L’épopée du sous-marin Casabianca et de son charismatique commandant – le capitaine de corvette Jean L’Herminier – est toujours bien vivace au sein de la Marine nationale. Plus de 80 ans après les faits – le 27 novembre 1942, alors qu’une grande partie de la flotte française se saborde à Toulon, le submersible s’échappe au nez et à la barbe des Allemands – le livre racontant ce coup d’éclat fait d’ailleurs toujours partie du paquetage des sous-mariniers français.
Pour le capitaine de corvette (CC) Charles* qui, dans le cadre de l’École de guerre à Paris, a eu à réfléchir sur les forces morales nécessaires aux militaires et à la Nation pour durer, cette épopée est « un exemple à suivre, à entretenir ».
C’est ainsi qu’est née l’Opération Casabianca. Mais n’allez surtout pas imaginer qu’il s’agit, comme en 1942-1943, de débarquer clandestinement des agents de renseignement sur une plage corse. « L‘Opération Casabianca est un projet sportif, mémoriel et solidaire », déclare le CC Charles. Et de détailler: « Deux équipages, constitués de six officiers et de six orphelins de militaires, vont effectuer à bord de deux voiliers un aller-retour entre Toulon et l’anse de Topiti en Corse ».
Sportive, la traversée le sera. À quelques heures de larguer les amarres ce lundi midi, le CC Charles ne cachait d’ailleurs pas ses préoccupations. « Sur les sept officiers** qui prennent part à cette aventure, nous ne sommes que deux à avoir des compétences en voile. Or les conditions météorologiques annoncées – un gros mistral – ne sont pas vraiment idéales. On a prévu un mouillage à Port-Cros pour la première nuit, avant de lever l’ancre mardi matin pour une arrivée à Cargèse en fin de journée ».
Pour la partie mémorielle, les équipages du Cybèle et de l’Orion, les deux voiliers mis à disposition par le club nautique de la Marine à Toulon, participeront mercredi matin à une cérémonie dans l’anse de Topiti, à l’endroit même où mi-décembre 1942, le Casabianca réalisa la première de ses sept missions clandestines. Avant de remettre le cap sur Toulon où les deux voiliers sont attendus vendredi matin.
Faire naître un esprit d’équipage
Mais le CC Charles met aussi l’accent sur « l’esprit d’équipage, la confiance et l’entraide qui, il l’espère, naîtra entre les militaires et les orphelins ». Parmi ces derniers, Thomas, jeune Toulonnais de 23 ans dont la maman, marin d’État, est décédée d’une longue maladie en 2012, se montre impatient de participer à cette aventure. « En tant que Toulonnais, la mer est un milieu qui me passionne. Quand j’ai entendu parler de l’opération Casabianca par l’association Entraide Marine, j’ai aussitôt souhaité en faire partie. Pour moi, outre le côté historique de l’opération, c’est aussi une façon de communier avec ma mère et mon grand-père qui fut aussi marin en Indochine ».
Présent pour assister à l’appareillage des deux voiliers, le capitaine de frégate Brice Lagniel, dernier commandant du sous-marin nucléaire d’attaque Casabianca, l’héritier du bateau noir du commandant L’Herminier désarmé en septembre 2023, se félicitait de cette initiative portée par des non-sous-mariniers: « C’est une façon de faire vivre la mémoire du Casabianca à laquelle on est tous très attaché ».
*Pour des questions de sécurité, seul le prénom est communiqué.
**Interarmées et internationale, cette opération compte trois officiers de marine français, un officier de marine colombien, un officier de l’armée de l’air, un officier de l’armée de terre et un commandant des sapeurs-pompiers de Paris. Ce dernier accompagne un orphelin de la brigade.