« On n’est pas sorti ce matin pour perdre, on est sorti pour gagner ! » Le froid mordant, ce mardi, n’a pas non plus fait reculer les syndicalistes, habitants du quartier, commerçants, élus et employés de La Poste grévistes venus manifester et signer une pétition, dès 9 h 30, contre ce qu’ils estiment être « la casse d’un service public de quartier ». Le bureau de Badouillère, qui doit fermer définitivement ses portes le 29 août prochain, était donc fermé ce mardi ainsi que les trois autres qui y sont reliés : ceux de La Ricamarie, La Cotonne et Bellevue. « Au total, douze employés sont grévistes aujourd’hui », indique Serge Ronze, secrétaire général CGT FAPT 42.

« S’ils ferment, je changerai de banque ! »

Malgré une météo peu propice au rassemblement, habitants et commerçants du quartier se sont relayés, dès 10 heures autour d’une table improvisée en face du 39 rue Gambetta pour signer la pétition. Boisson chaude et viennoiseries en sus pour réchauffer les corps et les mains.

« Je veux bien un petit café sans sucre », lance Simone à un des syndicalistes avant de nous confier, « s’ils ferment, je changerai de banque. J’en prendrai une plus proche », assure cette fidèle cliente de La Poste âgée de 83 ans, appuyée sur sa canne. Avec ses hanches bien abîmées, cette habitante du quartier a beaucoup de mal à se déplacer, même en transport en commun. « On nous enlève tout ce qui est pratique, poursuit-elle. Ils nous disent d’aller sur Internet mais si on se trompe, on est tout seul sans personne pour nous aider », regrette-t-elle.

« Un manque pour le centre-ville qui n’a pas besoin de ça »

Le coiffeur, Rémy Chancelade, dont le salon fait face au bureau de poste, a pris cinq minutes, entre deux brushings, pour signer la pétition. « Il y a beaucoup de personnes âgées qui habitent le quartier. Si le bureau ferme, ça va forcément leur manquer. À nous aussi d’ailleurs car c’est un service de proximité très pratique. Ce sera un manque pour le centre-ville qui n’a pas besoin de ça. » Chez Century 21, la directrice de l’agence ne voit pas d’un bon œil cette fermeture. Le bureau de poste est très utile pour son agence immobilière qui y dépose des recommandés quotidiennement. Quant à Valentine, qui habite le quartier de Montaud, elle est venue signer la pétition, « par solidarité. Il y a un bureau dans mon quartier que je fréquente au moins deux fois par mois. Je ne souhaite pas qu’il ferme aussi. »

Selon les partenaires sociaux, la stratégie de La Poste est de voir ouvrir un autre commerce à la place du bureau de Badouillère, qui prendrait uniquement le service postal. « D’après nos informations, aucun commerçant du secteur ne souhaite prendre le relais. Si ce bureau ferme, il ne restera que quatre bureaux en ville. Bellevue, La Terrasse, Montaud et la Grand’Poste. »

À ce jour, la ville de Saint-Étienne compte onze bureaux de poste. Et en 10 ans, onze ont baissé le rideau. Sur les 7 km de la Grand’Rue, il ne restera que les deux bureaux de Bellevue et de La Terrasse quand celui de Badouillère fermera. « Sur le long de cette artère principale et un peu excentrés il reste ceux de Montaud et de la Grand’Poste. Et c’est tout ! C’est scandaleux pour le centre-ville », s’indigne Serge Ronze de la CGT qui précise que ces fermetures ont également des conséquences sur les effectifs. « On est passé de 581 postiers dans les bureaux en 2018 à moins de 200 aujourd’hui. »

Le bureau de La Cotonne fermera les samedis à partir du 14 juin

Comme son collègue Ludovic Pabiou, délégué syndical Sud Poste, il redoute d’autres fermetures prochaines. « La direction rêve de fermer celui de La Cotonne. À partir du 14 juin, ce bureau sera d’ailleurs fermé le samedi. Ça commence toujours comme ça. Il y a aussi une menace de fusion entre les bureaux de Fauriel et Bellevue, avec à terme la fermeture de celui de Fauriel. C’est scandaleux, on se demande quand La Poste va s’arrêter. Toutes ces fermetures nuisent au service des usagers. Il y aura de plus en plus d’attente dans le peu de bureaux restés ouverts », estiment les syndicalistes.

« La Poste a une mission de service public »

La manifestation de ce mardi matin a fait également se déplacer des élus. La députée de la circonscription Andrée Taurinya, qui habite le quartier, se dit également « scandalisée par la politique menée par la direction de La Poste qui ne prend pas en considération les usagers. » La socialiste Isabelle Demestre, conseillère municipale d’opposition, accompagnée de Régis Juanico conseiller départemental, a fait remarquer que ce bureau de Badouillère n’a jamais été identifié comme déficitaire.

« La Poste a une mission de service public, rappelle-t-elle. À la prochaine négociation, il faut que l’État soit plus ferme sur ces questions de fermeture qui ne doivent plus dépendre que des quartiers prioritaires de la ville (QPV) mais de toute la ville. La Poste estime qu’il y a trop de bureaux à Saint-Étienne et là elle joue le jeu de la désertification ! »

De son côté, la direction de La Poste indique dans un communiqué que « sa branche grand public et numérique, est celui d’importants changements sociétaux et économiques : numérisation toujours croissante de l’économie et des modes de vie, digitalisation des échanges financiers, moindre recours à la monnaie fiduciaire, besoins de proximité et d’accès élargis aux services. » Pour elle, cela passe par des changements et une adaptation de son réseau.

Elle rappelle que sa présence postale, onze bureaux de poste à Saint-Étienne, est complétée par six Poste Relais qui rendent les services essentiels de La Poste. « S’y ajoutent également pour retirer ou déposer ses colis les vingt-trois Relais Pickup et les huit consignes Pickup, ainsi que trois Poste Espace Clients Pro, dédiée aux professionnels, et enfin les nombreux buralistes partenaires pour la vente de timbres. »