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AFP
Publié le
6 avril 2025
Il a souvent fui les projecteurs mais ils ont fini par le rattraper: l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, qui a fait fortune dans l’immobilier avant de bâtir un éphémère empire commercial, a été mis en examen pour banqueroute et abus de biens sociaux.
Michel Ohayon (photo d’archives) – DENIS CHARLET / AFP
Camaïeu, Gap, Go Sport, La Grande Récré… Les déboires financiers de ces enseignes grand public, que le sexagénaire venait d’acquérir en quelques années, ont fait les gros titres depuis la liquidation de la première, en septembre 2022, avec 2.600 employés sur le carreau.
Le groupe Celio a racheté la marque, les autres chaînes de vêtements et jouets étant reprises par des concurrents à la barre des tribunaux de commerce. De cet éphémère empire commercial, Michel Ohayon a seulement conservé une vingtaine de magasins Galeries Lafayette en province.
Derrière ces opérations, une même société, la Financière immobilière bordelaise (FIB). Cette holding est, depuis trois décennies, le bras armé des investissements de l’ancien vendeur de vêtements devenu propriétaire d’immeubles et d’hôtels de luxe, tout en gardant la foi dans le commerce de centre-ville face à la vente en ligne.
« Pour moi, les pure players comme Amazon sont plus en danger! », affirme-t-il au magazine Forbes, dans une de ses rares interviews, en novembre 2019. Quelques mois plus tard, l’épidémie de Covid-19 et les périodes de confinement frappent de plein fouet le secteur dans lequel il vient de se lancer.
Un homme de « coups »
« Michel Ohayon est de ceux qui ont investi au mauvais moment, alors que tout allait bien jusque-là, c’est tout. Il a fait une erreur comme tout le monde peut en faire », juge un ami de longue date.
Né le 7 juillet 1961 à Casablanca, ce fils de marchand de tissus arrive enfant à Mérignac, en banlieue bordelaise, où son père ouvre un magasin. Il entame des études de médecine avant de gérer des boutiques Cacharel/Daniel Hechter dans les années 1980.
Plutôt que de passer ses samedis à vendre des costumes, il achète un immeuble dans le centre de Bordeaux et le restructure pour le louer à Celio. Ce premier « coup » en entraîne beaucoup d’autres dans les années 1990, l’investisseur engrangeant les mètres carrés dans une rue très fréquentée de la ville.
En 2005, après en avoir revendu une partie à la foncière anglaise Grosvenor, contrôlée par le duc de Westminster, il intègre le Top 500 des plus grandes fortunes de France – la sienne est évaluée à 350 millions d’euros.
« Mais où Ohayon s’arrêtera-t-il? », s’interroge à l’époque le journal Les Échos en racontant que le roi de l’immobilier bordelais s’est installé dans les quartiers chics de Paris et « parcourt la France à bord de son Falcon ». Via une société luxembourgeoise, ce féru de peinture achète aussi des Chagall pour 45 millions de dollars.
Applaudi puis conspué
Durant la première décennie du siècle, l’homme d’affaires mène deux grosses opérations dans le « triangle d’or » de la capitale girondine: la rénovation du Grand Hôtel, acheté au nez et à la barbe d’un notable local du BTP, et la construction de l’Auditorium.
Il multiplie ensuite les acquisitions: Trianon Palace de Versailles en 2014, Sheraton à l’aéroport de Roissy en 2016; l’année suivante, Waldorf Astoria de Jérusalem – revendu depuis – et domaine viticole à Saint-Emilion… Son patrimoine dépasse alors le milliard d’euros au classement du magazine Challenge, c’est l’apogée.
L’autodidacte, fier d’avoir bâti sa fortune plutôt que d’en avoir hérité, se voit alors en sauveur d’entreprises et d’emplois: lorsqu’il reprend Camaïeu à la barre du tribunal de commerce de Lille, en 2020, il en sort applaudi par les salariés.
« J’espère que vous serez puni », le conspue l’un d’eux à l’annonce de la liquidation, deux ans plus tard. Les fiascos s’enchaînent et une enquête judiciaire est ouverte sur de présumées malversations financières, à l’origine de sa mise en cause aujourd’hui.
En février 2023, en pleine tourmente, il expliquait au journal Sud Ouest avoir été mal entouré quand il s’est diversifié, « à contre-cycle », dans le commerce. Et confiait vivre « très mal » d’être voué, désormais, aux gémonies.
Par Pierre Pratabuy- AFP
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