
Dans le cadre de la modernisation, un sonar de coque KingKlip Mk2 de Thales a été ajouté, ainsi que deux lance-leurres anti-torpilles Canto de Naval Group. Le sonar retenu est le même que celui qui a été choisi pour les nouvelles frégates de défense et d’intervention (FDI), appelées à succéder aux FLF. « C’est une nouvelle capacité très appréciable que nous exploitons en permanence en mission, où le sonar est toujours en fonction. Cela nous donne un capteur de plus et une capacité de lutte sous la mer, tout en permettant d’acquérir du retour d’expérience pour les FDI », explique le commandant du Courbet, qui confirme avoir déjà pu suivre des contacts sous la surface de la mer grâce au KingKlip Mk2. On notera que celui-ci dispose, en plus de sa vocation principale de détection de sous-marins, d’une fonction d’alerte torpille, grâce à laquelle les Canto, ainsi que le système Contralto (qui gère le déploiement des leurres et propose des manœuvres évasives adéquates) intégré au système de combat, peuvent être mis en œuvre.
Le sonar de coque KingKlip Mk2 installé sur le Guépratte.
L’un des deux lanceurs pour leurres anti-torpilles Canto installés sur le Courbet.
Grâce à cette nouvelle capacité ASM, la Marine nationale peut désormais déployer régulièrement ses FLF rénovée en Atlantique et en Europe du Nord. Cela a été le cas l’été dernier pour le La Fayette, c’est le cas en ce moment pour l’Aconit et ce sera sans doute le cas, après son ATM, pour le Courbet.
Dernière version des Exocet et ajout de lanceurs Sadral
En matière d’armement, suite à la rénovation, le Courbet peut embarquer la dernière génération du missile antinavire Exocet, le MM40 Block3C (mis en service en 2024), dont la frégate peut emporter 8 exemplaires dans deux rampes quadruples.
En matière d’autodéfense contre des cibles aériennes, le vieux Crotale (Thales) d’origine a donc été débarqué, deux Sadral, lanceurs automatiques sextuples dotés de missiles Mistral, étant installés sur le toit du hangar (leurs deux consoles étant installées au CO en lieu et place de celle du Crotale). Ces systèmes, prélevés sur d’anciennes frégates du type F70 désarmées, ont été remis à niveau par MBDA et dotés de la dernière version du missile, le Mistral 3. Certes, son allonge (8 km maximum) est moindre que celle du Crotale VT1 (13 km) mais le missile à courte portée de MBDA emploie des technologies plus modernes. Il a notamment été doté d’un nouvel autodirecteur infrarouge et d’algorithme permettant de mieux discriminer les cibles, en particulier pour lutter contre des attaques saturantes de drones aériens. Une vraie plus-value dans le contexte actuel. De plus, chaque lanceur Sadral étant doté de six Mistral, la frégate dispose ainsi de 12 missiles prêts à tirer, contre 8 sur l’ancien Crotale, dont les VT1 étaient asservis à la conduite de tir de leur lanceur (avec un guidage par alignement et explosion du missile via une fusée de proximité). Là où les Mistral sont du type « fire and forget », c’est-à-dire qu’ils sont autonomes une fois lancés pour tracker leur cible. Il est donc possible, dès lors, de faire face immédiatement à une attaque saturante provenant de plusieurs directions. Enfin, les nouveaux Mistral 3 ont également une capacité de lutte contre de petits mobiles de surface rapides, typiquement des embarcations suicides.
Le lanceur Sadral de bâbord et, en dessous, les trappes d’échappement de l’ancienne soute à missiles Crotale.
Le plus puissant canon de la flotte
L’autodéfense des FLF rénovées y a donc clairement gagné avec cette évolution, sachant que les frégates ont par ailleurs conservé leur redoutable tourelle de 100 mm. « Le plus gros canon de la flotte », rappelle le pacha du Courbet, faisant référence au fait que les nouvelles frégates de premier rang de la Marine nationale sont équipées, en artillerie principale, d’une pièce de 76 mm de l’Italien Leonardo. Les tourelles françaises de 100 mm, qui étaient produites par le site Naval Group de Ruelle, en Charente, ne sont autrement plus employées que par les frégates de surveillance (FS) du type Floréal et les derniers patrouilleurs de haute mer (PHM, ex-avisos) encore en service. Les FLF disposent du modèle le plus récent et le plus puissant de cette famille de canons, le 100 TR, offrant une cadence de tir de 120 coups par minute, avec une portée maximale de 8 km contre des buts en surface et 5 km en antiaérien. Ce canon très précis et efficace est couplé à une conduite de tir multi-capteurs, notamment radar.
