Par
Ovale Masqué
Publié le
5 mai 2025 à 18h51
En France, on a toujours aimé les outsiders. On est toujours du côté des petits poucets, ceux qui grâce à leur courage et leur grand cœur, peuvent réussir à renverser des montagnes. C’est pour ça que samedi dernier, nous sommes tous devenus supporters de Northampton face au Leinster. Le pouvoir du sport, c’est quand même quelque chose : à un moment, les émotions nous gagnent, notre garde tombe, et on se retrouve à encourager des Anglais en Champions Cup.
La chronique d’Ovale Masqué sur Bordeaux-Bègles – Toulouse
Même ce fameux Henry Pollock, qu’on avait déjà fiché S comme ennemi public N°1 pour les 15 prochaines années, a fini par nous attendrir. Malgré son physique de quarterback du lycée qui brutalise ses camarades dans un teen movie, il a montré que derrière ses gros muscles et son apparente suffisance, il y avait au fond un enfant espiègle, qui se donne sans calcul sur le terrain, qui plaque, court, célèbre ses essais sans se demander comment cela va être commenté sur les réseaux sociaux. Un grand galopin pour qui le rugby est ce qu’il devrait toujours rester : un jeu.
Jean-Baptiste Pouls. (©BeIn Sport)
Et après avoir assisté à cet exploit mémorable des Saints (si vous êtes abonné à la bonne chaîne, France Télévision ayant préféré diffuser un bon vieux Lou – Racing 92 sur France 3 à l’horaire habituellement réservé à l’Inspecteur Barnaby), vous aviez sans doute envie d’assister à un second miracle. Oui, dimanche, tous les amoureux de sport se devaient de supporter le Stade Toulousain !
Déjà titulaires d’un effectif bien limité pour jouer deux compétitions, les Rouge et Noir ont été frappés par une poisse incroyable, leurs joueurs majeurs tombant les uns après les autres à l’infirmerie. Comme si cela ne suffisait pas, rappelons un contexte toxique depuis plusieurs semaines, puisqu’ils sont injustement ciblés par une polémique montée de toutes pièces par des rivaux jaloux et des journalistes en quête de sensationnel…
Oui, les Toulousains étaient au pied du mur avant d’aborder leur demi-finale. Oui, on ne donnait pas cher de leur peau dans l’antre de l’ogre bordelais, plus effrayant que jamais, avec son jeu flamboyant et sa ligne d’arrières 5 étoiles. Mais après tout, les Rouge et Noir ont défié tant de fois les pronostics par le passé, quand « tout le monde les enterrait », comme l’a souvent rappelé Ugo Mola… alors pourquoi pas ?
Vidéos : en ce moment sur Actu« Encore 2 mois à jouer avec Paul Graou… » (©BeIn Sport)
Nous avions envie d’y croire. Hélas, dans le rugby comme dans la vie, il n’y a pas toujours de happy end. Les Stadistes ont tout donné, et ils ont péri de façon héroïque, les armes à la main, face à des Bordelais froids et réalistes, mais bien loin d’être supérieurs, comme l’a rappelé avec justesse et fairplay Romain Ntamack. L’issue de la rencontre fut cruelle, le score encore plus. Retour sur un match dont la fin était prévisible, mais qui n’en a pas moins été un grand match de rugby.
Non, pas envie de revoir ça, merci. (©BeIn Sport)
Le film du match
Bon allez j’arrête de me foutre de votre gueule, de toute façon à ce stade tous les supporters toulousains ont déjà fermé la page de rage. Évidemment, malgré les blessures, malgré le fait que le match se jouait à Bordeaux, le Stade Toulousain partait grandissime favori. Parce que le Stade Toulousain, ça reste le boss final, un club qui a déjà gagné un trophée en faisant jouer Alban Placines et Alexi Balès, un club quasiment imbattable dès que le mot « phase finale » est prononcé. Encore plus quand la suprématie nationale est en jeu sur la scène européenne : rappelons que jamais les Rouge et Noir n’ont perdu contre une équipe française en Champions Cup. Voilà le genre d’individus à qui on a affaire : des gens qui sont capables de lancer une bagarre générale pendant la Fête des Voisins.
