Tremblement de terre politique à Berlin. Friedrich Merz a échoué à se faire élire chancelier comme prévu, ce 6 mai, par le Bundestag. Le leader de la droite allemande, présenté par une coalition de son parti CDU-CSU et du SPD n’a obtenu que 310 voix alors que le seuil de la majorité absolue se situe à 316 voix.

Cet échec inattendu est retentissant. Il constitue une première dans l’histoire de la République fédérale. Jamais jusqu’alors un candidat présenté par une coalition, censée détenir une majorité absolue de sièges, n’avait été battu lors du 1er tour de son élection à la chancellerie.

Les visages fermés et consternés de Friedrich Merz, Lars Klingbeil, le co-président du SPD, et de leurs entourages, en disaient long ce mardi sur l’humiliation infligée par ce vote. Les députés CDU-CSU et SPD tous présents dans l’enceinte détiennent ensemble 328 sièges. Ce qui offrait aux deux partis a priori une majorité de 12 sièges. Insuffisant quand 18 d’entre eux choisissent finalement de désobéir aux consignes de vote.

Énorme camouflet pour le nouveau pouvoir

Un second tour doit avoir lieu au plus tard dans les 15 jours comme l’exige la constitution allemande. Mais la CDU-CSU a fait part ce 6 mai de sa volonté d’accélérer le processus. Ce deuxième passage devant la chambre basse du parlement requiert à nouveau une majorité absolue. En cas de nouvel échec, les directions de la CDU-CSU et du SPD ne parvenant pas à convaincre les députés récalcitrants à changer leur vote, un 3e tour pourrait avoir lieu où seule une majorité relative pourrait suffire.

L’affaire a cependant déjà pris la dimension d’un énorme camouflet pour le nouveau pouvoir. Avant même son entrée en fonction elle traduit toute la fragilité du nouvel attelage gouvernemental alors même qu’il était censé assurer la stabilité en s’appuyant sur les deux ex grands partis de l’échiquier politique.

Cet échec retentissant illustre la profondeur d’une crise de confiance inédite qui fait déjà de Friedrich Merz le plus impopulaire des hommes d’État allemands avant même qu’il ait pris les rênes du pays. La méthode de gouvernance choisie par la CDU-CSU comme par le SPD est sur la sellette. On se souvient comment Merz et ses alliés ont choisi de passer en force et de court-circuiter la nouvelle chambre basse du parlement en faisant adopter in extremis par l’ancien Bundestag un effort budgétaire phénoménal destiné au surarmement et aux infrastructures.

Une partie de l’électorat et des députés de droite n’a pas apprécié que le futur chef du gouvernement s’assoit ainsi sur le frein à la dette constitutionnel après avoir proclamé durant la campagne que jamais il ne le ferait. Surtout la conciliation in extremis avec la frange la plus droitière de la CDU-CSU, partisane de traiter l’AfD (extrême droite) – devenue, à plus de 20 %, second parti de l’échiquier politique – comme une formation comme un autre, a fait l’objet d’une entente politicienne grossière. Avec la désignation, ces dernières heures, de Jens Spahn, le leader de cette vaste mouvance droitière, comme président du groupe chrétien démocrate.

Côté social-démocrate l’exclusion des membres de l’aile gauche ou porteuse des traditions pacifistes héritées de la fameuse politique de détente avec l’Est de l’ex chancelier Willy Brandt, a pu également alimenter toutes les frustrations, voire des désaccords fondamentaux sur la politique de surarmement de la Bundeswehr, l’armée allemande ou la livraison promise de missiles Taurus à longue portée à Kiev – à laquelle s’était refusé le chancelier Scholz – par son successeur et son ministre de la défense Boris Pistorius (SPD).

Au-delà de l’Allemagne, la fuite en avant dans la course européenne aux armements est également ébranlée par ce terrible contretemps politique. Le président Macron qui brandit à toute occasion « l’Europe de la défense » s’était ainsi fait fort de recevoir le premier ce mercredi 7 mai le nouveau chancelier Merz.

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