Par

Nicolas Dendri

Publié le

5 mai 2025 à 18h11
; mis à jour le 5 mai 2025 à 18h12

Il s’était gravement blessé avec Lyon lors de la première journée de la saison 2023-2024 de Top 14. Jean-Marc Doussain venait malheureusement de faire ses dernières foulées comme rugbyman professionnel. À 33 ans, le demi d’ouverture polyvalent avait décidé de mettre un terme à sa carrière en juin 2024. Depuis, l’ancien joueur passé par le Stade Toulousain continue de se soigner et s’engage aussi sur le sujet de la santé mentale avec l’association Néohéros de Raphaël Poulain. Jean-Marc Doussain s’est longuement confié à Actu Rugby sur sa nouvelle vie. 

La grave blessure de Jean-Marc Doussain 

Actu : Vous avez pris votre retraite de joueur après une grave blessure au début de la saison 2023-2024 de Top 14. Quel est votre quotidien aujourd’hui ?

Jean-Marc Doussain : Je suis toujours en arrêt de travail. Je suis quand même bien handicapé encore par ma jambe dans mon quotidien. J’ai encore des séances de kiné pour ma rééducation trois à quatre fois par semaine. Je ne retrouverai pas les capacités que j’avais avant la blessure à la suite de mon accident.

Comment avez-vous vécu l’arrêt brutal de votre carrière de rugbyman ?

J.-M. D. : Je savais que j’aurais du mal à arrêter le rugby. Avec ma blessure en août 2023, j’ai commencé à me faire accompagner psychologiquement en janvier 2024 avec une psychologue avec qui ça a matché dès le début. Je me suis senti bien de me confier à elle, de parler de ma blessure, des problèmes du quotidien et de ma fin de carrière. Même si je n’avais pas eu cette blessure, j’aurais eu besoin de faire appel à quelqu’un.

En quoi auriez-vous eu besoin d’être accompagné psychologiquement sans cette grosse blessure ?

J.-M. D. : Le rugby reste toujours ma passion et ça le restera jusqu’à la fin de mes jours. La blessure a accéléré les choses. Au final, je n’ai pas eu le choix avec des bons côtés et des moins bons. Je n’ai pas choisi ma sortie. C’est dur évidemment mais on y passe tous. Mais quand tu n’as pas le choix, il n’y a pas la saison de trop ou le fait de prouver à toi-même que tu as encore le niveau. Je pense donc que ce travail sur moi aurait été nécessaire.

Concrètement, comment s’est passée la prise en charge de votre blessure ?

J.-M. D. : J’ai fait ma rééducation au club pendant un an où tu vis dans un monde encore autour du rugby. Même si je ne jouais pas, je participais encore aux réunions avec l’équipe. Je n’avais pas encore clôturé officiellement cette page-là. À partir de juillet, je ne venais plus au club quotidiennement et je faisais ma rééducation de mon côté mais avec une prise en charge par le club. Il m’a orienté aussi vers des bonnes personnes et à proximité avec des kinés qui sont à côté du stade.

Jean-Marc Doussain et la santé mentale

Quel regard portez-vous sur le sujet de la santé mentale ?

J.-M. D. : La santé mentale est un véritable sujet pour les rugbymen professionnels et les jeunes. C’est aussi un sujet de société actuellement. Je m’investis sur ce sujet pour le vivre au quotidien et pour l’avoir vécu. Non pas que j’ai été broyé par le rugby professionnel, au contraire. On vit dans un monde génial. Parfois, j’ai du mal à lire certaines interviews où les sportifs se plaignent de la dureté des managers et du sport de haut-niveau. C’est dur mais quel plaisir tu as derrière. Personne n’oblige à continuer aussi. Mais la santé mentale est un sujet important avec tout ce qui se passe à l’heure actuelle dans le rugby français.

À l’heure actuelle, comment est prise en compte la santé mentale dans le rugby ?

J.-M. D. : Il y a deux sujets aujourd’hui dans la santé mentale avec la préparation mentale et la psychologie. La préparation mentale vise la performance. J’avais un préparateur mental quand je suis arrivé au Lou. Puis la psychologie, c’est parler à un professionnel extérieur au rugby pour te confier sur le professionnel et la vie personnelle. Être frais mentalement c’est avoir un cerveau disponible pour le rugby quand on y est à temps plein. C’est la base. Ma génération est en retard alors que la nouvelle génération est un peu plus ouverte pour se faire accompagner.

Pourquoi faites-vous une distinction entre la préparation mentale et la psychologie ?

J.-M. D. : Les deux sont dédiés à la performance. Mais pour moi, la préparation mentale est une aide à la performance, comme la musculation, la préparation physique ou les entraînements techniques au rugby. La psychologie est plus un besoin d’évacuer une certaine pression du quotidien, familiale ou venant de sujets personnels. C’est forcément quelqu’un d’extérieur qui doit le prendre en charge avec un regard un peu plus neutre et objectif par rapport à quelqu’un qui est impliqué dans le club.

À mon arrivée à Lyon, je me suis pris un préparateur mental pour avancer sur ma démarche, ma manière d’aborder les matchs et les moments de moins bien par rapport au rugby. J’avais évoqué des sujets sur la partie personnelle mais j’aurais dû faire appel à quelqu’un d’extérieur. C’est important de différencier les deux.

Jean-Marc Doussain
Ancien demi d’ouverture polyvalent de Lyon

La reconversion de Jean-Marc Doussain

Après l’arrêt de votre carrière, vous avez commencé à entraîner les Espoirs dans le cadre d’une reconversion ?

J.-M. D. : J’ai été sollicité par le club avec l’intermédiaire Fabien Gengenbacher qui m’avait proposé d’intégrer le centre de formation du Lou. J’avais commencé au mois de juillet mais ce n’était pas possible. J’ai dû arrêter à cause de ma blessure parce que c’était trop compliqué et j’avais des douleurs. Mentalement aussi c’était difficile car je pensais pouvoir faire certaines choses que je n’arrivais finalement pas à faire. Petit à petit, je m’enterrais. Le club a été ultra bienveillant et me disant de prendre du temps pour moi. J’ai donc arrêté en septembre.

Depuis ce moment-là, comment voyez-vous la suite ?

J.-M. D. : En ce moment, je m’occupe beaucoup de moi. Depuis un peu plus d’un an, je suis papa d’un petit Marcus. Du coup, je passe beaucoup de temps avec mon enfant. Ça fait du bien aussi. C’était un gros moteur en plus du soutien de ma femme. Mais dans cette période-là, l’arrivée du petit a été une source d’énergie incroyable.

Avez-vous une idée concernant votre reconversion ?

J.-M. D. : Je n’y ai pas encore pensé. Je me voyais encore jouer deux ans par rapport à l’énergie et à ma fraîcheur mentale même si physiquement c’était un peu dur. Quand je suis parti de Toulouse, j’ai repris mes études mais sans savoir vers quoi m’orienter. Je vivais tellement ma passion que mentalement, je n’étais pas prêt à laisser de la place pour ma reconversion. Je prenais tellement de plaisir que je ne laissais pas de place au reste. Ce n’est pas le meilleur conseil à donner aux jeunes. Pour l’instant, je n’ai pas encore trop d’idées.

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