Tu t’es mouché dans mon Yop ? (©BeIn Sport)
En face, on a l’UBB. L’UBB c’est cet ado rêveur en première L option arts plastiques, qui joue des reprises d’Oasis sur la plage au Cap Ferret : ça séduit peut-être les adolescentes, mais s’il veut réussir dans la vie, il faut qu’il devienne de droite, qu’il achète un attaché-case, un costume et qu’il devienne trader. En tout cas c’est ce que son père lui répète à chaque repas.
D’ailleurs, dès le début du match, il nous font peur avec une action typique de joueurs de djembé : un lancement de jeu sur une touche après 6 passes, tout ça pour avancer de 6 mètres.
Union Bègles-Brazil. (©BeIn Sport)
Oui, on a peur pour eux, d’autant plus que la réplique toulousaine ne se fait pas attendre. Dans un style beaucoup plus direct : Barassi est servi au centre du terrain et perce la défense avant de servir Ntamack, qui sous ses allures de gros chat fainéant, est un tueur à gages. Heureusement, Maxime Lucu est là pour l’arrêter.
Pas dégueu, ce début de match. (©BeIn Sport)
« Heureusement, Maxime Lucu est là » devrait d’ailleurs devenir la devise du club. Dès le début du match, le demi de mêlée montre qu’il a autant de considération pour son corps que pour ses derniers cheveux. Toujours prêt à se sacrifier, il se jette dans les roues des camions adverses. Et après il se relève, et il est content. Un brave homme.
Et c’est parce qu’il existe un Lucu à l’UBB qu’un Matthieu Jalibert peut s’exprimer. Jalib le sait, aujourd’hui comme chaque week-end, il sera épié. Du choix de sa coupe de cheveux à sa dernière story Instagram, n’importe quoi peut devenir un prétexte pour critiquer Le Petit Prince Maudit du rugby français.
Alors dans une rencontre aussi exposée, face à son meilleur rival, il sait qu’il ne doit pas se rater. Son premier ballon va rapidement le décomplexer : après une belle action où la défense bordelaise fait péter le ballon des mains de Meafou, le Grandisse hérite du ballon. En un éclair, le voilà qui traverse le terrain avant de parvenir à servir Pete Samu. Ce n’est pas pour rien que le N°8 australien porte le même prénom que le héros de Top Gun : quand il est lancé, c’est un véritable avion de chasse. Et le voilà qui arrive pour conclure un premier essai bordelais au bout de 3 minutes de jeu.
Enfin des services publics qui marchent : tu appelles le Samu et il arrive en une seconde. (©BeIn Sport)
7-0 pour les locaux, et même 10-0 après une faute de Willis sanctionnée d’une pénalité du Jalibadboy. Le jeu au sol sera un aspect crucial du match (avez-vous déjà entendu une banalité pareille, on dirait que Vincent Clerc a pris possession de mon corps c’est terrible) et cela se voit rapidement avec un Julien Marchand hyperactif, qui gratte deux ballons au sol.
Les Toulousains en profitent pour revenir au score grâce à une pénalité de Juan-Cruz Mallía, l’homme toujours décisif en finale, et qui va devoir aujourd’hui avancer un peu sa montre. Puis sur leur première offensive, les Rouge et Noir imposent leur rythme. Si Capuozzo est bien muselé sur ses tentatives de débordement, le travail de sape finit par payer : Ntamack se fait marbrer mais réussit de façon inexplicable à libérer son ballon, et en bout de ligne, Dimitri Delibes peut aplatir. 10-7.
J’arrive toujours pas à comprendre comment Ntamack a transmis ce ballon. (©BeIn Sport)
Sacré début de match. On sent que tout le monde a mis sa tenue de gala pour l’occasion. Jalibert, encore lui, nous sort sa spéciale, le petit coup de pied par dessus. C’est devenu aussi prévisible que moi qui lance une vanne sur Thomas Pesquet, mais quand c’est bien fait, pourquoi bouder son plaisir ? Surtout, Jalib a monté le curseur niveau agressivité, on le voit essayer de distribuer quelques cartouches de peur d’être comparé à Sam Prendergast l’homme qui plaque comme Sammy de Scoubidou.
Pourquoi être un hater quand on peut simplement profiter de ces deux monstres ? (©BeIn Sport)
Ntamack, souvent critiqué depuis quelques semaines, essaye lui de montrer plus de choses offensivement et attaque la ligne avec à propos, même s’il ne parvient pas à faire la différence. Finalement, c’est Mallía qui redonne l’avantage à son équipe après une nouvelle pénalité, 10-11.
