Mauvaise nouvelle pour les observateurs du ciel. Qu’ils possèdent jumelles, lunettes ou bien télescope, que le ciel soit nuageux ou très pur, les magnifiques anneaux de Saturne sont désormais hors de leur portée. Et, ils le resteront pendant un très long moment.

À l’observatoire du club des amateurs ajacciens d’astronomie, situé à Vignola, l’événement céleste est désormais avéré. « Depuis quelques semaines, en observant Saturne il semble que les anneaux aient complètement disparu », relève Lucien Luciani, le président du club.

4 700 kilomètres entre les anneaux A et B

Le phénomène n’a rien d’irréversible, loin de là. Il est tout simplement le résultat d’une illusion d’optique, « due à l’inclinaison des anneaux par rapport au plan de l’orbite de Saturne autour du soleil », complète-t-il.

Le jeu de cache-cache n’est pas nouveau. Il se produit, en moyenne tous les 15 ans, lorsque « le plan des anneaux se trouve exactement dans l’axe optique d’un observateur terrestre. L’épaisseur moyenne des anneaux n’étant seulement que de quelques dizaines de mètres, ceux-ci, vus à un milliard et demi de km, se réduisent à l’épaisseur d’un cheveu et semblent rayés de la carte du ciel », expliquent les amateurs d’astronomie ajacciens.

Et c’est le scénario qui prédomine en ce moment dans l’infini de l’univers. Comme le rappelle Lucien Luciani, « le 23 mars 2025, la Terre était exactement dans le plan des anneaux. Ils commencent donc à se rouvrir petit à petit avec un maximum qui ne sera atteint qu’en 2032 ».

Selon les calculs et les modèles astronomiques choisis, les anneaux devraient faire sentir leur présence, de façon très discrète, d’ici 18 mois environ. Avant de s’affirmer de manière progressive.

Une partie des membres du club des amateurs ajacciens d'astronomie. Ici à l'observatoire de Vignola.Une partie des membres du club des amateurs ajacciens d’astronomie. Ici à l’observatoire de Vignola. V. E.

En réalité, Saturne est encerclé par une multitude d’anneaux. Les principaux sont nommés A, B, C, D, E, F, G selon l’ordre chronologique de leur découverte. Ils sont relativement proches les uns des autres, exception faite « d’une ouverture de 4 700 kilomètres de large, appelée division de Cassini, qui sépare les anneaux A et B », indique la Nasa sur son site Internet.

Le sujet de l’origine qui divise les scientifiques

Tous ont en commun d’être formés de « milliers de morceaux de glace et de roche, certains aussi grands qu’une maison, d’autres aussi petits qu’un galet. Ils peuvent être attirés ou déformés par les interactions gravitationnelles entre la planète et ses lunes », développent les astronomes ajacciens.

Grâce aux éléments qui les composent, ils sont en capacité de bien réfléchir la lumière du soleil et d’offrir un spectacle d’un blanc éclatant, en dépit des flux de poussières cosmiques.

Leur origine, en revanche, est un sujet qui continue à diviser les scientifiques. À ce propos, deux théories majeures s’affrontent. Selon la première, les anneaux se seraient formés « à partir de plusieurs petits satellites venus tourner trop près de la planète », rapporte le président du club.

Ceux-ci auraient été happés par la force de gravitation de la planète, puis se seraient brisés, poursuit-il sous l’effet dit des « forces de marée », ou « limite de Roche », c’est-à-dire « la distance à partir de laquelle un satellite venu orbiter trop près d’une planète commence à se disloquer ». Les informations recueillies par la sonde Cassini en mission autour de Saturne semblent, pour l’heure, aller dans le même sens.

128 nouveaux satellites depuis mars 2025

La seconde hypothèse quant à elle fait référence à des débris générés par la formation de Saturne elle-même au moment de la naissance de notre système solaire. Une époque, par définition, très mouvementée, ponctuée de bombardements tous azimuts de corps rocheux et autres dans l’immensité de l’univers et du temps.

La pérennité des anneaux tout comme leur espérance de vie soulèvent aussi bien des interrogations.

Des scientifiques soutiennent que les beaux anneaux de Saturne auront une fin, un jour ou l’autre. Les estimations concernant leur durée de vie varient de 100 à 300 millions d’années. Tout pourrait bien dépendre de l’intensité des « pluies d’anneaux », c’est-à-dire, des débris de glace notamment, attirés par la force gravitationnelle de la planète.

En plus de ses anneaux, Saturne dispose de toute une kyrielle de satellites. « 274 orbitent autour du joyau du ciel. Le décompte s’est accéléré récemment, le 11 mars 2025 après l’annonce, d’un coup, de 128 nouveaux satellites », relèvent les membres du club ajaccien.

Le plus célèbre du groupe, Titan, possède un diamètre de 5 150 km.

Les astronomes décrivent « un des plus gros satellites de notre système. La première place revenant à Ganymède, le plus grand satellite de Jupiter, avec un diamètre de 5 260 km. Notre Lune, avec ses 3 475 km de diamètre occupe, quant à elle, la 5e place ».

