Par

Bastien Grossin

Publié le

6 mai 2025 à 10h53

C’est une annonce qui a fait l’effet d’un coup de massue. Début mars 2025, la direction d’Etam a confirmé la fermeture de son Tech Center à Marq-en-Barœul près de Lille (Nord). Première usine du groupe en France, aujourd’hui les 55 salariés y confectionnent les prototypes avant qu’ils ne soient sélectionnés et produits. Ils sont désormais suspendus aux négociations autour du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Depuis cette annonce choc, la mobilisation s’organise. Plusieurs manifestations ont déjà eu lieu dans la métropole lilloise, et un compte Instagram, « Etam les licenciés », relaie les témoignages et les actions des employés. Une manière de rendre visibles les visages et les parcours derrière la décision. Claudine Coppens, modéliste et déléguée CGT, ne cache pas son inquiétude : « Beaucoup sont à quelques années de la retraite. D’autres ont plus de 50 ans. À cet âge-là, on ne retrouve pas un travail comme ça, surtout dans notre branche. » La direction, de son côté, propose des reclassements, mais principalement en boutique, dans d’autres villes de France. Une reconversion difficilement envisageable pour beaucoup d’employés. Détails.

Une marque historiquement implantée dans le Nord

Pourtant, l’histoire d’Etam dans le Nord ne date pas d’hier. Elle débute en 1936 à Mouvaux, avec l’implantation de la toute première usine française du groupe. Inauguré par Martin Milchior, créateur de la marque, le site de Mouvaux devient un point central pour l’approvisionnement des boutiques en France.

Pendant plus de 80 ans, les pratiques évoluent, le marché également, mais malgré l’augmentation des délocalisations, l’usine reste. Face au vieillissement des bâtiments, Etam décide en 2017 de transférer ses activités deux kilomètres plus loin à Marcq-en-Barœul, dans des locaux modernes de 1 900 m2. Baptisé « Tech Center », il regroupe 55 salariés qui travaillent à l’élaboration de nouveaux produits avec un rythme allant jusqu’à 5 000 prototypes par an.

Un coup de massue

Pourtant, début mars, c’est la douche froide. Les salariés apprennent que l’usine devrait fermer dans les prochains mois. Cette nouvelle tombe comme un coup de massue. Claudine Coppens explique : « J’ai été convoquée au siège à Clichy (Hauts-de-Seine) pour un tout autre sujet. Et on m’a annoncé ça de manière officieuse au début. […] Quand la sentence est tombée, plusieurs personnes ont éclaté en sanglots. D’ailleurs, ça pleure toujours à ce jour. Certaines sont même encore en arrêt maladie. »

Depuis cette annonce, Claudine Coppens raconte avoir vu la quantité de travail diminuer drastiquement. Si elle et ses collègues sont dans l’obligation d’être présents pour être rémunérés, les conditions de travail ne sont plus les mêmes. « On adore notre métier, c’est très difficile de couper le cordon. On est vraiment en deuil.»

Négociation et mobilisation

Malgré cet attachement à l’entreprise et le coup dur que représente l’annonce, une autre dynamique s’installe rapidement. Pas le temps de digérer pour les représentants syndicaux : ils passent à l’action. « Le PSE qu’on nous propose est au ras des pâquerettes. La direction campe sur ses positions, c’est toujours la même chose », lâche Frédéric Ploegaerts, employé au bureau des méthodes. Du côté des syndicats, on dénonce des négociations figées, notamment sur les indemnités supra-légales, des compensations versées en plus du minimum fixé par la loi. Les propositions de reclassement, jugées trop vagues ou inadaptées, ne convainquent pas ni les 55 salariés ni les syndicats.Ces derniers reprochent : « On est mal considérés alors qu’on a donné notre vie pour le groupe ».

Selon eux, cette décision n’est peut-être pas si récente que ça. Lors des changements de locaux en 2017 plusieurs salariés auraient été avertis par des proches de cette menace : « Le bail des nouveaux locaux va jusqu’en octobre de cette année. À mon avis, ça fait longtemps qu’ils ont pour projet de fermer le tech center ».

Une décision prise « avec gravité »

Si nous n’avons pas pu avoir de réponse concrète à plusieurs de nos questions, Etam tient sa ligne et affirme : « Le groupe comprend sincèrement l’émotion que peut susciter cette situation pour les équipes concernées, et tient à rappeler qu’il a toujours veillé à accompagner ses collaborateurs avec responsabilité. […] La décision de fermeture du tech center s’inscrit dans un contexte plus large d’évolutions structurelles du secteur. Elle a été prise avec gravité, après un examen approfondi des organisations et des besoins industriels, mais sans remettre en cause les valeurs ni l’attachement à ce qui a fait l’histoire et la singularité de ce site et de ses salariés. » Selon eux, le site dépend d’une filiale interne qui ne produit que 2,45 % des prototypes.

De leur côté, Claudine Coppens et Frédéric Ploegaerts ne se projettent pas. « L’important, ce sont les collègues, nous, on verra après. » Pour les délégués syndicaux, ça ne fait aucun doute, ils ne sont pas près de baisser les bras et des mobilisations sont encore prévues, d’ici la date limite du 19 mai pour trouver un accord.

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