C’est ça le fameux « aller chercher le maillot » dont parle tout le temps Fabien Galthié ? (©BeIn Sport)
Pour faire tomber les champions d’Europe en titre, les Bordelais auront besoin d’un grand Jalibert, mais également d’un Buros de légende. L’arrière s’illustre avec une belle percée en plein centre du terrain. Derrière, les Unionistes enchaînement patiemment et jouent avec justesse. Servi dans le petit côté, Damian Penaud nous sort alors exactement LA MÊME passe sautée que lors d’un fameux match dont on avait dit qu’on ne parlerait plus jamais. Mais Ange Capuozzo n’a pas la « roublardise » d’Eben Etzebeth, et Louis Bielle-Biarrey va aplatir en coin avant de finir en roulade qui prouve qu’il excelle en tout, même en gymnastique.
– Joli salto !
– Non c’est Graou qui est titulaire. (©BeIn Sport)
15-11, cette UBB frappe fort et juste, peut-être que le joueur de djembé a effectivement cédé sa place au Loup de Wall Street. Et puisqu’on parle de référence ciné, c’est le retour du Transporteur, Jason Tatane. Après un bon ballon gratté par Maxime Lamothe, le capitaine bordelais s’équipe du fusil de sniper et passe une pénalité de 55 mètres, 18-11.
Hobbes & Chauve. (©BeIn Sport)
Eux qui sont d’habitude imperturbables, grand maîtres de la gestion des temps forts et temps faibles, le Toulousains semblent moins sereins que d’habitude, baladés qu’ils sont par un jeu au pied d’une justesse impressionnante côté UBB.
Jalibert désormais transformé en Butch James, personne ne l’avait vu venir. (©BeIn Sport)
Et s’ils demeurent dominateurs en mêlée fermée, ils peinent à capitoliser sur leurs points forts et commettent de nombreuses imprécisions. Un en-avant de passe est notamment sifflé sur une opportunité de contre attaque lancée par Mallía.
Pas franchement évidemment l’en-avant, ça sent encore le complot anti-toulousain… (©BeIn Sport)
Puis c’est Willis qui échappe le ballon sur une touche dans les 22 adverses. Enfin, Lamothe, cet homme qui ressemble au résultat d’un accouplement entre Rémi Bonfils et un nain dans le Seigneur de Anneaux, continue sa métamorphose en Julien Marchand bis en réussissant un nouveau grattage, juste avant le retour au vestiaire.
Aujourd’hui Willis c’était Bruce, mais la version actuelle. (©BeIn Sport)
18-11 à la pause pour des Girondins qui semblent faire le coup parfait. Mais un match, ça dure 80 minutes (je vous le dis je deviens vraiment Vincent Clerc, d’ailleurs j’ai une peau parfaite et des cheveux soyeux d’un coup). Il va donc falloir tenir, être solidaires, courag… OH PUTAIN L’ESSAI DE BIELLE-BIARREY.
Alors qu’on avait même pas terminé l’interview de la mi-temps sur France 2, le cheat code casqué a frappé. Tout part d’une nouvelle belle inspiration de Jalibert qui, sous le renvoi, enrhume Capuozzo d’un joli crochet. Puis LBB est servi, et là, peu de mots existent dans la langue française pour décrire ce qu’il va faire à Paul Graou. Ou en tout cas, peu de mots que j’ai le droit d’écrire sur Actu Rugby.
Disons poliment que le demi de mêlée n’avait jamais autant ressemblé à un chihuahua parti à la recherche de sa propre queue. (©BeIn Sport)
Derrière, Pete Samu est encore au soutien. Le wallabibiste réalise une superbe croisée pour jouer le 1-2, et Bielle-Biarrey termine dans l’en-but pour un essai assassin. Le type d’essai que Toulouse marque parfois. Le type d’essai que Toulouse n’encaisse jamais. 25-11.
Un essai appelé à devenir légendaire, que les supporters de l’UBB appelleront « L’essai du bout de la dune du Pilat ». (©BeIn Sport)
Ça commence à sentir mauvais pour les Rouge et Noir, on se croirait presque Place Saint-Pierre un samedi soir. C’est le moment qu’Ugo Mola choisit pour appeler la cavalerie : Merkler, Neti et Jelonch entrent en jeu. Ce dernier se démarque instantanément avec une férocité qui nous fait penser que sa tête de gros poussin gentil correspond vraiment mal à son style de jeu.
