Par
Cédric Nithard
Publié le
2 mai 2025 à 8h21
Depuis 20 ans, à l’initiative du diocèse de Montpellier, la Halte solidarité, confiée à trois associations, est un lieu essentiel pour toutes les personnes en précarité. Santé et Solidarité, Secours catholique et Société Saint-Vincent-de-Paul offrent un accueil quotidien chaleureux et inconditionnel à près de 200 hommes, femmes et enfants ainsi qu’à leurs animaux de compagnie d’infortune. Afin de continuer à assurer ses missions en toute dignité, tandis que les besoins sont en constante augmentation, la Halte solidarité, prochainement baptisé du nom de Gui de Montpellier, va s’agrandir. Un ambitieux et nécessaire projet pour lequel un appel aux dons est lancé.
Des chiffres et une réalité
Si l’on n’a jamais franchi un matin la porte de la Halte solidarité situé sur le quai du Verdanson à Montpellier, on ne peut avoir conscience de l’importance du lieu. Et de son étroitesse. Avant les mots, les chiffres parlent. Quotidiennement, en moyenne, 180 personnes sont accueillies, 140 petits-déjeuners, 60 déjeunes et dîners sont servis, 35 douches sont prises, sans oublier les 60 casiers de bagagerie ou encore l’accueil social qui reçoit entre 8 et 10 personnes par jour soit 1 200 suivis par an.
Sur le plan médical, en 2024, 1 720 consultations et soins divers ont été réalisés auprès de 630 bénéficiaires de 75 nationalités différentes dont 390 nouveaux patients, ainsi que 60 dépistages hépatiques et une vingtaine de vaccination, lors de 185 matinées assurées par l’un des 36 médecins et infirmiers bénévoles de l’association Santé et solidarité. « Par les consultations et les activités de soins de premier recours cela permet de décharger les services des urgences. Et cela ne coûte rien à la société » glisse Philippe Dessauw, médecin à la retraite. Sans oublier, dans un autre domaine, 268 soins esthétiques et de bien-être mis en place depuis 2019 à destination des femmes.
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Dans un département marqué par ses paradoxes avec un seuil de pauvreté de 19% contre 14% au national mais qui continue à attirer 15 000 nouveaux habitants par an et une crise du logement rendant l’accession au privé difficile pour les ménages modestes, le logement social est sous tension. En 2024, 60 000 demandes ont été formulées pour 4 900 attributions. Et en cascade, un impact sur l’hébergement d’urgence, sous doté dans l’Hérault avec 10,5 places pour 1 000 habitants vivants sous le seuil de pauvreté quand le ratio national est de 21. Résultat pour ceux qui sont dans une grande précarité, 83% des personnes qui appellent le 115 n’ont pas de réponses favorables à leur demande. À Montpellier, si 1 300 places d’hébergement d’urgence sont disponibles, 300 ménages, soit 880 personnes, vivent actuellement à l’hôtel. Malgré la difficulté à réaliser un recensement, dans sa couronne, une enquête a dénombré en 2023, 2 700 personnes sans domicile fixe dont 600 personnes véritablement à la rue.
« nous faisons surtout du raccommodage de personnes »
Dans ce contexte, la Halte solidarité n’a cessé de voir son activité augmenter avec une fréquentation en hausse de 87% entre 2015 et 2024, et un constat. « Les personnes que l’on accompagne ont de multiples vulnérabilités. Celles qui ont des difficultés à accéder à un logement sont aussi des personnes âgées ou handicapées, c’est un public nouveau. Nous avons aussi beaucoup de jeunes qui sortent de la protection de l’enfance » explique Anne-Sophie Lauray. La déléguée départementale du Secours catholique souligne : « Quand les personnes viennent c’est de l’accueil totalement inconditionnel, on ne leur demande pas leur identité, leur âge… donc il est difficile d’avoir un profil mais quand on discute et qu’elles livrent leur parcours, ce sont des personnes qui ont subi un accident de la vie : une perte d’emploi, un divorce, un problème de santé… qui fait qu’à un moment on perd pied. Personne n’est épargnée, tout le monde peut se retrouver dans une situation telle que nous les rencontrons ».
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Une centaine de bénévoles et une salariée s’activent dans la Halte solidarité comme des abeilles dans une ruche, chacun à sa tâche. « Une Halte qui fonctionne avec des bénévoles cela a du sens pour la société, cela a du sens pour la vie à Montpellier car cela permet de mieux-vivre ensemble. Aujourd’hui on peut facilement être en difficulté et tomber dans la rue. Ici des personnes donnent de leur corps pour aider la société » explique Jean-Marie Brugeron, président du Secours catholique de l’Hérault. Un bénévolat indispensable pour faire tourner la Halte quand financièrement celle-ci n’est soutenu qu’à hauteur seulement de 10 000€ par an par les collectivités. Heureusement, les dons et la générosité de certains fidèles partenaires comme Oc’Santé viennent compenser les besoins.
