Par
Maxime Ponsot
Publié le
5 mai 2025 à 20h05
Un bébé de 3 mois a succombé aux fortes chaleurs, mardi 29 avril 2025, sur un parking à Grandpuits-Bailly-Carrois (Seine-et-Marne), alors qu’il se trouvait dans la voiture de son père, en stationnement sur son lieu de travail.
Contacté par La République de Seine-et-Marne, le parquet de Melun a indiqué qu’une enquête avait été ouverte pour homicide involontaire, afin de préciser les circonstances des faits.
On ne sait donc pas encore s’il s’agit là d’un réel oubli. Un type d’histoires qui revient tous les ans dans les rubriques de faits divers. À tel point qu’un nom a été donné à ce phénomène : « le syndrome du bébé oublié. »
Qu’est-ce que ce syndrome ?
Le syndrome du « bébé oublié » est généralement le fait des parents, soit le père, soit la mère. Mais il peut aussi l’être par un autre référent qui s’occupe de l’enfant, souligne Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne et psychothérapeute à Nanterre (Hauts-de-Seine), interrogée par actu.fr.
Et, contrairement à ce que l’on peut parfois penser, « ce ne sont pas forcément des parents qui sont étiquetés négligents ou maltraitants ».
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Comment bien définir ce syndrome ? « Première chose, il faut bien catégoriser “bébé” : de 0 à 12 mois. Car c’est un âge ou le bébé ne peut pas réagir, confronté au fait qu’on l’oublie, il n’a pas les capacités de conscience et de réaction et de s’apercevoir qu’il est laissé seul à un endroit », explique-t-elle.
En somme, un nourrisson n’a pas vraiment le « réflexe » de se manifester, du moins « pas avant d’avoir faim, froid ou chaud, ce qui peut le faire pleurer ». « Il ne va pas avoir de point d’alerte, alors qu’il pourrait l’avoir plus tard : par exemple, à 2 ou 3 ans, il pourrait crier ou taper à la fenêtre, ce qui pourrait d’ailleurs alerter d’autres adultes, alors qu’un bébé on le remarque moins », ajoute la professionnelle de santé.
L’autre aspect du syndrome, « la question de “l’oubli” : c’est qu’il n’y a pas de volonté, pas d’intention de faire du mal », reprend Aline Nativel Id Hammou. D’ailleurs, « on parle souvent de la voiture, mais cela peut arriver dans d’autres contextes, comme l’oubli à la crèche, à l’école, ou dans d’autres lieux, qui correspondent à des tranches d’âges différentes ».
Dans le cas de la voiture, c’est malheureusement plus dangereux et ça peut avoir des effets graves voire dramatiques sur la santé de l’enfant, du fait de sa vulnérabilité physiologique, car peu immunisé. Sa survie est plus mise en danger.
Aline Nativel Id Hammou
psychologue clinicienne et psychothérapeute
Comment l’expliquer ?
Mais alors comment un tel oubli peut-il arriver ? « Beaucoup de chercheurs se sont intéressés à la question, parce que cela peut paraître incroyable », reconnaît Aline Nativel Id Hammou. « Et ils ont mis en avant les questions des mémoires. »
En particulier deux types. D’abord, « la mémoire des habitudes », c’est-à-dire « un peu robotique, en mode pilote automatique, les routines, avec des horaires, des tâches… ». Et « l’autre mémoire qui va entrer en collision avec celle-ci, la mémoire prospective », soit « toutes les tâches qui sont à faire dans le futur et non pas forcément programmées dans la journée ».
« Ce qui se passe dans ces situations, c’est que la mémoire de l’habitude va l’emporter sur la prospective », explique la psychologue clinicienne et psychothérapeute, qui précise que cela se produit la plupart du temps dans un contexte. Plus précisément, une perte de repères ou une perturbation.
Souvent, ce qui revient dans les témoignages des parents, ce sont les notions de stress, de fatigue. Cela peut aussi être associé à une distraction très forte, des troubles de l’attention ou de la concentration liés à un évènement, comme un appel inattendu, un même élément visuel… Quelque chose qui va déconcentrer fortement et déposséder le parent du schéma qu’il était en train de mettre en place.
Aline Nativel Id Hammou
psychologue clinicienne et psychothérapeute
Ainsi, « la mémoire des habitudes va écraser un peu celle de prospective », poursuit la professionnelle de santé. « Par exemple, un parent qui peut être préoccupé pendant 15 jours par un fait professionnel, qui n’était censé l’emmener car ce n’est pas lui d’habitude ce jour-là, qui rentre dans sa routine, puis monte dans son bureau à son travail en oubliant qu’il laisse un bébé dans sa voiture », illustre-t-elle.
Ou, à l’inverse, un parent qui oublie son enfant parce qu’il est au travail et, « sur les coups de 18 h 30, la crèche l’appelle car il n’est pas venu le chercher ». Autre cas de figure, heureusement aux conséquences moins lourdes.
Erreur mortelle
Dans tous les cas, « quelle qu’en soit la raison, un enfant ne doit jamais être laissé seul dans une voiture », rappelle le ministère de l’Intérieur. Pour cause, « les températures à l’intérieur d’un véhicule peuvent grimper excessivement vite ». D’autant plus l’été, lorsqu’il fait chaud ou en période de canicule.
A fortiori, si la température extérieure est particulièrement élevée, elle grimpera encore plus vite à l’intérieur de l’habitacle d’un véhicule.
Ministère de l’Intérieur
En fait, même quand ce n’est pas (encore) le cas, comme en ce moment. « Alors même qu’une température extérieure peut être jugée tempérée, de l’ordre de 15 à 20 °C, elle peut monter jusqu’à 45 °C en moins d’une demi-heure dans une voiture », appuie le gouvernement.
Ainsi, avec une température extérieure de 26 °C, dix minutes suffisent pour provoquer la mort d’un jeune enfant dans un véhicule. La régulation thermique des bébés n’étant pas adaptée à des températures extrêmes, l’hyperthermie ou le « coup de chaleur » peut rapidement survenir.
La loi vous protège si vous brisez la vitre d’une voiture
En France, le gouvernement rappelle le bon sens : si vous voyez un enfant seul à l’intérieur d’un véhicule, vous pouvez appeler les secours, déjà, mais aussi briser une vitre de la voiture si la situation le nécessite et qu’il présente les signes d’un coup de chaleur. La loi vous protège (Article 122-7 du Code pénal).
Si l’enfant présente des symptômes, sortez‐le le plus rapidement possible, rafraîchissez‐le et hydratez‐le au plus vite.
Homicide involontaire
Comme stipulé dans un ancien article, il n’existe pas en France de disposition juridique sanctionnant, en tant que tel, le fait de laisser seul un enfant dans un véhicule. En cas de poursuite, c’est généralement le délit d’homicide involontaire qui est retenu.
Mais dans les faits, la majorité de ces procédures sont classées sans suite.
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