Les éclaboussures rouges s’étendent sur deux façades d’une rue résidentielle de Walthamstow, quartier populaire de l’est de Londres en pleine voie de gentrification. L’acte de “vandalisme”, survenu fin mars, a chamboulé les riverains, relate The Guardian. Par son caractère “inexplicable”, d’un côté. Mais, surtout, parce que l’incident, dont The Evening Standard a diffusé des images, n’avait rien d’inédit outre-Manche.

Mystery as red paint splattered on homes in Walthamstow and other parts of London

Aux quatre coins de l’Angleterre, de Liverpool, dans le Nord-Ouest, à Colchester, dans le Sud-Est, en passant par Huddersfield et Reading, la même “énigme” taraude les autorités britanniques depuis plus d’un an et demi, assure le tabloïd The Sun.

À chaque fois, des propriétés recouvertes de peinture rouge (ou plus rarement noire), en pleine nuit, par une poignée d’individus cagoulés.

“Dans certains cas, le mot brothel [‘bordel’] a été gribouillé sur les murs, accompagné d’une série de chiffres étranges, de quoi renforcer les craintes des habitants.”

Les théories prolifèrent

Des militants de la cause palestinienne, coutumiers de jets de “faux sang” pour protester contre le massacre en cours à Gaza ? Les tags ne colleraient pas vraiment. Ou bien des règlements de compte entre bandes rivales ? “Sur les groupes Facebook de voisinage, les théories et les débats prolifèrent”, relève le Guardian.

D’autant que, selon la presse britannique, les enquêtes patinent, depuis le premier incident signalé en 2023 dans le nord de l’Angleterre. Il faut dire que les cibles sont particulièrement variées : hôtels, résidences familiales, cafés, magasins de charité, immeubles d’habitation, liste The Daily Telegraph. “Les différentes unités de police cherchent à établir un mobile et à vérifier d’éventuels liens entre les dégradations commises à travers le pays”, indique le Sun.

Intimider des rivaux ou des mauvais payeurs

L’une des pistes les plus sérieuses, explorée depuis fin mars par les journaux londoniens, serait celle d’un conflit entre réseaux criminels originaires d’“Extrême-Orient”. “L’une des attaques londoniennes a été enregistrée par une caméra, et on y entend les assaillants parler mandarin, avec un accent associé au nord de la Chine”, assurait le quotidien The Times dans son édition du 28 mars, révélations du site local London Centric à l’appui.

“Un rapport de l’agence de l’Organisation des nations unies pour les réfugiés publié en 2023 notait que le marquage de portes à l’aide de peinture rouge était le fait d’usuriers associés aux gangs qui cherchent à intimider les mauvais payeurs”, confirme le Sun. Interrogé un peu partout à ce sujet par les médias, le professeur de criminologie à l’université de Birmingham Oliver Chan abonde :

“On a affaire des réseaux criminels chinois, qui cherchent soit à intimider des rivaux dans le cadre de guerres de territoire, soit à menacer leurs débiteurs.”

Un appel menaçant

Comme le suggère le Daily Telegraph, “de telles manœuvres n’auraient rien de surprenant au Royaume-Uni”. Après tout, “les années 1980 et 1990 étaient le théâtre d’affrontements réguliers entre sous-groupes issus des Triades”, insiste le quotidien conservateur. Néanmoins, “la violence se faisait de plus en plus rare ces dernières années”. De quoi plonger les spécialistes du crime organisé dans la perplexité. Et désarçonner les forces de police – les cellules spécialisées dans les activités criminelles issues de Chine ont été fermées au gré des restrictions budgétaires.

À Colchester, le propriétaire d’un hôtel visé par les jets de peinture dit avoir reçu, quelques jours avant les faits, “l’appel d’un homme avec un accent asiatique, qui assurait de manière quelque peu incohérente que des activités illégales” se déroulaient au sein de l’établissement. Les traces de l’attaque ont depuis été effacées, a constaté le Daily Telegraph sur place. “Mais ici comme dans les autres villes ciblées, on redoute des récidives, voire l’escalade vers quelque chose de plus sinistre encore.”