COMPTE RENDU D’AUDIENCE – Le patron de ce bar PMU avait tenté de dissimuler le corps de l’un de ses clients après une bagarre mortelle, qui implique aussi un ancien boxeur poursuivi pour non-assistance à personne en danger.

Son portrait entre les mains, en sanglots, le cousin de la victime s’est retourné vers les deux accusés, tête basse pour l’un, les yeux dans le vague pour l’autre : «Qu’est-ce qui peut justifier quelque chose comme ça ? Tout seul au milieu de deux monstres qui veulent le tuer, qu’a-t-il dit avant de mourir ?», leur a-t-il lancé, lundi, depuis la barre de la cour d’assises des Alpes-Maritimes.

Trois ans après les faits, le gérant d’un ex-bar PMU du centre-ville de Nice, Abdelkrim K., comparaît pour la mort de l’un de ses clients dans la nuit du 6 au 7 février 2022. Le corps avait été retrouvé cinq mois plus tard momifié et emmuré dans un «sarcophage» de béton, dans la cave, à l’arrière de l’établissement. Houari B., un autre client par ailleurs ancien boxeur de haut niveau en catégorie poids lourds, est aussi impliqué mais jugé libre pour non-assistance à personne en danger et modification de la scène de crime.

La disparition inquiétante de M’hand Goumiri avait été signalée par son cousin. Et c’est encore lui, muni d’une photo, qui s’était rendu à «L’Atrium», ce bar fréquenté par la communauté kabyle près de la promenade des Anglais, pour savoir si le patron l’avait récemment aperçu. Chose à laquelle l’homme, de petite taille mais trapu, au crâne dégarni, et à la réputation d’un caractère aussi bien jovial que sanguin, avait répondu par la négative.

Porté disparu pendant cinq mois

Au domicile de la victime, à proximité de la brasserie, les pompiers avaient retrouvé sa télévision allumée et son téléphone portable en charge. Pendant cinq mois, aucun signe de M’hand Goumiri, technicien dans la fibre optique de 32 ans, père d’une petite-fille et surnommé «Dallas» en raison d’un tatouage sur son avant-bras.

Mais l’étau s’est rapidement resserré autour de L’Atrium, dans lequel une altercation entre ces trois personnes s’est d’abord ébruitée puis a été confirmée par les investigations. C’est lors d’une perquisition au sein de l’établissement que les enquêteurs ont détecté des traces de sang sur du faux gazon. Ces dernières les ont ensuite menés jusqu’à une cour, puis une cave, puis à l’impensable. Dans cette pièce sombre et exiguë, les policiers ont retrouvé une truelle, une scie, un sac de ciment et des bombes de mousses expansives vides. Et c’est en débarrassant d’autres affaires sur un muret qu’ils ont fait la macabre découverte : «une espèce de sarcophage en béton collé au mur», reviendra à la barre la responsable de la brigade criminelle.

Ce 29 juin 2022, le gérant, présent avec la police, avait soudainement demandé une chaise pour s’asseoir, puis avait reconnu les faits : après une bagarre mortelle pour M’hand Goumiri, il l’avait traîné jusqu’à la cave, déshabillé, monté sur plateforme et mis du ciment sur le corps, lui, l’ancien du bâtiment de 59 ans qui avait repris ce bar de quartier.

Corps «momifié»

Difficile pour la médecine légale de faire ressortir une vérité sur les causes précises du décès de ce trentenaire au vu de l’état du corps décrit comme «momifié» et dont les images diffusées lors du deuxième jour d’audience ont logiquement saisi d’effroi la salle. L’hypothèse d’un traumatisme crânien après une chute dans les toilettes est avancée. Mais Abdelkrim K. l’aurait violenté à coups de pied dans le cou et avec un pistolet qui s’est révélé factice. «Je voulais lui donner une leçon, à aucun moment je n’ai voulu lui donner la mort», a expliqué le principal accusé.

«On sentait vraiment qu’il n’aimait pas Monsieur Goumiri», a expliqué l’enquêtrice à la barre. «Cette haine a pris le dessus sur tout. On n’a jamais ressenti un remords car à cause de ça, sa vie était gâchée», a-t-elle ajouté. «Vous avez mis en relief qu’il n’y avait pas de stratagème», a tenté de nuancer Me Lionel Ferlaud, l’avocat du gérant.

Lors de ses auditions, Abdelkrim K. avait expliqué subir un «racket» voire du harcèlement de M’hand Goumiri. «Aucun élément ne permet de confirmer cette thèse», a assuré la policière. L’animosité entre les deux hommes serait plutôt à rechercher après un dîner d’août 2021, en compagnie de femmes, lors duquel ils en étaient déjà venus aux mains.

«Giflettes»

Cette nuit-là, le rôle de Houari B. interroge encore. Il était bien présent dans le bar, aurait adressé des «giflettes» à l’ennemi du patron, mais aurait tenté de le dissuader d’aller plus loin dans l’accès de rage. Il aurait de plus prodigué un massage cardiaque à la victime, en vain, avant d’aider à descendre le corps jusqu’à la cave. Il expliquera aux policiers être victime du gérant du bar, qui aurait profité de lui et de son passif de sportif (ex-champion d’Algérie de boxe amateur).

«Ils s’entendaient assez bien pour se mettre d’accord sur la version à donner», a néanmoins avancé l’enquêtrice, évoquant «une sorte de complicité» grâce à de nombreuses écoutes et alors que Houari B. utilisaient volontairement d’autres téléphones portables.

Les trois hommes avaient bu. M’hand Goumiri s’était rendu à L’Atrium, peu après minuit, avant que le rideau ne soit baissé. Lors d’un dernier appel avec un ami, il s’était montré énervé, expliquant que lui, personne ne le frappe. Le trentenaire ne ressortira jamais de ce bar. Le verdict est attendu mercredi soir ou vendredi.