Un référendum pour surmonter les blocages politiques, réformer l’État et ses finances. C’est l’option évoquée samedi soir, dans un entretien au Journal du Dimanche, par le Premier ministre François Bayrou.

Le chef du gouvernement s’est engagé à présenter un « plan cohérent, avec des propositions claires, lisibles » afin de réduire la dette publique, et faire revenir les déficits de l’État sous la barre des 3 %.

Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à l’université Paris 8 et spécialiste notamment des questions de démocratie participative, analyse cette annonce.

Un risque de division au sein du gouvernement

Pourquoi cette idée de recourir à un éventuel référendum sur le budget fait tant réagir ?

Nous vivons une période de crise politique, avec un gouvernement qui a du mal à avancer et une situation enlisée au Parlement. En ce sens, l’initiative du Premier ministre est assez intelligente, il apporte une solution pour sortir par le haut de cette situation de blocage.

Mais cela provoque des réactions contrastées car il met sur le tapis la survie du gouvernement et du parlement. Si le « non » venait à s’imposer dans cet hypothétique référendum, on voit mal pourquoi de nouvelles élections (législatives) ne seraient pas organisées.

Ce référendum permettrait-il de réussir là où le Parlement échoue ?

C’est impossible de prédire le résultat, si référendum il y a. Mais s’affranchir des marchandages politiques du parlement et poser la question à l’ensemble des citoyens est une idée audacieuse, qui possède une vraie rationalité.

La question serait oui ou non au « plan » du Premier ministre, comme si les citoyens votaient la loi de finance à la place des députés ?

C’est ce que l’on croit comprendre (François Bayrou ne l’a pas encore précisé, N.D.L.R.). Mais cela pose un double problème. Ce plan va être élaboré avec le gouvernement et des acteurs proches. On aurait pu penser à un dispositif beaucoup plus ambitieux, une assemblée citoyenne comme celle annoncée par Emmanuel Macron hier (samedi) sur les temps scolaires. Cette assemblée aurait pu amender le projet de plan, soumis ensuite au référendum. Cela aurait été plus légitime démocratiquement.

Le risque d’un vote «contre» l’ensemble de la politique menée

Et le deuxième problème ?

Contrairement à la Suisse, réputée pour ses référendums fréquents, en France c’est un outil rare. Une bonne partie des citoyens ne vont pas répondre à la question, mais voter pour ou contre ceux qui la posent : le président de la République et son gouvernement. On risque d’avoir un résultat qui porte tout autant sur nos dirigeants que sur le budget lui-même. C’est le défaut de ces référendums à la française, qui viennent du « haut » (des dirigeants politiques). Avec une assemblée citoyenne, cet effet aurait été largement diminué.

Ce référendum a-t-il une chance de voir le jour, vingt ans après le dernier (en 2005) ?

Le référendum est une initiative délicate et ambitieuse, c’est quitte ou double. Il est peu probable que ce gouvernement dure éternellement… Partir sur un échec référendaire plutôt que par une censure à l’Assemblée nationale ne manque pas de panache. Peut-être que François Bayrou se dit : « Si je tombe, je préfère tomber sur un refus des Français ».

Mais Emmanuel Macron, lui, a encore deux ans de mandat. Prendra-t-il le risque de ternir son image si le « non » venait à l’emporter ?

Emmanuel Macron a déjà pris quelques coups. Sa dissolution de l’Assemblée nationale a déjà terni son image. Tout comme son insistance à demander à Élisabeth Borne (ancienne Première ministre) d’utiliser l’article 49.3 pour faire passer en force des réformes comme celle des retraites. Ce référendum va correspondre à des tas de calculs politiques.

Le référendum est-il l’instrument magique qui étancherait la soif toujours plus forte de démocratie directe ?

En l’état actuel non, car il n’est déclenché que par initiative du gouvernement et acté par le président de la République. À l’inverse, le référendum d’initiative citoyenne (Ric), demandé par les gilets jaunes, permettrait d’instaurer un système différent. Avec environ 1 million de signatures nécessaires (pour déclencher un référendum), les citoyens pourraient s’exprimer sur de nombreux sujets. Cela conférerait au référendum une régularité et une légitimité qui gommeraient cet effet plébiscitaire (pour ou contre le gouvernement).