Une planète gazeuse comme Uranus et de Neptune

Lucien Luciani a, sans aucun doute, donné sa préférence à la planète, « au charme unique et au pouvoir de fascination sans précédent ». Il est convaincu, depuis la création du club et de l’observatoire d’Ajaccio, d’avoir affaire « au joyau du ciel », de nature selon lui, à déclencher bien des passions et des vocations.

Comme les autres membres du club, il ne tarit pas d’éloges à l’égard de l’objet céleste, évoquant ainsi, « esthétiquement et après notre Terre, bien sûr, l’astre le plus beau et le plus attirant de notre système solaire. Après la Terre, car la vie règne sur la planète bleue ». Par opposition, Saturne irradie le cosmos de la beauté du diable, en se révélant « aussi inhospitalière que fascinante à observer ».

Saturne a encore la particularité d’être la deuxième plus grosse planète du système solaire après Jupiter.

Avec cette dernière, elle partage une autre caractéristique, celle d’être une planète gazeuse, à l’image d’Uranus et de Neptune aussi. Fait marquant, la planète aux majestueux anneaux ne possède pas de sol rocheux, « ce qui interdit tout atterrissage d’engin ainsi que toute possibilité pour un humain de marcher sur sa surface ».

Son atmosphère est constituée de 93 % d’hydrogène (H2) et de 5 % d’hélium. Les 2 % restants étant constitués de vapeur d’eau et d’ammoniac. « C’est la raison pour laquelle la densité de l’atmosphère de Saturne est inférieure à 1. Ainsi, si on imaginait pouvoir poser Saturne sur un océan géant, elle flotterait. Étonnant, non ? », s’exclame le président du club.

Galilée braque sa lunette vers le ciel en 1610

Le fait d’être la planète la plus lointaine visible à l’œil nu est un autre de ses traits distinctifs. Cette position aux confins et plus concrètement à 1,5 milliard de kilomètres de la Terre fera de Saturne la limite du système solaire, du moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

Mais, c’est par Galilée, à la fois astronome, mathématicien, physicien, que tout  a vraiment commencé.

Jupiter comme Saturne est une planète gazeuse.Jupiter comme Saturne est une planète gazeuse. Christian Guerrini, club des amateurs d’astronomie Ajaccio

L’Italien est le premier à braquer sa lunette vers Saturne, au petit matin, un beau jour de juillet 1610, à Florence. Celui qui commence à connaître le ciel comme sa poche – il a repéré les cratères sur la Lune, les satellites de Jupiter – observe alors un spectacle à peine croyable, indéfinissable aussi.

« Malheureusement pour lui, la qualité médiocre de sa lunette, ce qui se conçoit très bien pour l’époque, ne lui permit pas de distinguer correctement les anneaux. Il prit ces excroissances pour des oreilles et décrivit ce qu’il voyait comme une planète triple. Galilée prit quand même le soin de sauvegarder sa découverte en publiant une phrase en latin,  »Altissimum planetam tergeminun observavi », que l’on peut traduire par,  »la planète la plus haute que j’ai observée est triple » », raconte l’astronome ajaccien.

Deux ans plus tard, ses nouvelles observations révèlent la disparition des soi-disant excroissances. Comme en 2025, tout est question d’inclinaison et de point de vue.

Il faudra attendre près d’un demi-siècle et Christian Huygens, un astronome hollandais pour affirmer l’existence d’anneaux et comprendre leurs mouvements. Au passage, il découvre une grosse lune en orbite autour de Sature. Elle sera baptisée Titan. Huygens est bien mieux équipé que son illustre prédécesseur.

Saturne en quelques chiffres

1,5 milliard de km. C’est la distance qui la sépare du Soleil.

120 000 km. C’est son diamètre équatorial, mesuré sans ses anneaux. Un chiffre qui correspond à environ 10 fois le diamètre de la Terre (12 756 km).

Anneaux compris, la circonférence de la planète est de 360 000 km, l’équivalent, à 24 000 km près, de la distance Terre-Lune soit 384 000 km.

29,5 ans. C’est le temps qu’il lui faut pour accomplir sa révolution, c’est-à-dire tourner autour du Soleil.

10 h 30. C’est le temps qu’elle met pour faire un tour sur elle-même.

Entre -140 et -190°, c’est la température moyenne ressentie sur la planète aux anneaux.

Les beaux passages de la station spatiale internationale (ISS) à ne pas manquer

8 mai. Sud Ouest – Nord Est à 22 h 39 par 83°. Va disparaître au zénith sous la grande Ourse lorsqu’elle sera à la verticale de Bonifacio.

9 mai. Sud Ouest – Nord Est à 22 h 02 par 63°. Passera à la verticale de Cagliari.

10 mai. Sud Ouest – Nord Est à 21 h 25 par 47°. Passera à la verticale de Tunis. Ce jour-là l’ISS sera visible 5 fois dans le ciel de Corse, à 00 h 20, 02 h 58, 04 h 34 puis à 21 h 25 et à 23 h 03

24 mai. Sud Ouest – Nord Est à 22 h 18 par 72°. Passera à la verticale du Cap Corse