Le Courbet avec sa tourelle de 100 mm à l’avant.
Le radar conservé mais les moyens optroniques remplacés
Pour la surveillance, le radar DRBV-15C d’origine a été conservé, alors que l’optronique a été améliorée avec l’intégration de deux systèmes, en l’occurrence des Sea Eagle FCRO de Chess Dynamics, l’un installé vers l’avant, sur la mâture, et l’autre vers l’arrière au-dessus du hangar. Des outils très précieux pour l’identification optique de cibles et le recueil d’imagerie pour le renseignement. La frégate est également dotée de différents moyens de guerre électronique (intercepteurs d’émissions radars et de communications, brouilleurs amovibles) et de deux lance-leurres antimissiles Dagaie (Safran) déployant des mortiers électromagnétiques et infrarouges fournis par Lacroix.
Remplacement d’un des deux bossoirs
Parmi les autres évolutions intervenues durant la rénovation, on notera le remplacement de l’un des bossoirs des deux niches latérales par un système monopoint (sur tribord), plus facile et sécurisant pour la mise à l’eau et la récupération de semi-rigides que l’ancien système bipoint, qui demeure dans la niche bâbord. On rappellera que ces niches, masquées par des rideaux afin de ne pas obérer la furtivité des FLF, ont la capacité à accueillir en temps normal une embarcation de drome opérationnelle de nouvelle génération (EDO NG) de 6.7 mètres du type ZH-630 de Zodiac Milpro. Mais elles peuvent aussi loger l’embarcation commando à usage multiple embarquable (ECUME) de 9 mètres des commandos marine. Une EDO supplémentaire est par ailleurs déployée depuis une rampe située derrière un panneau, à la poupe, alors que des portes de bordé facilitent les transbordements de personnel.
Le nouveau bossoir monopoint dans la niche tribord, ici masquée par le rideau en mailles destiné à ne pas obérer la furtivité du bâtiment quand il ne déploie pas ses semi-rigides.
Le bossoir à double point est resté à poste dans la niche bâbord.
Un hélicoptère à la disponibilité très élevée mais pas encore de drone aérien
Sur le plan aéronautique, le Courbet embarque habituellement un hélicoptère Panther, employé notamment pour la lutte antisurface (repérage de cible et désignation d’objectif). « C’est une excellente machine et son taux de disponibilité est très élevé, puisqu’il a été quasiment de 100% sur nos dernières missions, où le Panther a volé presque quotidiennement et une à deux fois par jour », souligne le CF Monastier. La frégate, dont la plateforme a été conçue pour accueillir une machine de plus de 11 tonnes, comme le NH90, en particulier pour les opérations spéciales, ne dispose pas encore de drone aérien embarqué. Mais, alors que le Guépratte et l’Aconit ont déjà testé plusieurs engins, l’ajout de cette capacité est à l’étude.
Le hangar hélicoptère du Courbet.
Le hangar hélicoptère du Courbet.
La plateforme hélicoptère du Courbet avec sa grille d’appontage et le système de manutention Samahé qui permet de guider l’appareil de manière sécurisée depuis et vers le hangar.
Les FLF et la révolution des frégates furtives
Armées par 150 marins, les FLF sont des bâtiments de 125 mètres de long pour 15.4 mètres de large dont le déplacement à pleine charge est d’environ 3800 tonnes. Offrant une autonomie très importante, leurs réserves de combustible leur permettant de franchir 9000 nautiques à 12 nœuds, ces frégates ont au départ été commandées pour succéder aux anciens aviso-escorteurs, destinés aux missions d’escorte tout en assurant la présence navale française dans les territoires ultramarins. Alors que cette dernière mission fut finalement attribuée aux six frégates de surveillance (FS) du type Floréal, les La Fayette ont été conçues pour de longs déploiements solitaires, à une époque où il convenait de contrer la menace croissante des missiles antinavire. Après la guerre des Malouines, en 1982, le conflit entre l’Iran et l’Irak (1986- 1988), qui voit des navires de commerce internationaux attaqués et les marines occidentales obligées d’assurer des escortes de pétroliers dans le golfe Arabo-persique et le détroit d’Ormuz, marque un tournant. Le besoin opérationnel pour les futures frégates est calqué sur le scénario de la guerre Iran-Irak. Comme il est hors de question de tirer en premier, il faut une plateforme qui soit extrêmement difficile à détecter à dont l’architecture maximise l’efficacité des leurres antimissiles, tout en étant capable d’encaisser des agressions. C’est ainsi que les La Fayette deviennent les premières frégates furtives, représentant une rupture en termes d’architecture navale et de combat en mer. Fini les passes latéraux découverts et les excroissances en tous genres, leurs lignes sont épurées au maximum, la plage avant est recouverte, les passes extérieurs éliminés au profit de coursives latérales internes (ce qui permet d’intégrer une double cloison). Une partie des superstructures, dont le hangar, les mâts et la partie supérieure de la plage avant sont réalisés en matériaux composites, ce qui permet d’absorber des ondes radar tout en gagnant du poids pour renforcer le blindage des zones critiques. Même la tourelle de 100 mm est spécialement redessinée pour être plus furtive, les formes et les émissions du DRBV-15C étant aussi optimisées pour en faire un radar très discret. Ainsi, la signature radar, mais aussi infrarouge des FLF est réduite au maximum, ces bâtiments établissant durablement de nouveaux standards en matière de furtivité. Non seulement pour évoluer discrètement en se faisant passer pour des unités bien plus petites, mais aussi en matière de lutte antinavire, l’adversaire n’imaginant pas, s’il détecte quelque chose avant d’être attaqué, avoir à faire à une frégate de cette taille dotée de missiles Exocet.