Pour autant, si les missions ne manquent pas une d’entre elles est primordiale. « Le relationnel avec les personnes accueillies est fondamentale. Nous ne faisons aucune différence, tout le monde est le bienvenu. Nous avons souvent des gens au bout du rouleau, on se demande comment ils tiennent et cela force notre admiration. Nous faisons non seulement du distributif mais nous faisons surtout du raccommodage de personnes qui sont en perte de vitesse complète ». Responsable de l’accueil de jour du mardi et de la bagagerie, Benoît Pradaud observe cependant : « Entre 2023 et 2024, la fréquentation a augmenté de 23%, cela veut dire que le problème est extrêmement important. Nous nous heurtons à la difficulté de la nécessité de à la fois faire du qualitatif et du quantitatif ».
Une association Halte solidarité Gui de Montpellier
Reste que malgré la volonté déployée, l’ampleur de la tâche est immense. Pour la surmonter, toujours sous l’égide du Diocèse comme ce fut le cas en 2005, l’association Halte solidarité Gui de Montpellier, du nom du créateur du premier hôpital du Clapas au Moyen Âge, a vu le jour l’année dernière. « Il a été un acteur important de l’aide aux plus démunis et il nous est apparu important d’ancrer notre activité dans cette historique », explique Jean-Marie Brugeron, « Nous avons voulu que ces trois associations travaillent mieux ensemble et coordonnent mieux leurs activités. Un travail admirable est fait mais, mieux coordonner, différentes actions prennent plus de sens ».

Une centaine de bénévoles oeuvrent à faire tourner la Halte solidarité. (©CN / Métropolitain)
L’association a également pour but de développer d’autres partenariats. C’est déjà le cas à la Halte solidarité avec l’Ordre de Malte, Gamelles Pleines, Vétérinaires pour tous, l’Opéra de Montpellier, Ziconofages, l’école des Arceaux, la Cloche, la Cimade, Gammes, la CAARUD, Pass Psychiatris ou encore Médecins du monde. L’idée est désormais d’aller au-delà comme l’illustre la présidente la Halte ainsi que de Santé et Solidarité Monique Bringer : « Maintenir au-dessus des flots des personnes désinsérées de la société est une étape mais au-delà nous devons viser à accroitre leur résilience, à déceler leurs capacités résiduels pour les réinsérer dans le tissu social. Cela nécessite de notre part de leur donner une perspective de réinsertion en créant des contacts avec des formations, des entreprises et des institutions. Il en va de leur dignité car la charité n’est pas un horizon ».
Un appel aux dons pour s’agrandir
En parallèle, à l’occasion de son 20e anniversaire, la Halte solidarité est lancée dans un ambitieux projet d’agrandissement et d’embellissement de son site. 200 m2 en plus et un réaménagement qui permettront d’améliorer la qualité et le confort des personnes accueillies ainsi que des bénévoles. Une réorganisation nécessaire pour simplifier justement l’organisation des différents services proposés et offrir un parcours plus fluide et adapté. Un agrandissement qui permettra d’augmenter le nombre de douches, de salles de consultation, de casiers de bagagerie… Et, dans la continuité de ce qui a été engagé en 2019, une attention importante sera portée afin d’accorder des espaces dédiés aux femmes qui représentent 20% des personnes accueillies. « Elles ont besoin qu’on les écoute et que l’on s’occupe d’elles car par le bien-être revient l’estime de soi » souligne Monique Bringer complétée par Anne-Lise Lauray: « On va créer aussi des temps dédiés aux femmes en dehors des créneaux habituels car si la rue c’est violent, même ici pour elles cela peut-être compliqué ».
Des travaux envisagés d’ici la fin de l’année pour une durée de deux ans en plusieurs phases afin de ne pas interrompre les activités quotidiennes de la Halte solidarité. Un projet à hauteur de 800M€ dont le tour de table financier n’est pas encore bouclé. Le plan de financement prévisionnel envisage 40% de subventions publiques (États, ARS, Ville et Métropole), 27% du Diocèse de Montpellier, 23% des associations et 10% de dons. « Ce sont des promesses et c’est important mais cela ne suffira pas, nous avons besoin de faire appel à la générosité du public » appuie Jean-Marie Brugeron. Des affiches, dont la campagne a été offerte par la municipalité, seront visibles, dans la ville avec deux QR codes pour effectuer un don aux associations Santé et Solidarité ou Secours Catholique destiné à ce projet. L’association Gui de Montpellier étant trop jeune pour être reconnue d’utilité publique, elle ne peut pas défiscaliser les dons contrairement aux deux autres associations. D’autres opérations comme un concert à la cathédrale, la fête d’anniversaire de la halte solidarité à l’automne… viendront compléter l’opération.
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