Par
Yann Rivallan
Publié le
6 mai 2025 à 7h56
Ils sont installés là depuis la soirée du vendredi 2 mai 2025. Face à la préfecture de Seine-Maritime, à Rouen (Seine-Maritime), un collectif de mineurs isolés a monté un campement pour faire entendre leur voix. Ils sont une quinzaine à vivre dans des tentes depuis la semaine dernière avec l’espoir de pouvoir enfin sortir de la rue.
Face au mur de l’administration
Parmi eux, on retrouve Doss. Âgé de 16 ans, dit-il, il est confronté depuis bientôt un an au mur de l’administration française.
L’État nous traite comme des moins que rien.
Doss
Délégué du collectif jeunes mineurs isolés à Rouen
Arrivé en France en juillet 2024, il peine à se faire reconnaître et être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Il dort dans la rue et multiplie les démarches, sans succès pour le moment.
Un test osseux pour certifier son âge
Le problème selon lui, c’est que ses documents d’état civil sont contestés par l’administration française. Originaire de Guinée Conakry, il assure pourtant avoir en sa possession « un acte de naissance, une carte scolaire avec une empreinte biométrique », et une flopée de documents d’état civil.
Mais ils n’ont visiblement pas de valeur aux yeux de l’État. Pour s’assurer que Doss est mineur et en droit de recevoir l’assistance de l’ASE, on lui a fait passer un test osseux. Ce dernier, très décrié par le monde associatif, car jugé peu fiable et d’un autre temps, aurait révélé qu’il est âgé de 37 ans. « Impossible », rétorque Doss.
Mais ce test fait foi aux yeux des juges et ses demandes de prises en charge restent bloquées. Le jeune guinéen a fait un recours auprès du juge des enfants pour contester cette décision. Il est encore dans l’attente d’une audience.
« Nous vivons un réel danger »
À ses côtés, une quinzaine de mineurs dans la même situation ont décidé de camper devant la préfecture pour faire bouger les choses : « On ne fait pas ça par plaisir, assure Doss. On veut faire comprendre que les mineurs comme nous vivent quelque chose de vraiment horrible. Nous vivons un réel danger [en restant dans la rue, NDLR]. Nous sommes abandonnés et ça fait des années que ça se passe sans que personne s’en rende compte. »
Avec Doss, une quinzaine de mineurs isolés campent devant la préfecture à Rouen pour faire entendre leurs voix. (©YR/76actu)
Alors, pour ces jeunes en galère, « il est temps de dire stop ». En restant ici, ils demandent à la préfecture de prendre ses responsabilités pour « trouver des solutions et que la situation change ». Ce qu’ils souhaitent, c’est un hébergement, la possibilité d’être scolarisés et d’accéder aux soins. « Et aussi qu’on arrête les tests osseux », rétorque le délégué des mineurs isolés.
« Ils n’en peuvent plus »
Selon Dominique Pierre, bénévole du Réseau Éducation Sans Frontières (RESF), près de 50 mineurs isolés sont dans ce cas à Rouen et ont intégré le collectif. Pour les accompagner dans ce combat, des associations comme RESF, la ligue des Droits de l’Homme ou encore des syndicats prêtent main-forte aux jeunes.
Ils leur apportent depuis vendredi de la nourriture et ils les accompagnent quotidiennement.
Ils sont là pour taper du poing sur la table car ils n’en peuvent plus.
Dominique Pierre
Bénévole de RESF
Selon la bénévole, ces jeunes « ne sont pas pris en charge par l’ASE, car on ne reconnaît pas leurs documents d’identité », et ils se retrouvent inévitablement à la rue, sans rien pour survivre. Ils ont beau entamer des recours au tribunal, « ils ne sont pas hébergés ni protégés », regrette-t-elle.
Pour trouver une solution, le collectif explique avoir adressé une lettre ouverte au président du Département de Seine-Maritime, à la rectrice et au préfet. Mais pour le moment, pas de réponse.
Aucun échange pour le moment
Interrogé à ce sujet, le service communication de la préfecture nous assure « qu’aucune demande officielle de rencontre n’a été formulée », par le collectif. À ce stade, aucun échange n’est donc prévu. Concernant l’occupation du terrain devant la préfecture, il appartient au domaine public de la Ville de Rouen. C’est donc cette dernière qui pourra décider, ou non, de faire évacuer le campement.
Pour Doss et les autres mineurs qui l’accompagnent, « on ne comprend pas pourquoi il y a tant de haine. On ne rentre dans aucune case ».
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