Trente ans après, ces qualités sont toujours là
Alors, bientôt trente ans après la mise en service du La Fayette et en tenant compte des progrès technologiques accomplis depuis, en particulier en matière de radars, ces frégates sont-elles toujours des modèles de furtivité ? « Oui, assurément », répond sans hésiter le commandant du Coubert. « La furtivité est une qualité intrinsèque de ces bâtiments et elles continuent de tenir la comparaison avec des unités plus modernes, c’est un constat. A chaque fois que l’on croise un bateau français, la distance à laquelle on nous prend au radar est toujours très satisfaisante », confie le CF Monastier. L’officier estime que cette furtivité est par exemple « une qualité très précieuse et utile pour les opérations spéciales, pour lesquelles, en plus d’être très discrets, nous sommes bien dimensionnés avec une grande plateforme hélicoptère et la capacité à déployer des embarcations commandos ». Et en matière de lutte antinavire ? « Ces frégates sont toujours redoutablement efficaces ».
Le capitaine de frégate Jérémy Monastier, commandant du Courbet.
Le Courbet intégré au groupe aéronaval en décembre dernier
Imaginées initialement pour œuvrer le plus souvent de manière indépendante, les FLF sont maintenant de plus en plus souvent intégrées dans des forces navales, à l’image par exemple de l’Aconit qui navigue actuellement, en mer Baltique, au sein du SNMG1 de l’OTAN. Le Courbet a quant à lui, lors de sa dernière mission en Méditerranée fin 2024, travaillé avec le groupe aéronaval (GAN) emmené par le Charles de Gaulle. C’était en décembre dernier, au moment du renversement du régime de Bachar el-Assad en Syrie. La frégate se trouvait alors en mission en Méditerranée orientale, contribuant à l’appréciation de la situation dans la zone, alors que le GAN venait de quitter Toulon pour la mission Clemenceau 25, débutant son déploiement par une séquence méditerranéenne avant de franchir Suez pour poursuivre en Indopacifique. Grâce aux évolutions apportées par la rénovation, en particulier en matière de système de combat et de transmissions ; avec par exemple la JRE (Joint Range Extension) en plus de la L11 et en attendant la L22 (avec laquelle tout le groupe aéronaval fonctionne désormais), le Courbet a pu parfaitement s’intégrer à l’escorte du porte-avions. « Les liaisons de données permettent d’assurer la connectivité et nous avons pu partager la situation tactique. Cette intégration au GAN s’est très bien passée et, même si cela a été de manière inopinée, on a été au rendez-vous, ce qui est une grande source de satisfaction pour tout l’équipage ».
De quoi rendre de précieux services jusqu’au début des années 2030
Ainsi, bien que moins puissamment armées (sauf en matière de lutte antinavire) et équipées que les récentes unités lourdes de la Marine nationale, frégates de défense aérienne (FDA) et frégates multi-missions (FREMM), mais aussi les FDI qui leur succèderont, les FLF constituent encore un bel atout en matière d’opérations navales. Et comme elles sont bien entretenues, la Marine nationale va pouvoir encore en profiter un certain nombre d’années, au moins jusqu’au début de la prochaine décennie.
© Un article de la rédaction de Mer et Marine. Reproduction interdite sans consentement du ou des auteurs.