Faire adopter un plan de réduction des déficits par référendum, comme le suggère François Bayrou, serait-il constitutionnel ?

Juridiquement, il n’est pas possible d’affirmer quelque chose de manière certaine, à cette heure. Il n’existe pas de jurisprudence claire. Il est question de politique économique et sociale de la Nation, ce qui cadre avec l’article 11 de la Constitution. Donc sur le fond, pourquoi pas ? Le problème, c’est que les projets de loi de finances suivent une procédure très singulière. Avec des garanties pour le gouvernement, mais aussi des droits particuliers accordés aux parlementaires. Il y a un vrai doute sur la possibilité de soumettre un tel texte à un référendum.

L’idée a-t-elle un sens, d’un point de vue politique ?

Si on la prend au pied de la lettre, elle apparaît assez saugrenue. Comme il va s’agir d’un projet de loi de finances d’austérité, beaucoup de monde va trouver une bonne raison de s’y opposer. Et si le « non » l’emporte, on fait quoi ? On se retrouverait avec un gouvernement pris en étau entre son opinion publique et les marchés financiers. Je ne crois pas que François Bayrou envisage cette option sérieusement. À mon sens, parler de référendum est une façon de prendre l’opinion à témoin et de mettre la pression sur les partis politiques, en menaçant de les court-circuiter. C’est plutôt un instrument de négociation dans le cadre des discussions préalables sur le Budget 2026. Les partis politiques sont-ils assez naïfs pour croire en cette menace ? Je n’en suis pas sûr.

Éric Coquerel (LFI) affirme que la normalité, c’est que le Parlement vote le budget. Êtes-vous d’accord avec lui sur ce point ?

En France, le contrôle parlementaire se fait sur les votes des budgets depuis la Restauration. En la matière, on est, en effet, sur un point dur du parlementarisme.

Existe-t-il des précédents, en France ou à l’étranger, d’un référendum sur une question budgétaire ou financière ?

Des référendums sur un point précis, cela a pu arriver, par exemple aux États-Unis. En revanche, à ma connaissance, pour un budget complet soumis à référendum, la réponse est non.

Emmanuel Macron, à qui reviendra la décision, a souvent parlé de référendum. Mais il n’en a jamais organisé. Pour quelle raison ?

L’intérêt du référendum, ce n’est pas l’outil en lui-même, c’est la question qui est posée. Et dans quelle mesure cette question est, à un instant T, suffisamment structurante dans l’opinion pour que celle-ci se mobilise pour ou contre. Au moment de la réforme des retraites, il y avait des demandes claires pour qu’on organise une consultation sur cette question. Mais le reste du temps, je ne suis pas sûr que l’opinion soit aussi branchée que cela sur le sujet du référendum.

N’est-ce pas lié au mauvais souvenir du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, une consultation qui a traumatisé le pouvoir de l’époque et laissé un goût amer à nombre d’électeurs ayant, au final, le sentiment d’avoir été trahis ?

Nous sommes toujours dans ce traumatisme. Et il n’y a pas eu que la Constitution européenne. Depuis les années 2000, la quasi-totalité des référendums ont été foulés aux pieds. En 2003, les Corses disent non à une collectivité unique. Ils l’auront quand même. Même chose avec le référendum de 2013 sur la collectivité territoriale d’Alsace. Bien que les conditions nécessaires à l’approbation ne soient pas remplies, le projet se fera. Dernier exemple, le référendum de 2016 sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Cette fois, on a un « oui », mais le projet est finalement abandonné. On a clairement, aujourd’hui, une situation de frustration et de crise larvée vis-à-vis de l’instrument du référendum.

Pour en revenir au budget 2026, vu la situation politique, a-t-on une chance de vivre autre chose qu’à l’automne dernier ?

Probablement pas, car les élections municipales approchent. Et que les deux partis qui ont le plus à perdre dans ce scrutin sont le PS et LR. Pour eux, ne pas censurer un budget d’austérité pourrait avoir un coût élevé. Quant au RN, qui est dans une situation assez erratique, du point de vue stratégique, depuis la condamnation de Marine Le Pen, il ne fera aucun cadeau. Le budget 2026 sera sans doute encore plus compliqué à faire passer que le budget 2025.