Le One-Man-Bomb-Squad. (©BeIn Sport)
Les visiteurs remettent la marche avant, font mal à leurs adversaires. Rentré côté bordelais, Marko Gazzotti écope d’un carton jaune pour avoir tué une occasion d’essai toulousaine. Les Rouge et Noir restent imprécis, à l’image de Paul Graou qui envoie un missile sur des innocents en tribunes – ce qui il est vrai est devenu une activité qui ne choque plus grand monde par les temps qui courent.
Alors que Capuozzo rend hommage à la légende italienne Gianluigi Buffon avec un superbe arrêt réflexe ! (©BeIn Sport)
Après une nouvelle mêlée conquérante, la défense bordelaise finit par craquer comme Alain Juppé devant la manif de trop en 1995 (je ne suis plus Vincent Clerc, je suis Jean-Michel Apathie). Barassi est servi et élimine un peu trop facilement Lucu et Jalibert. 25-18.
Il a assis la défense ??? (je me hais) (©BeIn Sport)
A-t-on assisté au tournant du match ? Côté Union, Damian Penaud doit céder sa place après une blessure à la cheville qu’on pense alors sévère. Ça fait beaucoup de mauvaises nouvelles d’un coup, même si la rentrée de Ben Tameifuna apporte un rééquilibrage bienvenu dans le secteur de la mêlée.
On notera l’application des fameuses « Far west rules » dans les rucks. (©BeIn Sport)
Si la possession est désormais presque entièrement toulousaine, le jeu des champions d’Europe manque toujours un peu d’huile. Des en-avant viennent gâcher les avancées des gros. Les Bordelais, eux, défendent avec acharnement et se dégagent toujours aussi bien au pied grâce à Lucu, Jalibert ou Buros, qui échappe miraculeusement à une tentative de meurtre de Neti.
Gros contre-son-camp de Tameifuna qui empêche l’arbitre de voir un ralenti probablement criminel. (©BeIn Sport)
Mais c’est surtout sur le jeu au sol que les grosses victimes du Vélodrome 2024 trouvent leur salut : Depoortère gratte un ballon précieux et récupère une pénalité. Derrière, Jalibert trouve une énorme pénaltouche de 60 mètres. Deuxième occasion de marquer pour l’UBB en cette seconde période. Et deuxième essai. Ballon porté, série de pick and go, et Bochaton, qui était entré en jeu après le protocole commotion du grand fauve Coleman, va marquer au ras. Depuis quand Toulouse prend des essais aussi facilement ? Depuis aujourd’hui. 30-18.
C’est beau l’amour entre hommes. (©BeIn Sport)
Cette fois, c’est fini. Le service marketing du Stade Toulousain vient de mettre à la corbeille ce maillot avec 7 étoiles désigné en collaboration avec Thomas Pesquet, Big Flo et Oli, Émile et Images et Philippe Douste-Blazy. Ce ne sera pas pour cette année. Après un énième grattage de Retière, les Bordelais viendront même planter un dernier essai, parce qu’après tout, les Toulousains ne s’étaient pas privés lors de la dernière finale de Top 14. Big Ben Tameifuna inscrit un cinquième essai plutôt anecdotique après un pick and go. Perso, j’ai surtout retenu la chistéra de Jelonch : aujourd’hui, ce sont les Toulousains qui auront fait les actions clinquantes et inutiles, et ce sont les Bordelais qui se sont montrés froids et impitoyables.
Une idée pour plus tard côté toulousain : suivre les percées de Barassi et lui proposer des solutions peut-être ? (©BeIn Sport)
Les temps changent, les finales aussi, et franchement, ça ne fait pas de mal. Un petit UBB – Northampton, c’est sûr que ça surprend un peu, on dirait plus une affiche de Challenge Cup commentée par Jean Abeilhou sur France 4 en 2013. Mais vu le jeu proposé par ces deux équipes, on devrait se régaler. Puis surtout, ce sera aussi un immense duel de têtes à claques entre Jalibert et Pollock, un rêve pour tous ceux qui sont incapables de profiter d’un match de rugby sans trouver quelqu’un à détester !
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