Alors que de nombreuses voix s’élèvent en faveur de l’interdiction totale du chalutage de fond dans les aires marines protégées, la France a choisi de défendre une approche « au cas par cas ».

Le sujet des aires marines protégées (AMP) sera un enjeu parmi d’autres à la Conférences des Nations unies sur l’océan, organisée à Nice du 9 au 13 juin prochain. Mais il alimente les débats depuis plusieurs semaines, en tout cas en France où une sénatrice écologiste déposera prochainement une proposition de loi pour redéfinir le niveau de protection des aires marines françaises, et où l’ONG Greenpeace et des scientifiques du CNRS ont conjointement élaboré deux scénarios pour aboutir à 10% d’aires marines « réellement protégées », ce qui correspond à l’objectif que s’est donné la France dans sa Stratégie nationale pour les aires protégées 2030, adoptée en 2021.

Pour atteindre un niveau de protection satisfaisant, l’interdiction totale du chalutage dans ces aires marines est une demande récurrente et de plus en plus pressante des ONG et de certains scientifiques. Mais elle a obtenu une fin de non-recevoir de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, qui défend depuis plusieurs semaine une approche « au cas par cas », en s’appuyant sur une approche « fondée sur la science et notamment sur le rapport qu’a récemment écrit l’Ifremer », a précisé son cabinet, en marge d’une réunion du Comité France Océan, instance de dialogue qui a rassemblé en début de semaine ONG, scientifiques et administrations, à un mois de l’ouverture de l’UNOC-3.

Publiée mi-avril, cette note de réflexion, à laquelle ont participé une trentaine de scientifiques de l’Ifremer, rappelle qu’une part significative de l’activité des chaluts et des dragues a effectivement lieu dans les AMP. « Pour la France, en 2022, le CSTEP (Comité Scientifique, Technique et Économique pour la Pêche auprès de la Commission Européenne) avait estimé cette part à environ 33% des jours de mer et 25% de la valeur des débarquements de la pêche aux arts traînants de fond pour les bateaux de plus de 12 mètres », indique le rapport, qui souligne par ailleurs qu’à l’inverse, « certaines AMP ne sont pas du tout chalutées, même sans être identifiées en zones de protection forte ».

De ce point de vue, les conséquences écologiques et économiques d’une interdiction généralisée du chalutage dans les AMP « peuvent varier, selon que l’on regarde les effets à échelle locale ou globale, à court terme ou à plus long terme, et selon la façon dont vont se reporter les activités de pêche vers d’autres zones ou d’autres engins de pêche », précisent les auteurs du rapport, consultable en ligne

Défendant une approche fondée sur la concertation entre les différents acteurs, ils estiment que le « débat actuel est une occasion unique de remise à plat urgente et ambitieuse pour aller vers un océan plus durablement sain et nourricier », et prônent une approche au « cas par cas », afin d’aborder « les situations de chaque AMP et de leurs spécificités, au service d’une vision globale. Elle ne devrait, en aucun cas, être synonyme de statu quo », concluent les scientifiques. Une condition entendue par le cabinet de la ministre, qui précise de son côté que sur cette base, l’interdiction du chalutage de fond pourra être décidée quand les enjeux écologiques « le nécessitent ».  

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